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12 En direct de Cannes : les 4 films les plus attendus de la Croisette

En direct de Cannes : les 4 films les plus attendus de la Croisette

Cinéma

En dépit de la crise sanitaire, le Festival de Cannes 2021 a bien lieu, avec un jury placé sous l’autorité de Spike Lee. Numéro vous présente quatre films particulièrement attendus de cette sélection signés des ténors du septième art Paul Verhoeven, Wes Anderson, Leos Carax et Apichatpong Weerasethakul.

Mathieu Amalric dans “The French Dispatch” de Wes Anderson. The Walt Disney Company France. Mathieu Amalric dans “The French Dispatch” de Wes Anderson. The Walt Disney Company France.
Mathieu Amalric dans “The French Dispatch” de Wes Anderson. The Walt Disney Company France.

Depuis sa naissance, le destin du Festival de Cannes a toujours été lié aux grands événements mondiaux. Les deux seules annulations qu’il ait connues, avant celle de l’année dernière, le prouvent. Prévue en septembre 1939, sa toute première édition devait accueillir Louis Lumière comme président d’honneur. Des stars américaines avaient déjà débarqué en paquebot... quand il fallut se résoudre à l’inéluctable : déprogrammer, en raison de la guerre déclarée au même moment. On dut ainsi attendre 1946 avant que la Croisette ne s’impose comme le rendez-vous phare du cinéma. Plus de vingt ans plus tard, Mai 68, à son tour, sonnait prématurément le glas d’une édition qui fut marquée, dans ses premiers jours, par des conflits ouverts entre partisans du maintien du festival et défenseurs de l’idée que le cinéma ne pouvait se couper de la vie réelle et rester une bulle artistique à l’écart de la société. Une phrase de Godard, en pleine assemblée générale, est restée gravée dans les esprits : “Je vous parle solidarité avec les étudiants et les ouvriers, et vous me parlez travelling et gros plan ! Vous êtes des cons !

“Benedetta” - Bande-annonce officielle

Thierry Frémaux, actuel délégué général du Festival de Cannes, avait confirmé depuis plusieurs mois la tenue d’une édition en 2021 bien que la pandémie de la Covid ne soit pas terminée. Le désir de revenir dans les salles du palais des Festivals était trop fort. Et même si ce Cannes sous gestes barrières restera à jamais atypique, il a tout de même fière allure. Le réalisateur américain Spike Lee a de nouveau accepté la responsabilité de mener le jury qui doit départager la fine fleur du cinéma international sur les starting-blocks. Dans la nuit traversée par le cinéma en raison de la pandémie, le Festival de Cannes assume plus que jamais son rôle de phare. Jamais, en effet, le septième art n’a semblé si fragile : la crise mondiale du cinéma, en germe depuis la montée en puissance des plateformes, se conjugue au désintérêt croissant d’une grande partie du public pour les formes audacieuses. Mais rien ne pouvait laisser imaginer l’ampleur du chaos, entre tournages arrêtés et salles fermées. Il est à présent question de survie.

 

 

1. Virginie Efira en nonne pour Paul Verhoeven

 

L’embouteillage de films a tout de même permis à certains favoris de se faire une place au soleil, à commencer par le génial cinéaste de Basic Instinct, Paul Verhoeven. En quelque sorte spécialisé dans les films mettant en scène des héroïnes ayant une maîtrise totale de leur sexualité, l’octogénaire néerlandais revient, cinq ans après Elle, avec le très attendu Benedetta, tourné il y a deux ans. Dans ce film situé au XVIIe siècle, Virginie Efira incarne Benedetta Carlini, bonne sœur en Toscane qui faillit être béatifiée, avant au contraire d’être confinée durant quatre décennies pour éviter toute possibilité de relation avec des femmes. Verhoeven s’inspire du livre de Judith C. Brown intitulé Sœur Benedetta, entre sainte et lesbienne. Il travaille – avec sa précision habituelle dans la mise en scène et son sens de l’ironie – la question majeure des élans du corps face à la morale, celle que l’on porte en soi mais aussi celle que le pouvoir impose. La question de l’intimité s’en trouve reformulée : qu’y a-t-il de plus vibrant entre la relation avec un corps fait de chair tremblante et celle que l’on construit avec Dieu ? Très puissant dans sa manière de sonder la force politique scandaleuse du désir féminin, le film a tout pour créer l’événement, d’autant qu’il se déroule durant une épidémie de peste... Benedetta confirme aussi définitivement le talent et le goût de l’aventure de sa comédienne principale. Après son travail mémorable avec Justine Triet (Victoria, Sibyl), Virginie Efira poursuit sa quête de personnages à l’intensité hors norme.

