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Numéro
09 M.I.A.

Qui est M.I.A., le phénomène hip-hop le plus en vue du moment ?

MUSIQUE

Numéro s’est penché sur le phénomène M.I.A. à l’occasion de la sortie de son nouvel album “A.I.M” le 9 septembre. 

1. UN ENGAGEMENT QUI VIENT DE LOIN

 

Mathangi “Maya” Arulpragasam (de son vrai nom) est née en 1975 à Hounslow, dans la banlieue de Londres, avec l’activisme et la volonté de faire bouger les choses dans le sang. Son père, Arul, ingénieur, écrivait, alors que sa mère Kala exerçait le métier de couturière (d’où le goût de l’étoffe tape-à-l’œil de sa fille, la mère travaillant plus tard pour la famille royale). Quand Maya a 6 mois, sa famille emménage à Jaffna, dans le Nord sri lankais, et le père se retrouve à la tête de l’Organisation révolutionnaire des étudiants Eelam, qui milite pour l’indépendance d’une partie du territoire tamoul. Une fois de retour à Jaffna en pleine guerre civile, on apprend à Maya à se planquer et à courir aux abris en cas d’attaque, alors que son école est détruite par un raid. Arrivant à Londres à 11 ans, Maya est accueillie en tant que réfugiée, mais fera l’objet de nombreuses discriminations raciales.

 

Son père – avec qui elle entretient des rapports conflictuels en raison de son absence – continue alors à se battre au Sri Lanka. Depuis, M.I.A. (en référence à l’expression militaire anglophone “missing in action”, soit “disparu au combat”), a pris elle aussi les armes, mais en chanson. La situation (désastreuse) des réfugiés reste un des thèmes majeurs des textes de M.I.A., de Paper Planes au clip de Borders fin 2015, en passant par le nouvel album, A.I.M. Son brassage musical des genres résonne aussi comme un acte militant chez cette rappeuse qui mixe à la fois l’électro, le rap et la  world music. Proche de ses origines, on peut encore croiser la star de 41 ans (désormais mère, célibataire et épanouie) en train de s’acheter des bijoux et de discuter dans le quartier tamoul de Paris gare de l’Est-gare du Nord-La Chapelle surnommé “Little Jaffna”.

2. UN PARCOURS ATYPIQUE

 

Après une crise d’adolescence sévère (où elle fréquente un membre du dangereux gang de Brick Lane, Massive), M.I.A. est admise au prestigieux Central Saint Martins College. Elle y obtient un diplôme spécialisé en vidéo et ambitionne de réaliser des films qui parlent réellement de la société, inégalitaire, violente et injuste. Elle trouve ses collègues peu concernés par le monde qui les entoure, mais fait la connaissance de la chanteuse du groupe Elastica, Justine, via Damon Albarn, qui demandera à la jeune fille de concevoir la pochette d’un album et le documentaire d’une tournée. Inspirée par le mouvement Dogme, par Harmony Korine et Spike Jonze, l’apprentie vidéaste (qui deviendra plus tard très liée à Romain Gavras, son clippeur) écrit un scénario qui attire l’attention du cinéaste John Singleton.

 

Mais elle choisit de finir sa thèse à propos d’un film comique plutôt que d’aller à Los Angeles le rejoindre. En 2001, Maya retourne même à Jaffna pour tourner un docu sur la jeunesse tamoule, mais doit y renoncer à cause des pressions politiques. À la place, elle organise un vernissage “néo-pop art” à Londres présentant des graffitis et des toiles mixant des images tamoules à d’autres issues de la société de consommation britannique. Elle remporte un prix, en tire un livre, et Jude Law lui achète même une peinture. Une rencontre avec Peaches la même année changera la donne, cette dernière l’initiant aux joies du séquenceur Roland MC-505 et faisant naître une autre vocation chez la fan du mouvement punk.

3. DES PRISES DE POSITION CONTROVERSÉES

 

M.I.A. ne s’est pas fait que des amis en disant publiquement ce qu’elle pensait, notamment des élites, même si elle s’est attiré la sympathie de Julian Assange, Missy Elliot, Rihanna, Jay-Z (qui l’a signée) et Kanye West (qui a voulu l’épouser selon une rumeur persistante). Interdite de séjour aux États-Unis et constamment menacée de mort (l’une des raisons pour laquelle A.I.M. sera son dernier disque), cette “citoyenne du monde” qui veut éveiller les consciences a été taxée de sympathisante terroriste pour avoir utilisé des symboles chers aux Tigres tamouls, le collectif armé qui s’est battu contre le gouvernement sri-lankais.

 

Parmi ses ennemis, on compte le New York Times, la NSA, Oprah Winfrey, Lady Gaga… et beaucoup de footballeurs. Après son doigt d’honneur en live avec Madonna et Nicki Minaj (un geste d’empowerment contre l’exploitation sexuelle des femmes, dira-t-elle un an plus tard) au Super Bowl en 2012, la ligue américaine de football lui a intenté un procès. Par la suite, dans la vidéo de Borders, M.I.A. arbore un maillot du PSG customisé. Le logo de la compagnie aérienne Fly Emirates est remplacé par un contestataire “Fly Pirates”. Le club écrit alors à l’artiste pour exiger le retrait de ces images et réclamer une compensation. Au lieu de s’exécuter, M.I.A. rend public sur son compte Twitter le fameux texte. Une vraie pirate de la pop, bien avant l’engagement politique de Beyoncé, qui n’a pas dit son dernier mot. M.I.A. planche en effet maintenant sur un roman.

 

AIM de M.I.A (Polydor). Sortie le 9 septembre.