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17 De Marvin Gaye à Stevie Wonder, comment la Motown a réuni l’Amérique

De Marvin Gaye à Stevie Wonder, comment la Motown a réuni l’Amérique

MUSIQUE

La Motown, fabrique a tube légendaire qui a signé Michael Jackson, Marvin Gaye ou Stevie Wonder, fête son 60e anniversaire. À l’occasion des Rencontres d’Arles, la Fondation Manuel Rivera Ortiz présente jusqu'au 22 septembre “Dancing In The Street” exposition inédite qui célèbre six décennies de création musicale.

 

Berry Gordy, photographié par Walter P. Reuther Library. Berry Gordy, photographié par Walter P. Reuther Library.
Berry Gordy, photographié par Walter P. Reuther Library.

Les artistes du label Motown Records, succursale du groupe Universal, ont injecté leur groove soul dans les jukebox au début des années 60 et réinventé la musique populaire. Aujourd’hui, les tubes perdurent, repris, traduit, remixés, fredonné : l’I’m Coming Out de Diana Ross est rarement boudé des soirées. Les Jackson Five, Stevie Wonder, Marvin Gaye, Lionel Richie… ces artistes incontournables ont été réunis sous une seule et même maison : la Motown family de Berry Gordy.

 

L’hiver 1959 est glacial, Berry Gordy jeune boxeur de Détroit employé dans une usine automobile souhaite changer de vie. Fini le travail à la chaine chez le fils Ford, il rêve de filles, d’argent et désire devenir producteur de musique. L’Afro-Américain né en 1929 emprunte 800 dollars à sa famille et fonde Motown Records, référence directe à sa ville de naissance surnommée la Motor City. Berry Gordy fait rapidement signer Barrett Strong, Martha and the Vandellas, Stevie Wonder, et le coaching intensif débute. Véritable fabrique à tube, la machine Motown tourne 22 heures sur 24, les artistes sont envoyés en tournée dans toute l’Amérique et enregistre album sur album. Berry Gordy met en place une sorte de “contrôle qualité” et soumet chaque nouveau morceau à une commission. Sans le savoir à l’époque, il invente ce que l’on appellera plus tard le “Motown Sound”. Immédiatement reconnaissable, ce son estampillé “Motown” est un doux mélange de soul et de rhythm and blues (autrefois surnommé race music) aux sonorités gospel. 

The Supremes (de gauche à droite, Mary Wilson, Florence Ballard et Diana Ross) avec Harvey Fuqua de l'équipe de développement artistique du Motown, 1965 The Supremes (de gauche à droite, Mary Wilson, Florence Ballard et Diana Ross) avec Harvey Fuqua de l'équipe de développement artistique du Motown, 1965
The Supremes (de gauche à droite, Mary Wilson, Florence Ballard et Diana Ross) avec Harvey Fuqua de l'équipe de développement artistique du Motown, 1965

Peu à peu, Berry Gordy réinvente la musique dite “populaire”, chaque nouveau morceau est ovationné. Plus qu’une simple entreprise commerciale, Berry Gordy a l’ambition de réunir les communautés noires et blanche d’une Amérique clivéeau son des entrainantes mélodies Motown. Afin de parvenir à ce ralliement quasi impossible – une partie du public demeure hermétique au mélange ethnique –, il formate et lisse l’image de ses artistes, les incite à adopter une attitude particulière sur scène, met à leur disposition un incroyable vestiaire et imagine différentes chorégraphies.

 

Les mouvements de bassins, les claquements de doigts, les pochettes de vinyles travaillés, et les sourires éclatants créent une imagerie propre au label.

 

“Where did our love go”, Diana Ross & The Supremes, 1964.

En 1964, alors que le mariage mixte (entre des personnes de couleurs différentes) est toujours prohibé, Diana Ross & The Supremes performent dans une tenue immaculée, accompagnés de danseurs blancs. La formation s’installe aux premières places des classements radiophoniques et fait la tournée des émissions de télévision. Berry Gordy développe alors un visuel glamour pour chacun de ses artistes : des costumes ajustés et colorés pour les Temptations, des robes à frange assorties pour les Shirelles, une chevelure parfaitement crêpées pour les Ronettes, tout est calculé. Les mouvements de bassins, les claquements de doigts, les pochettes de vinyles travaillés, et les sourires éclatants créent une imagerie propre au label qui marque, irrévocablement, les années 60.

 

Mais en 1967, une émeute raciale d’une violence sans nom éclate dans la ville de Détroit. Au bout de 5 jours d’affrontement, on dénombre une quarantaine de morts. Pourtant, la notoriété de la Motown est à son zénith. Au même moment, la chanteuse Martha Reeves se produit au Fox Theater et entonne Dancing in the street, hymne de la culture afro-américaine devenu grand public, la femme incite les spectateurs à rentrer chez eux dans le calme. La maison de disque jouera un rôle phénoménal dans la lutte contre la ségrégation. Ainsi, en 1970, Berry Gordy lance le “Black Forum”, un album conceptuel qui contient le discour de Martin Luther King concluant la fameuse “Marche pour la liberté” de 1963, un texte de l’écrivain activiste Stokely Carmichael, du poète engagé Langston Hughes et de la leadeuse des Black Panthers, Elaine Brown. Un témoignage poignant d’une période américaine sous haute tension.

 

Deux ans plus tard, en 1972, le label s’installe à Los Angeles et perd une partie de ses artistes phares. Mais en récupère une flopée haut de gamme : The Jackson Five et Michael Jackson ou même Lionel Richie et The Commodores.

 

 

 

“Dancing In The Street”, Jusqu'au 22 Septembre à la Fondation Manuel Rivera Ortiz, Rencontres d’Arles.