Une crinière rousse, le sourire aux lèvres et un air modeste, l’actrice de 32 ans Jessie Buckley dégage une gentillesse sincère qui la rend irrésistible. Est-ce son accent tout droit venu de son Kerry natal dans le sud-ouest de l’Irlande ? Est-ce sa carrière éclectique, entre télécrochet britannique – elle a d'ailleurs fini deuxième au jeu de télé-réalité I'd Do Anything diffusé par la BBC en 2008 – et superproduction américaine ? L’actrice et chanteuse irlandaise, qui est une véritable star dans son pays natal comme en témoignent les nombreux comptes fans britanniques et les centaines d'articles sur elle dans la presse locale, se fait en tout cas une belle place au cinéma. Son interprétation de la reine Victoria aux côtés de Robert Downey Jr et d’Emma Tomphson, dans Le Voyage du Dr Doolittle, en 2020, en est l'une des preuves.
Avec une mère coach vocal et ancienne chanteuse d'opéra, elle étudie dans sa jeunesse le piano, la clarinette et la harpe à la Royal Irish Academy of Music et ne rêve que de musique et de chant. Discipline dont elle tire un sentiment de liberté qu'elle aime par-dessus tout. Pourtant, c'est pour un film qu'elle célèbre aujourd’hui sa première nomination aux Oscars, en lice pour le prix de la “meilleure actrice dans un second rôle” pour son interprétation dans le film Netflix The Lost Daughter (2022). Un honneur pour celle qui se dit très impressionnée de concourir aux côtés d’actrices prestigieuses : Judi Dench dans Belfast ou encore Kirsten Dunst, dans The Power of Dog. Mais si c’est pour le cinéma qu’elle est nommée aujourd’hui, Jessie Buckley a maintes fois prouvé qu’elle était aussi à l’aise sur les planches qu’à l’écran. Diplômée en 2013 de la Royal Academy of Dramatic Art de Londres, elle multiplie les comédies musicales et remporte même un prix pour son interprétation dans Carousel en 2008. En 2017, elle joue dans son premier film, le thriller Jersey Affair où s’illustre alors dans un rôle ambivalent : une jeune femme d’apparence ingénue qui joue un jeu dangereux en s’éprenant d’un homme mystérieux accusé de meurtre.
Mais c’est surtout le feel-good-movie Wild Rose (2018), dans lequel elle interprète une chanteuse de country, qui fait d'elle une actrice confirmée. Sa jeunesse passée à chanter avec sa mère et ses frères et soeurs font d'elle une interprète musicale hors-pair, elle qui chante tous les morceaux du film et en a co-écrit certains. Elle s'est même mise à pratiquer et à apprécier la country, elle qui ne jurait que par la musique celtique, et a transformé son accent, pour se mettre dans la peau d'une Ecossaise. Aux antipodes de son dynamique personnage de chanteuse, on l'a retrouvé en 2019 dans la série HBO Chernobyl (2019). Immense succès critique et public – les derniers épisodes étant regardés par plus de six millions de spectateurs– la série a rendu le visage de Jessie Buckley absolument reconnaissable. Le public découvre alors une actrice poignante qui campe Lyudmilla Ignatenko, compagne de l’un des pompiers irradiés en tentant d’éteindre l’incendie de la centrale bien connue. Dans une scène inoubliable, tirée de faits réels, Jessie Buckley enfreint les règles de quarantaine et risque la contagion pour embrasser son fiancé alors qu'il meurt d'un empoisonnement radioactif. Un rôle qui l'a marquée et qui l'a amenée à s'interroger sur le pouvoir parfois négatif de l'amour, elle qui a vécu des heures sombres, quand en 2017, sa rupture avec un des ses anciens partenaires à l'écran, James Norton, faisait les choux gras des tabloïds anglo-saxons.
Celle qui se qualifie de “trop sauvage” pour Hollywood (dans une interview pour le site du quotidien français Le Parisien), a pourtant ébloui le monde entier avec sa prestation dans l’adaptation Netflix d’Elena Ferrante, par Maggie Gyllenhaal. The Lost Daughter, avec Olivia Coleman est un film de femmes, intime et poignant. Elle y interprète le rôle d'Olivia Coleman plus jeune, en proie aux doutes face à sa maternité, et qui peine à concilier son rôle de mère et sa vie professionnelle. Seule actrice de The Lost Daughter à être nommée aux Oscars, elle en est très fière, car c'est pour elle un film “si spécial”, qui lui a permis de jouer aux côtés de femmes qu’elle soutient et admire tant. Loin du grand spectacle hollywoodien, le film parle de la difficulté d'être mère et dénonce les injonctions faites à ce propos. Il pourrait aisément être qualifié de féministe tant il s'émancipe du male gaze qui fait des ravages dans les productions d'outre-atlantiques. Jessie Buckley fait partie de ces actrices qui s’engagent : impliquée dans la défense des droits des femmes dans le milieu du cinéma, elle affiche ouvertement son soutien aux mouvements #MeToo et Time’s Up. Mais elle préfère garder ses distances avec le cirque des grands studios américains, préférant son Irlande natale, et la Grande-Bretagne. Boudant les réseaux sociaux, elle a récemment quitté la grande ville pour s'installer dans une vielle demeure gothique dans le comté de Norfolk dans le nord de l'Angleterre. Aux grosses machines, elle préfère les films à plus petit budget et les projets originaux. On la découvre actuellement dans la comédie musicale Cabaret jusqu’en octobre 2022, aux côtés du comédien britannique Eddie Redmayne (Les animaux fantastiques), tandis qu'elle sera à l'affiche au mois de mai 2022 d’un film d’horreur d’Alex Garland, Men.
The Lost Daughter (2022) de Maggie Gyllenhaal, disponible sur Netflix.
