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Numéro
18 Rencontres d’Arles : 5 expos hors les murs à voir absolument

Rencontres d’Arles : 5 expos hors les murs à voir absolument

PHOTOGRAPHIE

En parallèle des Rencontres d’Arles, Guy Bourdin, Harry Gruyaert, Vik Muniz, Ludovic Carême et une expo sur le tatouage sont 5 des événements qui marquent la programmation hors les murs du festival. Disséminées de Nîmes à Toulon, en passant par Avignon, L’Isle-sur-la-Sorgue et Marseille, ces photographes de talent brisent les frontières et prennent le contrôle du sud de la France.

Guy Bourdin, “Charles Jourdan” (printemps 1978). © The Guy Bourdin Estate, 2019 Guy Bourdin, “Charles Jourdan” (printemps 1978). © The Guy Bourdin Estate, 2019
Guy Bourdin, “Charles Jourdan” (printemps 1978). © The Guy Bourdin Estate, 2019

À travers chacune de ces expositions du “Grand Arles Express”, les visiteurs sont amenés à suivre les photographes au gré de leurs voyages. Puissent-ils être géographiques, avec Harry Gruyaert (en Russie, aux États-Unis, au Moyen- ou Extrême-Orient) et Ludovic Carême (dans la misère des favelas brésiliennes), ou historiques, comme la replongée dans l’univers carcéral de la fin du XIXe siècle avec l’exposition à Nîmes des photos de Charles Perrier, médecin des prisons. Ou, enfin, des productions où le pouvoir descriptif de la photo se transcende, que ce soit dans les saints recomposés de Vik Muniz ou les campagnes de mode surréalistes de Guy Bourdin… 

De gauche à droite : “Antonio chez lui, Seringal Santo Antonio, Acre, Brésil” (2017), “Nilzenir sur le chemin du travail, Favela Agua Branca, São Paulo” (2009) et “Maria chez elle, Seringal Santo Antonio, Acre, Brésil” (2017). © Ludovic Carême 2009-17/Modds De gauche à droite : “Antonio chez lui, Seringal Santo Antonio, Acre, Brésil” (2017), “Nilzenir sur le chemin du travail, Favela Agua Branca, São Paulo” (2009) et “Maria chez elle, Seringal Santo Antonio, Acre, Brésil” (2017). © Ludovic Carême 2009-17/Modds
De gauche à droite : “Antonio chez lui, Seringal Santo Antonio, Acre, Brésil” (2017), “Nilzenir sur le chemin du travail, Favela Agua Branca, São Paulo” (2009) et “Maria chez elle, Seringal Santo Antonio, Acre, Brésil” (2017). © Ludovic Carême 2009-17/Modds

Tension et poésie à la Friche Belle de Mai

 

Nous sommes à São Paulo, dans la favela d’Agua Branca. Ici, les visages capturés en noir-et-blanc par Ludovic Carême une dizaine d’années après son premier voyage au Brésil entre 2008-2011, font transparaître les pérégrinations malheureuses des plus démunis d’Amérique du Sud. Et lorsque ce ne sont pas des visages, ce sont alors des habitats précaires que le photographe français dévoile, lieux où se jouent les chahuts quotidiens provoqués par les forces de l’ordre. Ces derniers menacent les habitants d’exclusion, sous couvert de trafics mafieux – auxquels ces mêmes individus sont pourtant souvent complices. Emmanuel Lévinas, philosophe théoricien disparu en 1995, avait pensé la formule : “le visage parle”. Traduisant cette même complexité de l'individu, l’exposition de Ludovic Carême à La Friche Belle de Mai à Marseille cherche la beauté là où elle advient avec peine, et continue d’alerter sur la détresse fataliste qui pèse sur ces contrées reculées.

 

Exposition Brésils. Ludovic Carême, La Friche Belle de Mai, Marseille, jusqu’au 30 août 2019.

Harry Gruyaert, “India. Trivandrum. National Communist party congress” (1989). © Harry Gruyaert/Magnum Photos Harry Gruyaert, “India. Trivandrum. National Communist party congress” (1989). © Harry Gruyaert/Magnum Photos
Harry Gruyaert, “India. Trivandrum. National Communist party congress” (1989). © Harry Gruyaert/Magnum Photos

Un monde pluriel : photographies d’Harry Gruyaert

 

Peu de photographes manient l’objectif avec autant d’audace. À l’Hôtel Départemental des Arts à Toulon, Harry Gruyaert dévoile la beauté impromptue et imprévisible du monde. Prises au gré de ses voyages en Afrique du Nord, au Moyen-Orient, en Russie, en Europe, en Inde ou aux États-Unis, ses photographies saisissent le monde dans sa vérité la plus fugace et la plus instable. Ne se cantonnant pas à la simple rétrospective, l’exposition de ce photographe d’origine belge à Toulon explore la richesse de ses productions sous le prisme de sa sensibilité. Depuis plus de 50 ans, les œuvres d’Harry Gruyaert montrent un monde en constante mutation où les moments de beauté sont à saisir à l’instant T, et la vie à être contemplée à chaque moment. 

