Des pointes de jaune, de vert et de rouge éclairent une dense peinture verticale. Sur une toile de 2,80 m de hauteur et de 2 m de largeur, des milliers d’aplats rectangulaires en dégradés multicolores foisonnent et finissent par dessiner un paysage abstrait. Réalisée en 1954, ce tableau est l’un des chefs-d’œuvre de Jean-Paul Riopelle. L’artiste né à Montréal en 1925 et décédé en 2002, membre, dans les années 40, du groupe d’artistes québécois les Automatistes, s’est imposé au fil de sa vie entre Paris et les États-Unis comme l’un des grands héritiers de l’expressionnisme abstrait sans pour autant s’en revendiquer. L’une de ses techniques récurrentes, consistant à superposer des fragments colorés de peinture à l’huile à l’aide d’un couteau à palette, est devenue sa signature et le distingue d’un Jackson Pollock ou encore d’une Joan Mitchell, son épouse pendant plus de vingt ans. Cette technique est justement à l’œuvre dans La Sombreuse, pièce phare de la prochaine vente consacrée à l’art contemporain de la maison Christie’s, organisée ce vendredi 3 décembre à Paris. Inspirée, comme souvent chez Jean-Paul Riopelle, par la richesse de la nature avec laquelle il semble entamer une danse picturale, la toile date de la première année où Jean-Paul Riopelle représente le Canada à la Biennale de Venise, avant qu’il n’y revienne une seconde fois en 1962. Un fort contexte historique qui, en plus de l’évidente maîtrise artistique qui caractérisa sa réalisation, vaut au lot d’être estimé aujourd’hui entre 2,5 et 4 millions d’euros.
Si La Sombreuse est l’une des pièces les plus étonnantes de cette vente, on découvre d’autres trésors parmi la centaine de lots qui passeront demain sous le marteau. D’une sculpture en fonte représentant un homme au corps difforme signée Germaine Richier à une large peinture abstraite de Maria Elena Vieira da Silva, en passant par des dessins du grand couturier Yves Saint Laurent, la sélection est variée et les grands noms de la peinture occidentale des XXe et XXIe siècles n’y sont pas en reste : Lucio Fontana, Serge Poliakoff, Hans Hartung, Anselm Kiefer, Piero Manzoni… On en retiendra également une composition géométrique verte signée par le peintre et professeur au Bauhaus Josef Albers, actuellement à l’honneur avec son épouse au musée d’Art moderne de Paris, où l’on retrouve son traditionnel camaïeu de couleurs et ses imbrications de carrés que Christie’s estime aujourd’hui entre 200 000 et 300 000 euros, tandis qu’un Outrenoir de Pierre Soulages daté de 2006 pourrait bien atteindre le million.
Vente d’art contemporain le 3 décembre chez Christie’s Paris.