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23 Comment les films d'horreur sont devenus des parodies

Comment les films d'horreur sont devenus des parodies

Cinéma

Depuis ses premières apparitions au cinéma, le film d’horreur est un exutoire de tous les vices. Ce genre populaire aux codes narratifs millimétrés regorge de récits noirs où la peur devient parfois ridicule… À l'origine de nos plus grandes frayeurs, zombies, psychopathes et sciences occultes sont désormais l'apanage des comédies les plus loufoques. 

Le Manoir du diable de George Méliès (1896).

1. Le film d’horreur à ses débuts, un genre ultra codé

 

Avec Le Manoir du diable (1896), George Méliès s’impose comme le pionnier du genre horrifique. Dans ce court-métrage novateur, il dessine sans le savoir les prémices d’un genre populaire, mais aussi sa propre parodie. Vu par le spectateur moderne, Le Manoir du diable est davantage burlesque qu’horrifique. Pourtant à l’époque, le film marque la naissance du thriller au cinéma. Par la suite, les films muets des années 20 et 30 posent les fondations du genre : personnages effrayants et effrayés, apparitions et disparitions mystérieuses et combats contre le diable deviennent des incontournables de la peur au grand écran.

 

Le film d’horreur est très codé, trop peut-être. Screamers et cliffhangers accompagnent les contre-champs surprises et les plans rapprochés sur la nuque des personnages. Les techniques du film d'épouvante sont connues. À tel point qu'elles finissent par ne plus faire trembler du tout. Au XXIe siècle, le genre est désormais éculé, les mêmes scénarios se répètent et pêchent souvent par leur manque d’originalité. Du slasher movie (un tueur terrorise tout un village) au gore et au thriller psychologique, du Halloween de Carpenter au récent Homme invisible de Leigh Whannell, tout est dit, tout est vu. Les effusions de sang et les hurlements de terreur ne font plus peur. Pire, ils sont devenus risibles.

  

“Evil Dead 2” “Evil Dead 2”
“Evil Dead 2”

2. Quand le genre horrifique se met à faire rire

 

A l’instar de l’épouvantar d’Harry Potter – créature horrifique qui ne peut-être vaincu que par le rire–, la comédie vient rapidement contrer l’horreur des films d’épouvante. L'un des premiers films de zombies The Night of The Living Dead (1990) de George Romero, fait l'objet d'une courte parodie de Kevin S. O’Brien The Night of The Living Bread (1990), où les personnages sont attaqués non pas par des morts-vivants mais… par des tranches de pain maléfiques. Car si le film de Romero s’impose comme un thriller novateur, ses situations absurdes sont à la limite du comique. Ses zombies n'ont pas encore l'apparence de cadavres en putréfaction qu'on leur connaît aujourd'hui, ils sont semblables aux vivants, et parfois même nus. Devant ce paradoxe, O’Brien ne pouvait que sauter sur l'occasion et détourner la peur en remplaçant les zombies par un objet grotesque. En filigrane se dessine une interrogation légitime : et si le film d’horreur était en fait une œuvre comique ?

3. Le rire pour contrer la peur

 

“L’angoisse n’est pas supportable sans l’humour” disait Hitchcock. Là se situe peut-être le paradoxe du film d'horreur : inconsciemment le rire s'invite aux dépends de la peur, pour pouvoir mieux la contrôler. Même lorsque le film ne cherche pas à adopter les codes de la comédie, ses scènes d'épouvante ne sont pas à l'abri de provoquer quelques rictus. Ainsi, avant même qu’il ne soit parodié, le film d’horreur fait rire de lui-même, à son insu. C'est le cas des Jeepers Creepers de Victor Salva, de Shark in Venice de Danny Lerner et des innombrables Sharknado d'Anthony C. Ferrante. Non contents de s'appuyer sur des scénarios éculés et des personnages archétypaux, ils échouent à la tâche originelle qu'ils se sont pourtant donnés. Entre sauce tomate et mauvaises cascades, ces derniers font bien hurler, mais seulement de rire. Le détournement de la peur naît alors du kitsch des effets spéciaux, du manque de moyen et des moments de suspens qui se répètent à l’infini, si bien qu'on ne sait plus si le film est délibérément comique ou non. 

Bande-annonce des films “Boulevard de la mort” de Quentin Tarantino et “Planète Terreur” de Robert Rodriguez (2007)

4. Le genre du comico-gore ou la revanche sur la peur

 

En 2007, Quentin Tarantino et son acolyte Robert Rodriguez sortent Grindhouse, un diptyque en hommage à ces productions cinématographiques débordantes de sang et de courses-poursuites effrénées. Le Boulevard de la mort de Tarantino prend des aspects de thriller psychologique, tandis que le film de Robert Rodriguez Planète Terreur est une parodie des films gore des années 70-80. Entre références à Kiss me Deadly et aux Body Snatchers, le film s’érige en maître de la parodie du genre horrifique, saluant au passage Romero et ses morts-vivants célèbres. Avec sa palette de personnages grotesques (de la jeune femme en détresse au bad-boy viril, en passant par le médecin et l'infirmière sadiques), tous les attributs du thriller y sont détournés.

 

La parodie du genre horrifique obéit à un retournement de stigmate pur et dur.  Le duo comique de Shaun of The Dead (2004) l'a bien compris : il ignore les zombies qui les attaquent en continuant leurs activités quotidiennes, comme si de rien n'était. En ce sens, la parodie du film d'horreur se moque de la trouillardise du spectateur en la portant à l'écran de manière détournée.