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Numéro
26 Norman Foster, Centre Pompidou, Architecture

Norman Foster en 5 architectures pharaoniques, de Millau à la Lune

Architecture

L'architecte Norman Foster est un géant de sa discipline. Après soixante ans de carrière et quelque 300 récompenses, l'éminent Britannique a conquis la surface de la terre à coup de ponts de deux kilomètres ou de gratte-ciel phallique. Alors que le Centre Pompidou lui dédie une grande rétrospective jusqu'au 7 août, retour cinq de ses réalisations les plus monumentales, de la Silicon Valley à la Lune.

  • Millau Viaduct © Daniel Jamme / Eiffage

    Millau Viaduct © Daniel Jamme / Eiffage Millau Viaduct © Daniel Jamme / Eiffage

1. Le gigantesque viaduc de Millau, un pont parmi les nuages

 

Plus haut que la tour Eiffel, le viaduc de Millau flotte parmi les nuages et plonge littéralement les automobilistes dans le ciel. Destiné à désenclaver la région de l'Aveyron pour la relier aux grands axes de circulation existant entre Paris et la Méditerranée, le projet du viaduc de Millau, mené sur près de quinze ans, était un défi était de taille : construire un tel pont pose aux ingénieurs des difficultés multiples, entre le courant de la rivière du Tarn et les voies de circulation de l’autoroute A75… sans oublier l'immense vallée de plus de 16 000 hectares qu'il fallait enjamber. C'est à Norman Foster, sélectionné sur concours, que revient cette construction à la fin des années 90. Après trois ans de construction et 400 millions d'euros déboursés, le viaduc de Millau est inauguré en 2004, ses 343 mètres de haut dépassant la tour Eiffel (330 mètres), tandis que sa longueur s'étend sur deux kilomètres et demi. Des proportions colossales qui ont nécessité de travailler à une échelle inédite : pour soulever les sept énormes piliers du viaduc, de 245 mètres de haut chacun, il a fallu utiliser des grues d'une hauteur jamais vues (265 mètres). La souplesse de sa structure conçue, dans sa longueur, selon une ligne courbe afin de renforcer sa résistance, relève également de la prouesse, avec ses onze paires de haubans (câbles métalliques) tendus en éventail qui font penser à de hautes voiles. D'ailleurs, le viaduc semble constamment tanguer, secoué par les vagues du trafic routier et le vent d’Autan, surnommé le “vent du diable” en raison de la puissance de ses rafales par les gens de la région.

  • Great Court at the British Museum © Nigel Young / Foster + Partners

    Great Court at the British Museum © Nigel Young / Foster + Partners Great Court at the British Museum © Nigel Young / Foster + Partners
  • GreatCourtattheBritishMuseum © Nigel Young / Foster + Partners

    GreatCourtattheBritishMuseum © Nigel Young / Foster + Partners GreatCourtattheBritishMuseum © Nigel Young / Foster + Partners

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2. La Grande cour du British Museum : un musée sous cloche

 

Construit au milieu du 18e siècle, le British Museum attire six millions de visiteurs chaque année, et son architecture est aujourd'hui aussi appréciée que ses collections. Conçue dans un style néoclassique, l’institution est particulièrement célèbre pour l'immense coupole de verre qui recouvre sa Grande cour, imaginée par Norman Foster et inaugurée en 2000. Représentant un investissement de 100 millions de livres sterling, ce toit ultra moderne repose sur une idée audacieuse. L'architecte a choisi d'entourer le dôme original de la bibliothèque d’un toit constitué de 3212 panneaux de verre triangulaires, dont les courbes organiques détonnent au milieu de l'édifice et son architecture classique en projetant leurs ombres sur la pierre séculaire du musée… Pour l'imaginer, le Britannique s'est plongé dans l'histoire de son pays en reprenant le matériau principal du mythique Crystal Palace, pavillon d'exposition construit en fonte et en verre à Hyde Park pour abriter la première exposition universelle en 1851. Avec ce grand projet institutionnel, Norman Foster obtient ses lettres de noblesse – littéralement, puisqu'il est anobli par la reine Elisabeth II en 1999 – et inscrit son nom à l'encre indélébile dans l’histoire de l’architecture anglaise. Cette nouvelle verrière de la Grande cour du British Museum instaure ainsi un dialogue entre son siècle de construction, les techniques du 19e siècle et les idées contemporaines de Norman Foster. La bibliothèque installée en son centre est vidée de la collection de livres du roi George III (1738-1820) en 1997 pour devenir, à l’occasion de cette construction, un nouvel espace d’exposition, tout autant la cour qui devient ainsi intérieure et réceptionne en son sein des trésors du British Museum, auparavant bien trop grands pour être exposés. Dès leur entrée, les visiteurs du musée font ainsi face au célèbre Lion de Knidos de sept tonnes, étendu de son long et rejoint en 2007 par le Totem de Kayung, haut de douze mètres. Des œuvres colossales qui trouvent ainsi un espace d’exposition à leur taille : monumental.

