Dès l’entrée, le visiteur – plongé dans le noir – cherche à tâtons son chemin dans un couloir, essayant de trouver ses nouveaux repères, lorsqu’il est attiré, tel Ulysse guidé par le chant des sirènes, par le son d’un étrange concert. Il s’agit en fait du ballet obsédant de cinq pendules, à la fois sonore et lumineux, qui se balancent avec gravité dans la pénombre. Hypnotisante, leur chorégraphie évoque tantôt le tintement lourd et solennel des clochers d’église, tantôt l’apparition extraordinaire et menaçante d’un ovni au clair de lune, dans le ciel brumeux de la nuit. Contempler plus attentivement ces pendules révèle que chacun d’eux répond à une orchestration très précise, où son mouvement, sa lumière et sa musique – composée par la Britannique Mira Calix – ne font qu’un. La suite de cette fantasmagorie nocturne emmène le voyageur dans un espace segmenté et réorganisé par des rayons lasers bleutés, mouvants, qui suivent le principe mathématique de la perspective. Avec l’œuvre Vanishing Point, le visiteur semble alors scanné aux rayons X par ce faisceau imprévisible dont la source apparaît loin vers l’horizon. L’ambition de cette installation est claire : donner corps à l’immatériel en bousculant les deux données fondamentales de notre existence, l’espace et le temps.
“Par opposition à l’utopie qui est complètement fictionnelle, l’hétérotopie m’évoque un endroit qui serait en même temps réel et fictionnel, à la manière d’un miroir, et cela me plaît.”
Ce projet, c’est celui que poursuit le collectif UVA, fondé et piloté par Matt Clark depuis 2003. À travers leurs installations audiovisuelles et performatives, ces artistes immergent le spectateur dans un terrain flottant et évolutif, à la frontière du réel et du virtuel. Cette particularité leur a valu de collaborer aussi bien avec le chorégraphe Benjamin Millepied qu’avec le groupe de musique Massive Attack, dont UVA illustre les tournées depuis 2003. Toutefois, l’exposition Other Spaces est d’une ampleur sans précédent pour eux. C’est au concept d’“hétérotopie”, théorisé par Michel Foucault, que Matt Clark dit explicitement emprunter son titre : “Par opposition à l’utopie qui est complètement fictionnelle, l’hétérotopie m’évoque un endroit qui serait en même temps réel et fictionnel, à la manière d’un miroir, et cela me plaît. Un espace à l’intérieur même de l’espace.”