La dernière des artistes surréalistes inspire la prochaine Biennale de Venise

Quel est cet étrange thème, “The Milk of Dreams”, annoncé comme le leitmotiv de la 59e édition de la Biennale de Venise ? “Le Lait des rêves” est le titre d’un carnet de Leonora Carrington, la dernière artiste surréaliste à avoir vécu. Décédée en 2011, à l’âge de 94 ans, la peintre inspire Cecilia Alemani, directrice artistique du célèbre rendez-vous italien d’art contemporain, à l’initiative de cette thématique. Une thématique qui guidera notamment l'artiste française Zineb Sedira. C'est elle qui défendra les couleurs de la France en 2022, après Laure Prouvost qui transformait en 2019  le pavillon français de la Biennale en un paysage immersif aquatique inspiré par la figure de la pieuvre. Si elle fut condamnée par le pape à sa création, en 1895, cette manifestation d'art internationale et bisannuelle a pourtant su défier ses mauvais augures pour perdurer à travers les ans, accueillant désormais près de 600 000 visiteurs à chacune de ses éditions. La Biennale d'art de Venise est une occasion unique pour les artistes sélectionnés, venus de tous pays, de s'offrir une visibilité internationale. Elle est aussi l'occasion pour eux d'entrer en compétition pour espérer remporter le Lion d'or, ce fameux trophée qui distingue la meilleure proposition de l'édition. 

Parce qu'elle a traversé l'ensemble du XXe siècle, période aussi troublée que riche en émulation artistique, l'artiste surréaliste Leonora Carrington est un modèle pour Cecilia Alemani, première femme à occuper le poste de directrice artistique de la Biennale de Venise. Originaire d'Angleterre, où elle apprend la peinture, c'est sa rencontre avec Max Ernst qui déterminera son rapprochement avec les Surréalistes. Il deviendra en effet son compagnon et emménagera avec elle dans le sud de la France. Dans leur maison auvergnate, la peintre nourrit une pratique littéraire plurilingue (anglais, espagnol, français). Grand animateur de ce mouvement, André Breton retient un conte et pièce de théâtre écrit par Leonora Carrington, La Débutante, qu'il intègre à son Anthologie de l'humour noir. L'Anglaise nourrit aussi une riche pratique picturale, explorant les méandres de la psyché à travers des compositions figuratives et oniriques. Des personnages farfelus occupent souvent ses toiles comme dans “Green Tea (La Dame ovale)”, qui ne manque pas d'évoquer une intrusion au célèbre Pays des merveilles de Lewis Carroll. 

Mais le malheur sonne à la porte du couple : sous l’Occupation, son compagnon est emprisonné. Dans ce contexte trouble, obligée de fuir en Espagne, elle est victime d’une grave dépression qui la conduit à un internement en hôpital psychiatrique. Elle y elle séjournera jusqu’à son exil au Mexique en 1942, où elle côtoiera l'une des plus grandes figures artistiques nationales, Frida Khalo. C'est aussi dans ce pays qu'elle commence la réalisation de The Milk of Dreams. Ce carnet prend naissance d'une façon des plus étranges, sur les murs de son salon, où elle déploie une ribambelle de dessins et de phrases poétiques. S’il ne reste rien de ces productions murales, la postérité hérite toutefois du carnet dans lequel elle a retranscrit ses créations. De mystérieux personnages y figurent, comme un homme avec des ailes à la place des oreilles ou un autre, bicéphale et nommé Señor Moustache Moustache. 

La 59e édition de la Biennale de Venise, du 23 avril au 27 novembre 2022.