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03 Guglielmo Castelli : “La peinture est très dangereuse car elle contient toute la liberté du monde”

Guglielmo Castelli : “La peinture est très dangereuse car elle contient toute la liberté du monde”

Art

Né en 1987, cet artiste italien puise ses inspirations dans la littérature. Dans ses toiles mystérieuses, dont les objets, parfois peu identifiables, semblent en mutation, il brouille les repères pour mieux souligner la fragilité des êtres.

Ci-contre : "The Fear of Shipwreck" (2022)
de Guglielmo Castelli. Huile sur toile, 80 x 60 cm. Courtesy of Mendes Wood DM gallery
Ci-contre : "The Fear of Shipwreck" (2022)
de Guglielmo Castelli. Huile sur toile, 80 x 60 cm. Courtesy of Mendes Wood DM gallery
Ci-contre : "The Fear of Shipwreck" (2022)
de Guglielmo Castelli. Huile sur toile, 80 x 60 cm. Courtesy of Mendes Wood DM gallery

C’est à Turin que vit et travaille Guglielmo Castelli. Ce peintre, qui a commencé par produire des décors de théâtre ainsi que des costumes, s’inscrit dans le nouveau contexte d’une peinture figurative, la sienne étant particulièrement onirique. Dandy impeccable, il réalise, sur les chevalets de son atelier turinois, des petits formats qui s’inspirent de la littérature, mais ne néglige pas le dessin qu’il pratique en permanence dans ses nombreux cahiers en moleskine. Ses images sont souvent constituées de figures fantomatiques aux corps fluides qui semblent se lover dans les recoins de ses tableaux. Son univers rappelle certaines scènes d’intérieur d’un Vuillard ou les corps d’un James Ensor, même s’il a plutôt été influencé par l’arte povera. Révélation de la Quadriennale de Rome l’année dernière, on pourra le découvrir à Paris lors d’un solo show chez Mendes Wood DM pour la prochaine foire Art Basel.

 

 

Numéro : Quel a été votre parcours ?

Guglielmo Castelli : J’ai étudié la scénographie à l’Académie des beaux-arts de Turin. Cela m’a permis de tester beaucoup de choses, y compris la conception de costumes. Né dans cette ville industrielle et ouvrière, j’ai été élevé avec un sens aigu des responsabilités et j’ai très tôt pris conscience que la seule façon de découvrir les choses, c’est de les faire par soi- même... Sois ce que tu dis !

 

Vous souvenez-vous de votre première rencontre avec l’art ?
À 15 ans, je me suis senti viscéralement attiré par la reproduction d’une œuvre de Carol Rama. L’idée que cette artiste puisse vivre à quelques rues à peine de l’endroit où j’habitais m’a amené à inventer toutes sortes d’histoires. Je lui dois beaucoup. Comme elle le disait, la liberté est un concept relatif : pour un pyromane, la liberté, c’est de mettre le feu.

 

 

“Pour moi, les petits silences que l’on peut inscrire sur de petits formats sont souvent beaucoup plus puissants que les grands.”

 

 

Que signifie “être peintre” en 2022 ?

Kounellis se qualifiait de peintre sans jamais avoir peint de tableau. Je crois qu’aujourd’hui, “être peintre”, cela veut dire être le garant de l’utilisation d’un support très dangereux parce qu’il contient toute la liberté du monde. Quand nous peignons, nous devons explorer tout ce qu’on nous autorise à explorer. Parce que la peinture ne peut exister que par la peinture.

 

D’où proviennent vos images ?

Ma principale source d’inspiration est la littérature. Le pouvoir d’un mot qui se transforme en image pour créer de nouveaux alphabets visuels. Je soupèse tous les éléments nécessaires à l’amplification de ce sentiment d’instabilité et à cette impression de claustrophobie que je recherche dans mes tableaux. Je fais une étude préparatoire pour chacune de mes toiles, où j’installe le récit. La température chromatique, elle, vient un peu par hasard, en peignant. Je ne décide rien à l’avance. Je commence à un endroit du cercle chromatique, et je termine presque toujours à un autre endroit. Je m’efforce néanmoins de conserver la notion de “stase”, ces moments où la lumière précède tout juste l’arrivée de quelque chose. Le désespoir avant le crépuscule, et l’inéluctabilité de l’aube.

Ci-contre : "Good Enough" (2022) de Guglielmo Castelli.
Huile sur toile, 50 x 40 cm. Courtesy of Galerie Rolando Anselmi, Berlin, Rome Ci-contre : "Good Enough" (2022) de Guglielmo Castelli.
Huile sur toile, 50 x 40 cm. Courtesy of Galerie Rolando Anselmi, Berlin, Rome
Ci-contre : "Good Enough" (2022) de Guglielmo Castelli.
Huile sur toile, 50 x 40 cm. Courtesy of Galerie Rolando Anselmi, Berlin, Rome

Comment choisissez-vous vos formats ?

Giorgio Morandi disait que les vrais peintres se reconnaissent aux petites dimensions de leurs tableaux. Lorsqu’on observe une œuvre de petit format, on doit prendre son temps pour percevoir tous les détails, les convergences et les choses abandonnées... Aujourd’hui, tout est violemment surexposé, même certains tableaux. Pour moi, les petits silences que l’on peut inscrire sur de petites surfaces sont souvent beaucoup plus puissants.

 

Comment vous viennent vos titres ?

J’ai souvent trouvé refuge dans la littérature en empruntant les mots de grands écrivains. Parfois, les mots favorisent l’image, d’autres fois, ils sont au contraire comme une pierre d’achoppement. Mais les titres sont toujours tirés des livres qui m’accompagnent.

 

 

“L’art est le seul signe du passage de l’humanité sur la Terre.”

 

 

Y a-t-il des choses dont vous aimeriez faire prendre conscience à travers vos œuvres ?

Le partage, les possibles, l’avenir. Parce qu’en définitive, l’art est le seul signe du passage de l’humanité sur la Terre.

 

Sur quoi travaillez-vous actuellement ?

Je suis engagé dans deux projets très importants pour moi. Une exposition monographique à la Galerie Rolando Anselmi, intitulée Imitative Creature, qui aura lieu à Berlin en septembre. La plus grande œuvre que j’ai réalisée à ce jour y sera présentée avec d’autres expérimentations sur différents supports, de différentes formes. Je travaille également sur une autre exposition personnelle pour Art Basel Paris, avec la galerie Mendes Wood DM. Il s’agira d’une série d’œuvres inédites sur l’impossibilité physique, et donc le caractère vain, futile, de tenter quelque action que ce soit dans un espace scénique préexistant. Il y aura des toreros suspendus en territoire étranger, des cavaliers en chute libre et des leçons de danse qui échouent avant d’avoir commencé. Des humains trop humains.

 

 

Guglielmo Castelli est représenté par les galeries Rolando Anselmi et Mendes Wood DM.