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Numéro
23 Claude Monet : 5 toiles exceptionnelles mises aux enchères chez Sotheby's

Claude Monet : 5 toiles exceptionnelles mises aux enchères chez Sotheby's

Art

Avec une estimation combinée de près de 35 millions de livres britanniques (41,8 millions d'euros), cinq tableaux exceptionnels du peintre impressionniste Claude Monet (1840-1926) passeront sous le marteau lors de la vente du soir d’art moderne et contemporain de Sotheby’s à Londres, le 2 mars prochain. Ces cinq œuvres antérieures à 1900, issues d'une même collection privée, comprennent notamment un massif de fleurs préfigurant sa célèbre série de Nymphéas, une toile de la fameuse série des Meules et deux paysages peints à diverses saisons, témoins des quinze années parmi les plus foisonnantes et déterminantes dans la carrière du peintre.

Monet, "Les demoiselles de Giverny", 1894, crédit Sotherby's.

Monet, "Les demoiselles de Giverny", 1894, crédit Sotherby's.

Monet, Prunes et abricots, 1882, crédit Sotheby's.

Monet, Prunes et abricots, 1882, crédit Sotheby's.

De l’impression à l’abstraction

 


Réalisées entre 1882 et 1897, les cinq toiles mises en vente par Sotheby's, issues d'une même collection privée, dévoilent comment Claude Monet a su capturer la couleur et la lumière sur ses toiles, mais également comment l'artiste s'est peu à peu éloigné de la figuration pure pour aller vers l'abstraction. Au fil de sa carrière, l'artiste a réalisé des dizaines de natures mortes, s'inscrivant dans une longue tradition picturale. Prunes et abricots (1882) est un bon exemple de sa maîtrise du sujet : un plan serré sur quelques prunes vertes disposées dans une assiette, aux côtés d'abricots. Le contraste des couleurs et le réalisme des ombres sur les fruits séduit à l'époque, puisque l'œuvre est achetée par le marchand d’art Paul Durand-Ruel, principal promoteur de l'école de Barbizon et des impressionnistes. 



Pourtant, au fil des années, le travail de Monet évolue et penche de plus en plus vers l’abstrait, alors que l'artiste abandonne les formes nettes au profit des couleurs et de la matière. Les Demoiselles de Giverny, qu’il peint en 1894, annonce déjà sa transition. Il y décline l’un de ses motifs les plus connus, les meules, à travers l'alignement dans un champ de petits de rondins de foin aux formes indéfinies. Revisitant le sujet en 1894, après la célèbre série de meules peintes entre 1890 et 1891, Monet choisit le cadre de la vie rurale française pour développer une technique consistant à accumuler les touches : les détails et contours meules s'effacent alors pour laisser place à des aplats de couleur, préfigurant l'abstraction. Mais dans la vente Sotheby's, c'est le paysage Sur la falaise près de Dieppe, soleil couchant de 1897 qui témoigne le plus de l'approche abstraite du peintre, réduisant les éléments naturels à leur silhouette et leurs couleurs. À sa mort en 1926, Claude Monet était devenu un peintre abstrait à part entière, appelé à exercer une influence considérable sur la génération d’artistes qui l’ont suivi.

Monet, "Massif de chrysanthèmes", 1897, crédit Sotherby's. Monet, "Massif de chrysanthèmes", 1897, crédit Sotherby's.
Monet, "Massif de chrysanthèmes", 1897, crédit Sotherby's.

L’influence du Japon

 

 

Les influences de Claude Monet sont diverses, et vont parfois jusqu'à chercher l'inspiration sur d’autres continents. Présente dans la vente chez Sotheby's Londres, Massif de chrysanthèmes (1897) l’une des quatre natures mortes consacrées par le peintre aux chrysanthèmes – bouscule radicalement la tradition des natures mortes : les fleurs occupent la totalité de la toile et sont rognées par les bords du tableau. Mais le tableau évoque surtout la fascination de l'artiste pour le Japon, partagée avec nombre de ses contemporains.


En 1854, les ports japonais s’ouvrent au commerce occidental pour la première fois en 200 ans, favorisant une tendance au japonisme qui conquiert presque tous les aspects de la vie occidentale. C’est à cette époque que Claude Monet découvre ses premiers tableaux japonais, utilisés comme papier d’emballage dans une boutique d’épices des Pays-Bas. Une passion est née. Monet orne les murs de son studio d’estampes pour accompagner les fleurs (notamment les chrysanthèmes) qu’il cultive dans son jardin. La composition du tableau s’inspire probablement de l’œuvre du grand graveur japonais Hokusai Grandes Fleurs, figurant dans la collection personnelle du peintre. D'ailleurs, l’influence des représentations florales d’Hokusai, presque décoratives par leurs compositions sur un même plan, se retrouveront aussi dans ses fameux Nymphéas.

Monet, Glaçons, environs de Bennecourt, 1892-1893, crédit Sotheby's Monet, Glaçons, environs de Bennecourt, 1892-1893, crédit Sotheby's
Monet, Glaçons, environs de Bennecourt, 1892-1893, crédit Sotheby's

Aux origines des Nymphéas

 

 

Les Nymphéas, série monumentale de Monet, ont occupé les 31 dernières années de sa vie. Ses 250 peintures à l'huile entamées en 1895, offertes à la France par le peintre, après l'Armistice de 1918, sont aujourd'hui l'oeuvre la plus connue du mouvement impressionniste – aujourd'hui exposée au musée de l'Orangerie. Des fleurs aquatiques flottant sur l'étang de son jardin, l'artiste a retranscrit les reflets par touches colorées, démontrant toute sa maîtrise picturale. L'eau et ses reflets sont des thèmes chers au peintre, présents dès 1892 et son tableau Glaçons, environs de Bennecourt. Estimé entre 5 et 7 millions livres par Sotheby's, l'oeuvre reflète le cheminement de Claude Monet jusqu’à ses Nymphéas. Entre fin décembre 1892 et janvier 1893, la Seine connaît un épisode de gel et de neige intense. Les plaques de glace immortalisées à la surface du fleuve constituent les prémices des Nymphéas, que Monet commencera à peindre quelques années plus tard. Le motif d'un élément naturel flottant et de ses reflets dans l'eau apparaît déjà dans cette toile, dans une palette plus douce et plus claire que la série qui suivra.

 

Si Claude Monet est un habitué des ventes aux enchères, Sotheby’s crée l’évènement début mars en mettant simultanément en vente cinq œuvres issues de la même collection, dont l'estimation totale atteint pour l'instant les 41,8 millions d'euros. Une belle somme, toutefois inférieure à une toile issue de sa série des Meules, adjugée 110,7 millions de dollars (environ 98,7 millions d’euros) lors d’une vente Sotheby’s New York en 2019. Ce record de vente pour l’artiste a fait rentrer cette œuvre d'art dans la liste des dix plus chères de l'histoire à l'échelle du monde entier. C’était également la première fois qu’un tableau impressionniste franchissait le seuil symbolique des 100 millions de dollars. Reste à voir si les cinq lots exceptionnels de cette nouvelle vente bouleverseront ce record.

 

 

Les cinq toiles de Claude Monet font partie de la vente d'art moderne et contemporain de Sotheby's, le 2 mars 2022 à Londres.