47


Commandez-le
Numéro
17 Gustav Klimt : l'incroyable histoire de sa toile spoliée par les nazis puis restituée à ses héritiers

Gustav Klimt : l'incroyable histoire de sa toile spoliée par les nazis puis restituée à ses héritiers

Art

Ce lundi 15 mars, le gouvernement français a pris la décision de restituer la toile “Rosiers sous les arbres“ du chef de file de la Sécession viennoise Gustav Klimt à ses ayants droits, les héritiers de Nora Stiasny. Peint vers 1905, ce paysage était jusqu'alors la seule œuvre du maître autrichien présente dans des collections françaises, acquise en 1980 par le musée d'Orsay en toute légalité. Mais le tableau s'avère avoir été spolié par un nazi, et ce secret gardé pendant plus de cent ans...

"Rosiers sous les arbres" (1905) de Gustav Klimt "Rosiers sous les arbres" (1905) de Gustav Klimt
"Rosiers sous les arbres" (1905) de Gustav Klimt

Sur une toile carrée d’un peu plus d’1,10 mètre de côté, un pommier occupe la quasi intégralité du cadre. Ses camaïeux de verts parsemés de couleurs chaudes, d'oranges et de jaunes qui évoquent la présence des fruits, semblent se fondre dans le pré qui constitue son arrière-plan. Sous cet abri feuillu, trois rosiers émergent, où l'on voit fleurir des boutons de rose pourpres et blancs... On se perdrait volontiers dans cette œuvre du peintre Gustav Klimt réalisée en 1905. Intitulée Rosiers sous les arbres, elle témoigne d'un pan relativement moins connu de l'œuvre du maître autrichien : le paysage. Découpant la toile de façon extrêmement soignée, précise et géométrique, l'artiste y a davantage représenté les arbres et les rosiers comme de grands aplats de motifs décoratifs qu'une végétation réaliste. Avant-gardiste dans son traitement presque abstrait de la nature et son traitement pictural post-impressionniste, la toile pouvait jusqu'alors être admirée sur une cimaise du musée d’Orsay, mais cela ne saurait durer : ce lundi 15 mars, le ministère de la Culture a annoncé la restituer aux héritiers de son propriétaire d’origine, assassiné avec sa famille par les nazis pendant la Seconde Guerre Mondiale.

 

Une décision qui fait suite à la reconstitution d'une histoire bien opaque. Achetée par l’industriel juif Victor Zuckerkandl peu après sa réalisation, Rosiers sous les arbres connaît des heures de gloire avec des expositions à Vienne en 1908, à Munich en 1909 et à la Bien­nale de Venise de 1910, avant que sa trajectoire ne s’assombrisse… Pour ressurgir en 1980, lorsque le musée d’Orsay acquiert la toile à la galerie Nathan : aucune information n’est alors connue sur son historique entre 1910 et 1980, mais sa provenance semble irréprochable. Ce n’est que plus tard, grâce aux travaux de recherches effectués entre autres par la chercheuse autrichienne Ruth Pleyer – enquêtant depuis plus de vingt ans sur les spoliations dont furent victimes des familles juives – que les raisons de la sombre disparition de la toile pendant sept décennies ont été révélées.

La ministre de la Culture Roselyne Bachelot annonce la restitution de “Rosiers sous les arbres“ de Klimt à ses héritiers légitimes La ministre de la Culture Roselyne Bachelot annonce la restitution de “Rosiers sous les arbres“ de Klimt à ses héritiers légitimes
La ministre de la Culture Roselyne Bachelot annonce la restitution de “Rosiers sous les arbres“ de Klimt à ses héritiers légitimes

Et ce fut un véritable coup de théâtre : l’homme ayant apporté la toile à la galerie Nathan en 1980 était en fait un sympathisant nazi autrichien, qui avait en 1938 acheté le tableau à l’héritière de la toile Nora Stiasny. L’intégralité de ses biens ayant été confisqués par les nazis au début de la guerre, la jeune femme s’était à l'époque résignée à vendre l'œuvre à un prix dérisoire là ce sympathisant nazi, avant d’être déportée en Pologne avec sa mère, son mari et son fils, où tous trois moururent.

 

Retracer les généalogies de familles détruites par les plus terribles chapitres de l’Histoire est un travail est de longue haleine, mais l’histoire du Rosiers sous les arbres – qui fait écho à celle du Portrait d'Adele Bloch-Bauer, dont l’incroyable histoire de la restitution est racontée dans le film La femme au tableau de Simon Curtis – prouvent que les secrets les plus bien gardés peuvent aussi être révélés, et justice faite. C'est précisément ce devoir de justice et de reconnaissance des crimes de l'histoire qui a poussé le gouvernement de France à rendre cette unique œuvre de Gustav Klimt présente dans des collections françaises. Afin de justifier cette décision, la ministre de la Culture Roselyne Bachelot a déclaré sur son compte Twitter: “Rosiers sous les arbres est le témoin de ces vies qu'une volonté criminelle a obstinément cherché à faire disparaître. La restitution à venir est une reconnaissance des crimes subis par les familles Zuckerkandl et Stiasny, et le juste retour d’un bien qui leur appartient.”