  • St Mary Axe © Nigel Young / Foster + Partners

    St Mary Axe © Nigel Young / Foster + Partners St Mary Axe © Nigel Young / Foster + Partners

3. Le Gherkin, le gratte-ciel le plus célèbre de Londres

 

Autre édifice devenu incontournable dans le paysage de Londres : le 30 St Mary Axe, plus connu par les riverains sous son surnom de “Gherkin” (le cornichon) pour sa forme pour le moins surprenante, arrondie tou en pointant vers le ciel. Découpé en losange pour dessiner sur l'édifice une sorte de motif Jacquard, son matériau principal, le verre, fait écho au motif triangulaire du dôme de la Grande Cour du British Museum. Construite par l’agence de Norman Foster en 2004, la tour se distingue des traditionnels gratte-ciel très imposants qui peuplent habituellement les grandes métropoles grâce à son plan circulaire qui s’élargit à mesure qu’elle s’élève et rétrécit en son sommet. Cette structure ovale lui confère ainsi une apparence élancée et épurée, accentuée la nuit par les centaines de rayons lumineux, loin des architectures massives qui font le paysage du quartier d’affaires londonien et permet également de libérer l’espace au sol à sa base, dédié à des terrasses de cafés et des boutiques. Autre détail innovant : sa forme, semblable à celle du fuselage d’un avion, offre la possibilité d’une aération inédite du bâtiment, qui aspire ainsi l’air à travers des oreillettes ouvertes dans son revêtement extérieur. Une respiration qui rejoint la multitude de baies vitrées de la façade de cette grande tour, couronnée en son sommet d’une bulle de verre offrant un panorama à 360 degrés sur la capitale britannique…

  • Apple park, Cupertino (Etats-Unis) 2009-2017 Photo : © Steve Proehl

     Apple park, Cupertino (Etats-Unis) 2009-2017 Photo : © Steve Proehl  Apple park, Cupertino (Etats-Unis) 2009-2017 Photo : © Steve Proehl

4. L'Apple Park en Californie : un microcosme imaginé avec Steve Jobs

 

Étendu sur 71 hectares, l’Apple Park signe la rencontre entre deux visionnaires du 21 siècle : l’architecte Norman Foster et l’ingénieur Steve Jobs. Véritable écosystème sis en plein cœur de la Silicon Valley, à Cupertino, le bâtiment réunit en son sein les bureaux des 12 000 employés de la célèbre firme californienne ainsi qu’un théâtre, et une immense cour intérieure comprenant deux cafés, 800 arbres fruitiers, une immense étendue d’herbe… Bref, un lieu de travail paradisiaque dont rêve Steve Jobs à la fin des années 2000, alors que son entreprise connaît une croissance spectaculaires, pour réunir ses employés encore dispersés dans de nombreux bâtiments. Qui mieux que Norman Foster, passionné par l’innovation et les nouvelles techniques architecturales, pouvait être choisi  pour concevoir le vaisseau emblématique de la firme californienne ? En collaboration étroite avec Steve Jobs, ce dernier imagine un édifice sur quatre niveaux en forme d’anneau, permettant de relier tous les départements d’Apple sans pour autant s'élever à la verticale et devenir un énième gratte-ciel. Construit à partir de béton “poli comme une pierre rare” (selon l'expression même de Norman Foster), l’Apple Park s’arme d’une large façade en verre qui s’étend du rez-de-chaussée au sommet, et offre ainsi une vue panoramique sur sa large cour constituée de plusieurs hectares de végétation. Fasciné par l'aspect futuriste de sa forme si singulière, Steve Jobs lui donnera d'ailleurs le surnom de “vaisseau spatial”.

  • Foster + Partners, Habitat sur la Lune, 2012 projet non réalisé Photo : © ESA /Foster + Partners

    Foster + Partners, Habitat sur la Lune, 2012 projet non réalisé Photo : © ESA /Foster + Partners Foster + Partners, Habitat sur la Lune, 2012 projet non réalisé Photo : © ESA /Foster + Partners
  • Foster + Partners, Habitat sur Mars, projet non réalisé Photo : © Foster + Partners

    Foster + Partners, Habitat sur Mars, projet non réalisé Photo : © Foster + Partners Foster + Partners, Habitat sur Mars, projet non réalisé Photo : © Foster + Partners

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5. Viser la lune : l’architecture du futur

 

Son architecture futuriste, Norman Foster la pousse à l'extrême dans ses derniers projets, destinés à investir la Lune et sur la planète Mars. L’équipe Foster+Partners est en effet membre d’un consortium mis en place par l’Agence spatiale européenne afin de développer les idées de l’architecte pour les adapter à des constructions extraterrestres. Grande innovation de celles-ci : elles utiliseraient le sol lunaire ou martien, dit régolithe, afin de le transformer en matériau. Depuis une décennie, à l’aide de l’impression 3D, l’agence de Norman Foster réfléchit à la question qui motive la plupart des voyages de Thomas Pesquet : comment habiter l’espace ? Sur la Lune, les édifices du Britannique prendraient la forme d'un dôme gonflable, solidifié par des couches de régolithe posées sur cette structure par des robots. Si le projet n’a pour le moment vu le jour que sous la forme d’une maquette, fabriquée en imitant le sol lunaire, les équipes de Norman Foster se penchent aujourd'hui sur la planète Mars. En collaboration avec la Nasa, Foster+Partners développent depuis 2015 un projet faisant intervenir des robots constructeurs fonctionnant à l’énergie solaire, qui permettront de réduire au minium l’intervention humaine. Le chantier est conçu en deux temps. D'abord, une première troupe de robots commence à explorer les lieux afin de choisir l’endroit d’implantation. Puis, une livraison de cellules gonflables est envoyée sur place, accompagnée de nouveaux robots équipés d’imprimantes 3D destinées à créer des coques de protection pour ces habitats, à partir de régolithe. Enfin, les astronautes seront envoyés à la rescousse des machines pour terminer les constructions et habiter l’architecture du futur imaginée par Norman Foster.

 

“Norman Foster”, jusqu'au 7 août 2023 au Centre Pompidou, Paris 4e.