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29 Marlene Dumas, Anish Kapoor... les expositions à voir à Venise pendant la Biennale

Marlene Dumas, Anish Kapoor... les expositions à voir à Venise pendant la Biennale

Art

Le samedi 23 avril dernier, la Biennale de Venise donnait le coup d'envoi de sa 59e édition, reportée d'un an à cause de la pandémie. Comme son habitude, la ville vibre pendant six mois au rythme de l'art à travers l'exposition principale et les projets inédits dévoilés dans les pavillons nationaux, mais également de nombreuses expositions périphériques. De Marlene Dumas et Bruce Nauman dans les espaces de la Collection Pinault à Anish Kapoor aux Galeries de l'Académie et au Palazzo Manfrin, en passant par les œuvres des plus grandes figures du surréalisme réunies par la collection Peggy Guggenheim, découvrez les expositions à ne pas manquer à la Sérénissime pendant cette saison.

  • Marlene Dumas, “Teeth” (2018). Collection privée, Madrid. Photo : Kerry McFate, New York. © Marlene Dumas

    Marlene Dumas, “Teeth” (2018). Collection privée, Madrid. Photo : Kerry McFate, New York. © Marlene Dumas Marlene Dumas, “Teeth” (2018). Collection privée, Madrid. Photo : Kerry McFate, New York. © Marlene Dumas
  • Marlene Dumas, de gauche à droite : “Alien“ (2017), Pinault Collection. “Spring” (2017), Collection privée. “Amazon” (2016), Collection privée, Suisse. Vue de l'exposition “Marlene Dumas : Open-end” au Palazzo Grassi, 2022. Courtesy of David Zwirner. Ph. Marco Cappelletti con Filippo Rossi © Palazzo Grassi © Marlene Dumas

    Marlene Dumas, de gauche à droite : “Alien“ (2017), Pinault Collection. “Spring” (2017), Collection privée. “Amazon” (2016), Collection privée, Suisse. Vue de l'exposition “Marlene Dumas : Open-end” au Palazzo Grassi, 2022. Courtesy of David Zwirner. Ph. Marco Cappelletti con Filippo Rossi © Palazzo Grassi © Marlene Dumas Marlene Dumas, de gauche à droite : “Alien“ (2017), Pinault Collection. “Spring” (2017), Collection privée. “Amazon” (2016), Collection privée, Suisse. Vue de l'exposition “Marlene Dumas : Open-end” au Palazzo Grassi, 2022. Courtesy of David Zwirner. Ph. Marco Cappelletti con Filippo Rossi © Palazzo Grassi © Marlene Dumas
  • Marlene Dumas, “Mamma Roma” (2012). Pinault Collection. Photo : Edo Kuipers, Amsterdam. © Marlene Dumas

    Marlene Dumas, “Mamma Roma” (2012). Pinault Collection. Photo : Edo Kuipers, Amsterdam. © Marlene Dumas Marlene Dumas, “Mamma Roma” (2012). Pinault Collection. Photo : Edo Kuipers, Amsterdam. © Marlene Dumas
  • Marlene Dumas, “Fingers” (1999). Collection privée, Amsterdam. Photo : Peter Cox, Eindhoven. © Marlene Dumas

    Marlene Dumas, “Fingers” (1999). Collection privée, Amsterdam. Photo : Peter Cox, Eindhoven. © Marlene Dumas Marlene Dumas, “Fingers” (1999). Collection privée, Amsterdam. Photo : Peter Cox, Eindhoven. © Marlene Dumas

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1. Le corps dans tous ses états à la Collection Pinault avec Marlene Dumas et Bruce Nauman

 

 

