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02 Constance Debré, l'héritière subversive qui milite contre l'héritage

Constance Debré, l'héritière subversive qui milite contre l'héritage

CULTURE

La romancière française Constance Debré a déjà fait parler d’elle avec ses livres Play Boy (2018), puis Love Me Tender (2020). Dans son nouvel ouvrage, Nom, elle raconte son enfance bourgeoise terrassée par ses parents accros aux drogues dures. Toujours aussi radicale et percutante, elle y dénonce notamment l’autorité et les droits des géniteurs sur leur progéniture et milite pour leur suppression, et jusqu’à celle du nom de famille.

Adam Peter Johnson © Flammarion Adam Peter Johnson © Flammarion
Adam Peter Johnson © Flammarion

Avocate puis romancière, Constance Debré, née dans un milieu très favorisé, a toujours cherché sa place au milieu de cette bourgeoisie à laquelle elle se sentait étrangère. Ayant raccroché sa robe d’avocate pour se mettre à l’écriture, l’auteure dévoile à travers ce quatrième roman une nouvelle facette autobiographique liée à sa quête identitaire. Au sein de son second roman Play Boy (paru en 2018), Constance Debré racontait son arrivée tardive dans les relations lesbiennes. D’abord en couple avec un homme, puis maman d’un petit garçon, la romancière a tout quitté à 40 ans pour vivre pleinement son homosexualité. Aujourd’hui, dans son nouvel ouvrage, Nom, c’est son héritage familial qu’elle conteste. Elle y livre un témoignage puissant et subversif sur l’emprise que représente – sur l’individu – cette autorité parentale que l’on ne choisit pas. “Je suis pour la suppression de l’héritage, je suis pour la suppression de l’autorité parentale, je suis pour l’abolition du mariage, je suis pour que les enfants soient éloignés de leurs parents au plus jeune âge, je suis pour l’abolition du nom de famille, je suis pour la suppression de l’état civil, je suis pour la suppression de la famille, je suis pour la suppression de l’enfance aussi, si on peut”, écrit Constance Debré sur sa quatrième de couverture.

 

 

Ce roman aux idées radicales a été un réel exutoire pour elle. En effet, Constance Debré rejette ce nom de famille qui la rattache à son père, le célèbre journaliste et reporter de guerre François Debré, décédé le 14 septembre 2020. Nom est une ode à la liberté. À travers ce témoignage, elle veut prouver qu’il est possible de se détacher de son patrimoine familial et de ce qui va avec. Un héritage très chargé en ce qui la concerne puisqu’elle est issue d’une longue lignée de personnages célèbres. Son grand-père, Michel Debré, fut en effet Premier ministre du général de Gaulle. Son père, François Debré (né en 1942) est quant à lui journaliste, reporter de guerre couronné du prestigieux prix Albert-Londres en 1977. Dans un roman (Trente ans avec sursis) publié en 1998, il a lui-même raconté sa vie de grand reporter de guerre : ses rencontres avec des blessés, des soldats, des réfugiés, des policiers… mais aussi et surtout avec la drogue. Cette dépendance à l’héroïne causera des ravages dans son entourage. Elle lui vaudra d’être interné en psychiatrie par son frère, le célèbre professeur de médecine Bernard Debré, mais touchera aussi sa femme Maylis Ybarnégaray – la mère de Constance – qui décède d’une rupture d’anévrisme alors que Constance n’a que 16 ans. Héritière de ce lourd passé, à 50 ans, Constance Debré souhaite désormais s’en affranchir totalement et exister par et pour elle-même : un plaidoyer vibrant intitulé Nom.

 

 

 

Nom (2022) de Constance Debré,
éd. Flammarion, 176 pages.