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Numéro
26 Les plus grands vols déjoués de l'histoire de l'art

Les plus grands vols déjoués de l'histoire de l'art

Art

En plein confinement, la cathédrale Notre-Dame de Paris a été la victime d'une tentative de cambriolage mardi 17 mars, près d'un an après le grave incendie qui avait failli détruit sa toiture. Entre vols rocambolesques de tableaux et pastiches estimés vrais par les plus grands experts : l'histoire de l'art recèle d'anecdotes croustillantes de cambriolage digne du braquage dans “Ocean 11”. Retour sur trois vols ratés aux détails obscurs et oubliés. 

Un tableau de Guy Ribes, pastiche de Raoul Dufy Un tableau de Guy Ribes, pastiche de Raoul Dufy
Un tableau de Guy Ribes, pastiche de Raoul Dufy

Alors que ses travaux de restauration ont été interrompu en raison du confinement, la cathédrale Notre-Dame de Paris a été la cible d’un étrange cambriolage mardi 17 mars dernier : deux hommes s’y sont introduit dans le but de voler les pierres de la cathédrale. Une tentative heureusement déjouée qui offre l’occasion de revenir sur les dessous cachés de trois anecdotes rocambolesques de l'histoire de l'art mettant en scène des voleurs désappointés.

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1. Guy Ribes : le faussaire aussi doué qu’Auguste Renoir

 

Son talent et sa ruse ont trompé tous les experts pendant plus de trente ans. Faussaire hors du commun, Guy Ribes naît en 1948 dans une maison close française, de parents proxénètes. Placé en internat après l’arrestation de ses parents, il apprend la peinture avec un père jésuite qui lui révèle son don insoupçonné. Adulte, il essaie de vivre de son art mais peine à vivre confortablement : c’est alors qu’il se tourne vers la copie d’oeuvres monumentales.

 

En 1996, une rencontre avec un marchand d’art le fait devenir faussaire professionnel. Mais Guy Ribes ne se contente plus seulement de copier des oeuvres déjà existantes et s’empare du style pictural d’artistes illustres pour produire de véritables pastiches. Picasso, Dali, Léger, Braque ou Matisse, il imite miraculeusement les plus grandes figures de l'art moderne en déjouant la méfiance de tous les spécialistes. Une fois achevées, les oeuvres sont recouvertes de poussières prélevées sur d’autres tableaux trouvés en brocante afin de tromper les analyses et prélèvements. Le faussaire aurait inondé le marché de l’art de plus d’un millier de copies pendant plus de 30 ans. Dénoncé, il est arrêté en 2005 puis jugé pour “contrefaçon en bande organisée” et condamné à trois ans de prison. Comme un pied de nez à la justice et un hommage à son talent, il est choisi en 2012 pour incarner les mains d’Auguste Renoir dans le film éponyme de Gilles Bourdos, où il double l'acteur Michel Bouquet.

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2. Rose Valland : la résistante qui cachait les tableaux

 

En pleine Seconde Guerre mondiale, les nazis débutent une large spoliation d’oeuvres d’art partout en Europe. L’histoire raconte même que le militaire allemand Hermann Göring en personne volait des oeuvres “dégénérées” et condamnées par le IIIe Reich, pour alimenter sa collection personnelle… Dans ce contexte inquiétant pour tout amoureux de l’art, la Française Rose Valland, alors attachée de conservation au Jeu de paume à Paris, décide dès 1939 de déménager au château de Chambord les plus grandes oeuvres du musée qui compte alors de nombreux tableaux de Picasso, Modigliani ou encore Chagall. L’actuel musée parisien de la photographie est alors à l'époque une plaque tournante de ce trafic menée par l’Allemagne nazie, et l’on y voit transiter d’illustres chef-d’oeuvres avant leur départ pour l’Outre-Rhin.

 

Jusqu’à la Libération, la conservatrice fait scrupuleusement l'inventaire de chaque mouvement, provenance et destination des tableaux spoliés. Engagée dans la Résistance, elle livre des informations précieuses, et empêche ainsi les bombardements alliés sur les trains et les dépôts contenant les précieux objets. Maternité de Maria Blanchard, ou le Paysage sous la neige de Gustave Courbet, ne sont que deux tableaux parmi tous ceux qu'elle a contribué à sauver. Après la guerre ce sont quelques 60 000 oeuvres qui seront retrouvées grâce à son travail méthodique et secret.

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3. Les cols rouges de Drouot : les déménageurs escrocs

 

Comme l’immobilier a ses notaires et la justice ses avocats, le marché de l’art compte, lui-aussi, plusieurs professions réglementées. L’Union des commissionnaires de l’Hôtel des ventes, regroupait ainsi, du Second Empire à 2010, 110 commissionnaires. Aussi surnommés “Savoyards” ou “cols rouges”, d'après leur uniforme au col Mao rouge, ils étaient chargés de la manutention et du transport des biens à l’Hôtel Drouot, le principal hôtel de ventes d'art à Paris. Mais en 2009 sont révélés plusieurs “enlèvements” d'œuvres et d'objets, qui auraient eu lieu lors de transports d’objets destinés aux enchères…

 

Pendant des années, un trafic impliquant plusieurs dizaines d’hommes s’est en effet organisé afin de faire passer sous le manteau de nombreuses oeuvres d’art, à l’image de deux commodes de la designer Eileen Gray, qui, non répertoriées lors de l’inventaire, sont subtilisées et vendues par un de ces “cols rouges” pour 900 000 euros. En 2009, la supercherie éclate au grand jour alors qu’un tableau d’Eugène Courbet, disparu 5 ans plus tôt, est retrouvé au domicile d’un des commissionnaires. Plus qu’un acte isolé, ce sont donc 44 Savoyards qui sont jugés en 2016 : 250 tonnes d’objets auraient ainsi été retrouvées lors de perquisitions. Une escroquerie menée pendant des années qui conduira, comme le signe d’une leçon bien retenue, à la dissolution de la profession en 2010.