 

 

À lire : Verhoeven dynamite le bon goût avec Benedetta

“The French Dispatch” – bande-annonce

2. L’incroyable casting de Wes Anderson

 

Autre poids lourd destiné à une impressionnante montée des marchesThe French Dispatch de Wes Anderson, dixième film du réalisateur de La Famille Tenenbaum, a été conservé au chaud depuis plus d’un an. Le voilà enfin, armé de son casting stupéfiant en forme de “All-Star Game” du chic des années 2020. On retrouve en effet au générique Benicio Del Toro, Adrien Brody, Tilda Swinton, Léa Seydoux, Frances McDormand, Timothée Chalamet, Bill Murray, Owen Wilson, Jeffrey Wright, Christoph Waltz, Jason Schwartzman, Mathieu Amalric, Liev Schreiber, Elisabeth Moss, Edward Norton, Willem Dafoe, Saoirse Ronan, Cécile de France, Guillaume Gallienne, Rupert Friend, Anjelica Huston, Griffin Dunne, Félix Moati, Vincent Macaigne... n’en jetez plus ! Une bonne part du cinéma mondial s’est donné rendez-vous devant l’objectif inspiré du Texan, comme s’il fallait absolument en être. Cette fois encore, résumer l’imaginaire du cinéaste en quelques mots n’a rien de simple, c’est ce qui en fait le prix. Entre trois temporalités, en couleur et en noir et blanc, The French Dispatch propose une vue en coupe de plusieurs vies françaises du XXe siècle, à travers le prisme du bureau étranger d’un journal du Kansas. L’action se déroule dans une ville fictive nommée Ennui-sur-blasé et le scénario s’inspire de plusieurs reportages publiés dans le New Yorker, journal auquel Wes Anderson voue un culte.

“Annette” - Bande-annonce

3. Le grand retour de Leos Carax

 

Autre styliste sans égal, le Français Leos Carax dont Annette, présenté en ouverture de
la compétition, n’est que le sixième long-métrage en trente-sept ans d’une carrière lente, rêveuse et poétique. Le réalisateur des Amants du Pont-Neuf a engagé Marion Cotillard et Adam Driver dans cette romance futuriste qui raconte l’amour entre une soprano célèbre et un humoriste de stand-up, avant que l’arrivée au monde de leur fille aux pouvoirs singuliers ne bouleverse tout. Le groupe américain Sparks a eu l’idée originale du film et en a composé toutes les musiques, ce qui promet une beauté imparable. Carax est l’un des rares aujourd’hui à proposer une vision du cinéma à la fois ambitieuse, totale et primitive, comme s’il fallait revenir aux origines pour mieux imaginer la suite, la survie d’un art.

 

 

À lire : Annette de Leos Carax, un conte flamboyant

Tilda Swinton dans “Memoria” d’Apichatpong Weerasethakul. Copyright New Story Tilda Swinton dans “Memoria” d’Apichatpong Weerasethakul. Copyright New Story
Tilda Swinton dans “Memoria” d’Apichatpong Weerasethakul. Copyright New Story

Seul Apichatpong Weerasethakul cultive aujourd’hui le même niveau d’exigence que lui.
Le Thaïlandais a fêté les 10 ans de sa Palme d’or pour Oncle Boonmee avec un nouveau film, son premier en anglais. Memoria suit les échappées intérieures d’une femme (Tilda Swinton) qui rend visite à sa sœur malade en Colombie. Prendre soin des mourants, donner aux vivants la force de rêver : le monde a toujours besoin des projections que seul le cinéma rend possibles.

 

 

 

Benedetta de Paul Verhoeven. The French Dispatch de Wes Anderson. Annette de Leos Carax. Memoria d’Apichatpong Weerasethakul. Tous ces films sortent cet été.