Avec sa centaine d’œuvres et ses 33 salles, l’exposition magistrale consacrée à Marlene Dumas par la Collection Pinault au Palazzo Grassi est sans doute l’une de ses plus grandes rétrospectives à ce jour. Omniprésent dans les toiles et les dessins de l’artiste sud-africaine depuis les années 80, le corps s’y dévoile, frontal et prend le pouvoir, criant sa condition d’être au monde : charnel, inquiétant, vulnérable, enragé, subversif, mortel et pulsionnel. Que cela passe par des visages de proches ou de figures célèbres – Rimbaud, Baudelaire –, des silhouettes frontales d’enfants ou de personnes âgées, des corps en plein acte sexuel ou bien mourants, sa peinture charnelle, profondément paradoxale, touche au cœur de l’âme humaine. À la Punta della Dogana, son deuxième espace vénitien ouvert au pulic, la Collection Pinault offre encore l’occasion aux visiteurs de la Sérénissime de découvrir l’exposition qu’elle consacrait dès l’année dernière à l’Américain Bruce Nauman, prolongée jusqu’à la fin de la Biennale. Centrée sur son exploration du corps et de son équilibre initiée dès les années 60 et prolongée jusqu’à aujourd’hui par l’artiste de 80 ans, notamment son étude de la posture du contrapposto, celle-ci invite au retour à l’essence de l’œuvre chez l’artiste : l’action du fragile corps humain au sein de son atelier.

 

 

Marlene Dumas, “Open-end”, jusqu’au 8 janvier 2023 au Palazzo Grassi et Bruce Nauman, “Contrapposto Studies”, jusqu’au 27 novembre à la Punta della Dogana, Venise.

Anish Kapoor, “Shooting into the corner” (2008-2009). Médias mixtes. Dimensions variables. Photo : Dave Morgan. © Anish Kapoor. All rights reserved SIAE, 2021 Anish Kapoor, “Shooting into the corner” (2008-2009). Médias mixtes. Dimensions variables. Photo : Dave Morgan. © Anish Kapoor. All rights reserved SIAE, 2021
Anish Kapoor, “Shooting into the corner” (2008-2009). Médias mixtes. Dimensions variables. Photo : Dave Morgan. © Anish Kapoor. All rights reserved SIAE, 2021

2. L'œuvre explosive et démentielle d'Anish Kapoor aux Gallerie dell'Accademia et au Palazzo Manfrin

 

 

Réunissant une vaste collection de peintures vénitiennes datant de la Renaissance jusqu'au 18e siècle, les Galeries de l’Académie font partie des institutions majeures de la Sérénissime et sont devenues les hôtes des expositions parmi les plus en vue de la Biennale. Après avoir accueilli les toiles de l’Allemand Georg Baselitz en 2019 lors de sa dernière édition, c’est l’un des plus grands noms de l’art contemporain que les Gallerie dell’Accademia accueillent en leur sein : Anish Kapoor. Pour l’occasion, l’artiste britannique investit le bâtiment historique ainsi que le Palazzo Manfrin, un palais baroque du nord de la ville en cours de rénovation. Présentant l’éventail de sa pratique, la double exposition réunit peintures écarlates et sculptures sanguinolentes, installations monumentales explosives à base de canons et tapis roulants, ou jouant avec l’optique à l’aide de miroirs et de pigments, mais également une série de monochromes inédits réalisés avec l’aide du Vantablack, un noir si sombre que l’objet semble perdre sa forme, disparaître et laisser place au vide dont Anish Kapoor a obtenu les droits d’utilisation exclusive. Dans ces décors au charme suranné, le sexagénaire s’amuse plus que jamais à plonger dans les entrailles du monde jusqu’à l’abject, et à bouleverser la perception.

 

 

Anish Kapoor, jusqu’au 9 octobre à la Galleria dell’Accademia et au Palazzo Manfrin, Venise.

Leonor Fini, “At the End of the World” (1949). Collection privée

Leonor Fini, “At the End of the World” (1949). Collection privée

Remedios Varo, “Celestial Pablum” (1958). FEMSA Collection

Remedios Varo, “Celestial Pablum” (1958). FEMSA Collection

3. De Leonora Carrington à Dorothea Tanning, la collection Peggy Guggenheim célèbre les liens entre surréalisme et magique

 

 

