En 1967, la presse autrichienne annonce l’arrestation de Franz West. Le jeune homme d’à peine 20 ans aurait planifié avec des amis un voyage au Moyen-Orient pour se procurer des drogues. Bien plus tard, alors que des collectionneurs lui rendent visite dans son atelier, Franz West leur échappe en se cachant sous une couverture, allongé sans bouger sur son canapé. Des admirateurs louent la “beauté” de ses œuvres en papier mâché ? Il les détruit.
Bien au-delà des sculptures monumentales qui imposeront l’artiste autrichien (1947-2012) – dans les années 2000 – auprès du grand public, il sera beaucoup question, dans l’exposition que lui consacre le Centre Pompidou, de ce corps omniprésent, traité par l’artiste dans sa dimension la plus triviale. “Un corps qui pisse, qui chie, qui bouffe et qui baise”, résume gaiement Christine Macel, la commissaire de l’exposition. “J’utilise ces mots à dessein car il y a chez Franz West la revendication d’une certaine grossièreté, sans mauvaise éducation : ne pas faire de manières avec les choses naturelles de la vie. Les pets, la sexualité, la digestion...”
“Franz West est un inadapté social, dans le rejet de toute forme d’autorité” Christine Macel
Dès les années 70, il forme une esthétique du laid et du mal fini dont l’influence fut essentielle sur le trash des années 90 et sur plusieurs générations d’artistes, de Sarah Lucas, Gelitin ou Urs Fischer à Laure Prouvost, Neïl Beloufa et David Douard aujourd’hui. Bien au-delà, sa manière d’appréhender la création en collaboration avec d’autres artistes, de penser ses installations comme des environnements au sein desquels l’artiste apporte ses propres cimaises ou réalise ses propres fauteuils,de s’inventer artiste-curateur présentant le travail de ses pairs, ou même de recycler dans de nouvelles œuvres d’autres pièces plus anciennes, forme la matrice des pratiques artistiques actuelles de tous ses héritiers. PourNuméro, Christine Macel, la conservatrice en chef du Centre Pompidou, a accepté de dresser le portrait de cet artiste libre.