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Numéro
07 William Forsythe et Paris en trois évènements marquants

William Forsythe et Paris en trois évènements marquants

CULTURE

Dans le cadre du festival d'Automne, le chorégraphe américain William Forsythe, habitué de l'Opéra de Paris, revient dans sa chère ville Lumière avec sa toute nouvelle création, “A Quiet Evening of Dance” – présentée jusqu'au 10 novembre au Théâtre du Châtelet. À cette occasion, retour sur la carrière de ce danseur et chorégraphe virtuose en trois évènements marquants. 

“A Quiet Evening of Dance” (2019) de William Forsythe © Bill Cooper “A Quiet Evening of Dance” (2019) de William Forsythe © Bill Cooper
“A Quiet Evening of Dance” (2019) de William Forsythe © Bill Cooper

On pourrait considérer que William Forsythe est à la danse ce que James Blake est à la musique : plusieurs fois primés, ils partagent chacun une vision novatrice dans leurs disciplines. Ce n’est donc pas un hasard si leur collaboration sur la pièce Blake Works a remporté un grand succès, enflammant l’Opéra Garnier en octobre dernier. En plus d’être un habitué de l’Opéra de Paris, William Forsythe est surtout l’un des plus grands chorégraphes contemporains. Programmé au festival d’Automne depuis 2002 par sa directrice artistique Marie Collin, l’Américain qui a dirigé le ballet de Francfort pendant vingt ans (de 1984 à 2004) n’a eu de cesse de faire tourner sa compagnie dans le monde entier. Souvent passé par l'Europe – notamment à Berlin, Rome et La Haye –, William Forsythe revient à Paris cette année, avec A Quiet Evening of Dance, une pièce où il est à la fois chorégraphe et danseur, alors qu’il s’apprête à célébrer son soixante-dixième anniversaire.

“A Quiet Evening of Dance” (2019) de William Forsythe © Bill Cooper “A Quiet Evening of Dance” (2019) de William Forsythe © Bill Cooper
“A Quiet Evening of Dance” (2019) de William Forsythe © Bill Cooper

2014 : Le “Portrait William Forsythe” au festival d’Automne

 

S'appuyant sur une décontruction des codes du ballet classique, les pièces de William Forsythe bouleversent les codes de la danse : elles mettent le corps et la beauté plastique de chaque geste au centre de la création. À l'instar de ceux de son homologue américain Merce Cunningham, les spectacles de William Forsythe provoquent une onde de choc : ils éblouissent et chamboulent ceux qui croyaient tout savoir de la danse. Celui qui a fondé sa compagnie en 2005, alors âgé de 56 ans, a pour habitude de plonger les spectateurs dans le noir le plus sombre ou la lumière la plus intense, de provoquer la chute des rideaux de scène en plein spectacle et de chorégraphier le déplacement manuel des projecteurs par ses danseurs. 

 

Habitué du festival d'Automne, dans lequel ses pièces sont programmées dès 2002 avec Kammer/Kammer, le chorégraphe est de nouveau invité à Paris en 2014 pour un projet d'envergure : le “Portrait William Forsythe” au festival d'Automne. Dans neuf lieux en Île-de-France, six pièces sont jouées (de début septembre à mi-décembre) et offrent une traversée dans son oeuvre déjà colossale. De sa pièce la plus marquante, Limb's Theorem – créée en 1990 et réinterprétée par le ballet de l'Opéra de Lyon – où les danseurs gravitent autour d'un panneau en bois posé au centre du plateau, au solo Legítimo/Rezo – interprété par le danseur espagnol Jone San Martin – qui revient sur le processus de création chorégraphique, en passant par le tryptique Steptext, In The Middle, Somewhat Elevated et Neue Suite, le “Portrait William Forsythe” se révèle être le plus bel hommage qu'un festival de danse ne rende à un chorégraphe de son vivant.

 

“Limb's Theorem” (2014) au théâtre du Châtelet dans le cadre du festival d'Automne

2017 : Nowhere and Everywhere at the Same Time, N°2, les installations gigantesques de William Forsythe et Ryoji Ikeda

 

Qui a déjà pensé visiter une installation d'art contemporain en chaussettes? Everywhere at the Same Time, créée par William Forsythe et Ryoji Ikeda à la Grande Halle de la Villette en 2017, exigeait que les visiteurs abandonnent leurs chaussures. Alors que dans un premier espace, le musicien et vidéaste japonais Ryoji Ikeda déployait au sol un vaste plancher numérique animé par des projections stroboscopiques, le chorégraphe invitait dans une autre salle les spectateurs à évoluer au sein d'une forêt de pendules aux mouvements imprévisibles. Déjà présentée à New York en 2005, Nowhere and Everywhere at the Same Time s'impose comme la rencontre entre art contemporain, performance sonore et chorégraphie : William Forsythe la qualifiera d'“objet chorégraphique”, un véritable ovni dans l'oeuvre de l'Américain.

 

Dans un entretien pour Numéro, ce dernier revenait sur le projet : “D’un côté, j’espérais que la pièce pourrait fournir une sorte de cadre, de structure interne à l’architecture du lieu, de l’autre, elle fonctionnait comme une partition acoustique. Il y a environ six cents pendules suspendus à vingt chariots mobiles installés au plafond. La chorégraphie des chariots s’organise grâce à un contrepoint extrêmement complexe. Les spectateurs ne suivent qu’une seule instruction : n’avoir aucun contact avec les pendules. Ils sont donc obligés de se livrer à une danse de l’évitement pour le moins intéressante. L’ensemble est aussi – et avant tout – composé à partir d’un point de vue musical, mais le résultat aboutit à un contrepoint kinesthésique. D’un certain point de vue, le calage et la coordination des chariots ressemble à la production d’un ensemble instrumental.

 

“Nowhere and Everywhere at the Same Time, N°2” (2017) à la Grande Halle de la Villette dans le cadre du festival d'Automne

2019 : A Quiet Evening of Dance, le retour de William Forsythe à Paris

 

William Forsythe est avant tout le chorégraphe de l'hybridation et du mariage des contraires. Dans sa dernière création, A Quiet Evening of Dance, l'Américain revient à ses premières amours : les mélanges. Alors que ses interprètes – dont il fait partie – arborent des carrures et des postures de danseurs classique, ils effectuent sur scène des mouvements qui ont tout de la danse hip-hop, mais aussi des danses baroques et contemporaines. Les sihouettes se meuvent tantôt au sol ou sur pointes, les mouvements sont raides ou fluides et la rythmique est à la fois lente et saccadée. Le nom de la pièce, quant à lui, est équivoque : ce sont presque une heure et quarante minutes de silence sur scène, pendant lesquelles les spectateurs admirent seulement des gestes exécutés à la perfection. Aussi silencieuse que les mouvements sont milimétrés, la pièce se révèle tout de même assez monotone. À croire que pour éblouir, la danse ne doit pas nécessairement se complaire dans une technique irréprochable.

 

A Quiet Evening of Dance, une pièce de William Forsythe, jusqu'au 10 novembre au Théâtre du Châtelet, Paris 1er. 

“A Quiet Evening of Dance” (2019) de William Forsythe © Bill Cooper “A Quiet Evening of Dance” (2019) de William Forsythe © Bill Cooper
“A Quiet Evening of Dance” (2019) de William Forsythe © Bill Cooper