 

Exposition Harry Gruyaert, photographe, Hôtel Département des Arts – Centre d’art du Var, Toulon, jusqu’au 22 septembre 2019.

<p>Vik Muniz, <em>Saint Georges et le dragon, d’après Gustave Moreau</em> (2018). © Vik Muniz</p>

Vik Muniz, Saint Georges et le dragon, d’après Gustave Moreau (2018). © Vik Muniz

<p>Vik Muniz, <em>Saint Jean Baptiste dans le désert, d’après Caravage</em> (2018). © Vik Muniz</p>

Vik Muniz, Saint Jean Baptiste dans le désert, d’après Caravage (2018). © Vik Muniz

La pureté composite des saints de Vik Muniz

 

Reconnaissez-vous les toiles derrière ces milliers d’images ? Chacune des œuvres de la série Imaginária de Vik Muniz mettent en scène saintes et saints inspirés par les travaux de grands peintres, du Caravage à Gustave Moreau, de José Ribeira à Guido Reni. Avec son incroyable série Pictures of Junk (2006) – des photographies prises de haut où des amoncellements de détritus dessinent des scènes proprement Renaissance – l’artiste brésilien s’était rendu célèbre par ses contrastes entre image sacrée et profane, situant sa pratique entre hommage et iconoclasme. Présentées pour la première fois en Europe à la Collection Lambert en Avignon, les quinze œuvres d'Imaginária confrontent le spectateur à des réinterprétations de portraits de grands saints, entièrement composés d’images photographiques issues de la culture de masse. Une exposition où resurgissent les questions de l’image pure et impure.

 

Exposition Imaginária. Vik Muniz, Collection Lambert, Avignon, jusqu’au 22 septembre 2019.

<p>Charles Perrier, <em>Tatouage dos “Aux Armes de Lyon” </em>(1898-1899). Avec l’aimable autorisation du musée du Vieux Nîmes</p>

Charles Perrier, Tatouage dos “Aux Armes de Lyon” (1898-1899). Avec l’aimable autorisation du musée du Vieux Nîmes

<p>Charles Perrier, <em>Tatouage dos “Bateau”</em> (1898-1899). Avec l’aimable autorisation du musée du Vieux Nîmes</p>

Charles Perrier, Tatouage dos “Bateau” (1898-1899). Avec l’aimable autorisation du musée du Vieux Nîmes

Tatouages et/de criminels, Prison Break s‘invite à Nîmes

 

On connaît aujourd’hui la photographie comme un médium artistique ou une activité sociale, mais ce ne fut pas toujours le cas. Après la découverte de ce procédé au milieu du XIXe siècle, les forces de police se sont elles-aussi accaparées ce médium pour tenter de faire baisser le taux de récidive une fois le criminel photographié, et donc authentifié. Au Musée du Vieux Nîmes est présentée l’exposition Tatouages. Le Fonds Charles Perrier : jadis médecin à la prison de la Maison Centrale de Nîmes, Charles Perrier signe des centaines de photographies de ses détenus. Se focalisant sur un trait physique caractéristique – le tatouage –, l’exposition nous replonge dans l’univers carcéral de l’avant XXème siècle par le prisme de l’objet photographique. D’un angle éthique toutefois, il s’agit d’études sur les données physiques de l’homme pour décrypter son mental – à bon entendeur, il s’agit aussi (et surtout) du moment de cristallisation du cliché racial dans l’authentification présumée des criminels.

 

Exposition Tatouages. Le fonds Charles Perrier, médecin des prisons, Musée du Vieux Nîmes, jusqu’au 21 octobre 2019.

Guy Bourdin, “Charles Jourdan” (printemps 1979). © The Guy Bourdin Estate, 2019 Guy Bourdin, “Charles Jourdan” (printemps 1979). © The Guy Bourdin Estate, 2019
Guy Bourdin, “Charles Jourdan” (printemps 1979). © The Guy Bourdin Estate, 2019

Glamour glossy et inquiétante étrangeté dans les clichés de Guy Bourdin

 

Guy Bourdin fait partie de ces artistes au travail fascinant et mystérieux, où l’extrême glamour flirte avec un sentiment d’inquiétante étrangeté. Au centre Campredon, l’accent est mis sur l’une de ses séries de mode les plus emblématiques : Walking Legs, réalisée à la fin des années 70 pour la marque de chaussures Charles Jourdan. Au travers de cette série, le photographe a développé des clichés restés iconiques, où les corps de ses modèles sont comme des passages dans l’image, insaisissables et cocasses tels des fantômes coquets. C’est sans doute cet esprit avant-gardiste qui plut à Man Ray lorsque Bourdin était jeune. Chez ces deux maîtres de la reproduction du fantasme, les détails et la mise en scène viennent trahir la vérité de l’image. Dans les productions épurées de Guy Bourdin, le temps se distord à mesure que l’on prête attention aux détails.

 

Exposition Guy Bourdin. L’image dans l’image, Centre d’art Campredon, L’Isle-sur-la-Sorgue, jusqu’au 6 octobre 2019.