47


Commandez-le
Numéro
20 21 septembre 1974 : le jour où une galerie exposa du vide

21 septembre 1974 : le jour où une galerie exposa du vide

Art

La Claire Copley Gallery de Los Angeles fut une galerie d’art qui ne dura que cinq ans, entre 1973 et 1977, mais elle entra dans l’histoire de l’art, d’une part pour avoir exposé nombre d’artistes conceptuels et, d’autre part, pour ce qui s’y passa durant un mois à compter du 21 septembre 1974...

Illustration par Soufiane Ababri Illustration par Soufiane Ababri
Illustration par Soufiane Ababri

Ce samedi- là, les nombreuses galeries situées sur le boulevard de La Cienega, dans Santa Monica, inauguraient leurs nouvelles expositions. Les habitués de la Claire Copley Gallery ne tardèrent pas à prendre acte d’un changement substantiel : le mur du fond de la galerie, celui qui séparait la salle d’exposition du bureau où se tenaient les galeristes et du petit espace de stockage, avait été enlevé. On ne le voyait plus et, paradoxalement, c’était la seule chose qui était donnée à voir dans la galerie où rien n’était exposé, ni sur les murs ni sur le sol. Cette disparition était l’œuvre de Michael Asher, un artiste de Los Angeles né en 1943, qui exposait depuis six ans et qui raconta ainsi son projet : “Les dimensions de la pièce sont de 16,33 m de longueur, 4,37 m de largeur et 3,41 m de hauteur. J’ai retiré le mur de séparation pour l’exposition dont le propos était de voir le directeur de la galerie en train de travailler et j’avais demandé à la galeriste de ne rien toucher, tout devait rester en l’état – les tableaux, l’échelle, etc. Derrière ce mur, au fond, vous voyez l’endroit où les galeristes font leurs affaires.

 

La plupart des artistes suivent des codes formels, ils changent la lumière, les murs, mais, parfois, ils oublient qu’on peut aller au-delà de ces murs. Ce qui m’intéresse, c’est de savoir comment la galerie fonctionne et non pas d’objectiver l’espace ou de considérer l’espace comme un objet. [...] En général, la tendance de l’artiste est d’achever l’œuvre visuellement, sans exposer la problématique des conditions dans lesquelles il travaille. Mon travail insiste plutôt sur ce sujet.” Une année plus tôt, l’artiste avait, à la galerie Toselli à Milan, fait enlever une à une les couches de peintures recouvrant les murs, jusqu’à en révéler la matière originelle. Le principe étant de prendre le contre-pied de ce que l’on considère toujours comme une nécessité : repeindre les murs en blanc entre deux expositions. “Si quelqu’un voyait simplement les aspects positifs de mon travail, ce serait vraiment grave. Je ne veux pas faire uniquement des choses qui soient séduisantes ou aimables, parce que ce serait alors pour plaire à un public qui n’est pas celui auquel j’ai envie de m’adresser”, expliqua Michael Asher.

 

Les citations sont extraites de Quand les artistes font école (24 journées de l’Institut des hautes études en arts plastiques 1988-1990), éd. du Centre Pompidou (2003).