Pour imaginer l’exposition principale de la 59e édition de la Biennale de Venise, la commissaire Cecilia Alemani a choisi comme titre et point de départ The Milk of Dreams, un ouvrage de la peintre surréaliste Leonora Carrington. Compilant plusieurs histoires fantastiques et de nombreux dessins de l’artiste, ce voyage onirique et libre dans un monde magique imaginaire, jalonné de corps métamorphosés et de natures fantasmées, a également incité la collection Peggy Guggenheim à consacrer pendant la Biennale une exposition aux liens entre surréalisme et magie. Le mouvement artistique, théorisé en 1924 par l’écrivain français André Breton, est ici mis à l’honneur à travers près de soixante œuvres, issues de la collection du musée et de plusieurs prêts, qui rassemblent des artistes majeurs de cette mouvance – dont certaines, principalement féminines, n’ont toutefois pas été reconnues à leur juste valeur.  Entre la peinture métaphysique de Giorgio de Chirico, les toiles mystiques de Leonora Carrington et Remedios Varo, les paysages hybrides imaginés par Leonor Fini, Dorothea Tanning et René Magritte, et les cosmologies de Salvador Dalí et Yves Tanguy, ce corpus riche et historique montre combien le monde occulte, l’ésotérisme et les rituels magiques ont irrigué la production d’un des mouvement les plus marquants du 20e siècle, qui trouve dans le monde contemporain des résonances nouvelles.

 

 

“Surrealism and Magic: Enchanted Modernity”, jusqu’au 26 septembre à la Peggy Guggenheim Collection, Venise.

“Danh Vo, Isamu Noguchi, Park Seo-Bo”, Fondazione Querini Stampalia, Venice 20 April – 27 November 2022. © the artist. Photo © White Cube (Ollie Hammick)

“Danh Vo, Isamu Noguchi, Park Seo-Bo”, Fondazione Querini Stampalia, Venice 20 April – 27 November 2022. © the artist. Photo © White Cube (Ollie Hammick)

“Danh Vo, Isamu Noguchi, Park Seo-Bo”, Fondazione Querini Stampalia, Venice 20 April – 27 November 2022. © the artist. Photo © White Cube (Ollie Hammick)

“Danh Vo, Isamu Noguchi, Park Seo-Bo”, Fondazione Querini Stampalia, Venice 20 April – 27 November 2022. © the artist. Photo © White Cube (Ollie Hammick)

4. Le dialogue poétique de Danh Vo, Isamu Noguchi et Park Seo-Bo avec la Fondazione Querini Stampalia

 

 

Chaque édition, la Biennale de Venise offre l’occasion de pénétrer dans des bâtiments somptueux et découvrir des collections exceptionnelles. Situé au cœur de la Sérénissime, le palais qui accueille la Fondazione Querini Stampalia n’est sans doute pas le plus célèbre ni le plus visité de la ville, mais il offre pourtant une expérience très plaisante à travers ses nombreuses salles – dont une partie a été transformée en espaces d’exposition vierges – et ses quatre étages, emplis d’objets, d’œuvres d’art, et de livres historiques, hérité de la famille noble qui occupait jadis les lieux. Un riche décor dont s’est cette fois-ci emparé Danh Vo pour y réunir, avec l’aide de la commissaire de la fondation Chiara Bertola, ses œuvres aux côtés de celles de deux autres artistes : Isamu Noguchi et Park Seo-Bo. Du premier, artiste et designer américano-japonais majeur du 20e siècle, on retrouve de nombreux modèles de lampes en papier Akari, qui installent par leur lumière chaude et leurs formes courbes une atmosphère poétique. Du second, l’artiste coréen contemporain Park Seo-Bo, on peut voir une série de peintures abstraites et souvent monochromes réalisées grâce au dessin minutieux de lignes répétitives sur la surface de la toile. Quant au Danois d’origine vietnamienne Danh Vo, qui n’a pas hésité à jouer avec l’architecture en accrochant des œuvres dans la cage d’escalier ou au milieu des salons d’époque, il présente également sur murs ses propres clichés de fleurs pris au smartphone dans des jardins qu’il a visités, de l’Allemagne à l’Espagne, ainsi que ses moulages et sculptures en bois utilisés récemment pour réaliser de nouvelles œuvres en verre de Murano.

 

 

“Danh Vo, Isamu Noguchi, Park Seo-Bo”, jusqu’au 27 novembre à la Fondazione Querini Stampalia Onlus, Venise.

