47


Commandez-le
Numéro
29 Rencontre avec Gilbert & George, duo provocateur à l’honneur à la foire d’art de Bruxelles

Rencontre avec Gilbert & George, duo provocateur à l’honneur à la foire d’art de Bruxelles

Art

Véritables stars du monde de l’art outre-Manche, Gilbert & George sont aujourd’hui plus connus que leurs œuvres. Numéro a rencontré le duo de “sculptures vivantes” autoproclamées, doux agitateurs dont les collages colorés reprennent les codes d’appropriation culturelle chers à Warhol. 

Gilbert & George, BRAFA 2019. Photo par Fabrice Debatty. Gilbert & George, BRAFA 2019. Photo par Fabrice Debatty.
Gilbert & George, BRAFA 2019. Photo par Fabrice Debatty.

Numéro : Votre travail est marqué par des images du quotidien et prône un accès à l’art pour tous. Vous avez rarement caché votre aversion pour le marché de l’art, en particulier les foires... Pourquoi avoir accepté d’être les invités d’honneur de BRAFA, la foire d’art de Bruxelles ? 

George: De manière générale c’est vrai que nous n’aimons pas trop les foires, mais à BRAFA les stands sont élaborés comme de petits intérieurs privés, où l’on peut montrer son art. On s’y sent à l’aise. Tout est mélangé, de l’art contemporain, des antiquités, du design. C’est un peu comme notre travail, qui s’intéresse à la fois au passé, au présent et au futur. 

Gilbert: Bruxelles est aussi une ville spéciale pour nous. Nous y avons présenté plusieurs expositions et beaucoup d’amis vivent ici. 

 

Vous travaillez ensemble depuis votre rencontre à la célèbre Saint Martin’s School of Art de Londres, en 1967. Vous abandonnez rapidement la création d’objets pour vous transformer en sculptures vivantes. Comment est venue l’idée ? 

George : Contrairement à la plupart des artistes, nous n’avons pas de formation de peintre, mais de sculpteur. Cela a joué sur notre manière de penser et de créer les images. Et pour être honnête, nous n’avions pas de studio en sortant de l’école, aucun endroit ou créer… 

Gilbert : … mais nous voulions quand même être des artistes. Nous avons alors eu l’idée de devenir des sculptures vivantes. Plus besoin de marbre ni de bronze. Nous allions nous servir de nos émotions !

George : Nos contemporains étaient intéressés par une nouvelle forme d’art. Nous voulions explorer le fond. Quels sont les sentiments des gens qui marchent dans la rue ? À quoi pensent tous ces inconnus ? Et évidement ils pensent à la mort…

Gilbert : L’espoir

George : La vie

Gilbert : La peur

George : Le sexe

Gilbert : L’argent

George : La race

Gilbert : La religion

George : La merde

Gilbert : L’humain

Gilbert : Le monde

George : Des questions universelles que tout le monde se pose, au final. 

<p>Gilbert & George, BRAFA 2019. Photo par Fabrice Debatty.</p>

Gilbert & George, BRAFA 2019. Photo par Fabrice Debatty.

<p>Gilbert & George, BRAFA 2019. Photo par Fabrice Debatty.</p>

Gilbert & George, BRAFA 2019. Photo par Fabrice Debatty.

Vos apparitions publiques semblent toujours préparées à l’avance, avec un discours minuté, calibré, souvent répétitif. Quelle est la limite entre Gilbert & George le duo d’artistes en performance, et ce que vous êtes, en tant qu’individus ?

George: Nous ne sommes pas des performeurs. Nous vivons comme tout le monde, nous ressentons les mêmes émotions. En revanche, nous projetons nos idées sur le monde. À travers nos images ou ce que nous sommes, nous transmettons quelque chose au spectateur. C’est l’idée la plus importante de notre travail. 

 

Vos œuvres comportent souvent un langage et des images assez crues. Un artiste peut-il aller trop loin, et passer d’agitateur à injurieux ? 

George : Nous connaissons nos limites. Il y a beaucoup d’artistes qui rêveraient d’avoir une exposition muséale fermée par la police, et dont tout le monde parlerait dans la presse. Cela ne marche jamais ! Notre idée n’est pas d’insulter le goût des gens, mais de parler du monde qui nous entoure. 

Gilbert : Notre art n’est pas choquant. La télévision, les informations, ça c’est choquant. 

George : Ce sont les médias qui nous ont mis une étiquette d’artistes provocateurs, pas le public. Personne ne nous arrête jamais dans la rue pour se plaindre de notre travail. Souvent, ils nous disent qu’ils nous adorent, et quand on creuse un peu on s’aperçoit qu’ils n’ont vu aucune de nos expositions. Au fond cela n’a pas d’importance. Au final le secret, c’est de toujours de dire la vérité.

 

 

Gilbert & George sont les invités d’honneur de la foire BRAFA de Bruxelles, ouverte jusqu’au 3 février.

Gilbert & George, BRAFA 2019. Photo par Fabrice Debatty. Gilbert & George, BRAFA 2019. Photo par Fabrice Debatty.
Gilbert & George, BRAFA 2019. Photo par Fabrice Debatty.