Vue de l'exposition “Louise Nevelson : Persistence” à la Procuratie Vecchie, Venise, 2022. Photo : Lorenzo Palmieri. Vue de l'exposition “Louise Nevelson : Persistence” à la Procuratie Vecchie, Venise, 2022. Photo : Lorenzo Palmieri.
Vue de l'exposition “Louise Nevelson : Persistence” à la Procuratie Vecchie, Venise, 2022. Photo : Lorenzo Palmieri.

5. Les assemblages minutieux et domestiques de Louise Nevelson

 

 

Ses structures en bois monochromes, évoquant des sortes d’étagères emplies d’objets et volumes abstraits en tous genres, ont fait sa notoriété. Née en 1899 et disparue en 1988, Louise Nevelson a traversé le 20e siècle par sa sculpture énigmatique tridimensionnelle ou en bas-relief, inspirée aussi bien par le cubisme et le constructivisme que les arts primitifs. L’Américaine d’origine russe est actuellement à l’honneur au Procuratie Vecchie, un bâtiment historique édifié sur la célèbre place San Marco pendant la Renaissance, qui présente une soixantaine de ses œuvres. Les plus anciennes datent des années 50, décennie charnière où elle commence à réaliser des assemblages de plus en plus massifs à base de bois trouvé, par la suite peints intégralement en noir, qu’elle déclinera jusqu’aux années 80. Mais l’exposition permet également de redécouvrir leur pendant inverse, des sculptures intégralement blanches, sa pratique du collage ainsi que des œuvres plus réduites. Au fil de sa vie, l’artiste a en fait réalisé plus de 200 bijoux en or, bois et porcelaine mais aussi à base de matériaux récupérés comme le métal des boîtes de conserve, qui traduisent son sens du détail, son approche minutieuse, et son art singulier de fragmenter et déconstruire les formes familières voire domestiques pour leur insuffler, par leur réassemblage et leur uniformisation, de nouveaux modes d'existence.

 

 

Louise Nevelson, “Persistence”, jusqu’au 11 septembre au Procuratie Vecchie, Venise.

Don Bachardy, “Mark Klecher, January 1-1987” (1987).

Don Bachardy, “Mark Klecher, January 1-1987” (1987).

Florian Hetz, “Untitled” (2017).

Florian Hetz, “Untitled” (2017).

6. La Tom of Finland Foundation présente des trésors de l'art LGBTQ+ au Studio Cannaregio

 

 

En 1991 s’éteignait Touko Valio Laaksonen, alias Tom of Finland, grand dessinateur connu pour ses illustrations et peintures homoérotiques entamées dans les années 50, à une époque où l’homosexualité était encore interdite et condamnée en Occident, et ses représentations censurées voire détruites. Si les travaux de l'artiste finlandais ont longtemps circulé dans le secret au sein de la communauté gay, ils ont pu être patrimonialisés grâce à la création en 1984 de la Tom of Finland Foundation, dédiée à la conservation et la transmission de son œuvre, mais aussi de celles de nombreux artistes LGBTQ+. Un travail colossal dont on découvre un aperçu au Studio Cannaregio au nord de Venise, dans l’exposition “AllTogether” soutenue par le label Diesel et curatée par le collectif français The Community, où les œuvres de plus de 80 artistes queer – dont la plupart ont fait don à la fondation – sont réunies. Un véritable symbole pour des noms souvent méconnus, qui font pour la plupart leur première entrée dans un espace d’exposition de cette envergure. Parmi les travaux les plus familiers, on trouve, entre autres, les peintures provocantes de Jim Shaw, les clichés intimes du photographe Florian Hetz, une toile du musicien et icône queer Seth Boggart ou encore une sculpture en marbre très explicite de Marcello Lupetti, représentant une paire de fesses renversée. Souvent érotiques et crues, ces œuvres lèvent les tabous sur une production artistique longtemps restée dans l’ombre dans une société homophobe. En parallèle, une deuxième sélection d’œuvres sera présentée dès le 8 mai à l’espace permanent du collectif The Community Centre, à Pantin.

 

 

“AllTogether“, une exposition collective de la collection de la Tom of Finland Foundation, jusqu’au 26 juin au Studio Cannaregio, Venise. Du 8 mai au 26 juin à The Community Centre, Pantin.