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26 Le jour où Maurizio Gucci a été assassiné sur ordre de son ex-femme

Le jour où Maurizio Gucci a été assassiné sur ordre de son ex-femme

Cinéma

Dans son prochain film, Ridley Scott reviendra sur la sombre histoire du riche héritier Maurizio Gucci, victime d’un assassinat commandité par son ex-femme Patrizia Reggiani, interprétée par Lady Gaga. Le réalisateur de “Thelma et Louise” (1991) et “Gladiator” (2000) souhaite également réunir un casting prestigieux – Al Pacino, Robert De Niro, Jared Leto ou encore Adam Driver – pour raconter ce drame riche en rebondissements empreint de glamour, de sexe, de trahisons et de meurtre. En attendant la sortie du film événement, retour sur le jour où Maurizio Gucci a été assassiné en plein cœur de Milan.

Maurizio Gucci et Patrizia Reggiani dans les années 70 © Umberto Pizzi Maurizio Gucci et Patrizia Reggiani dans les années 70 © Umberto Pizzi
Maurizio Gucci et Patrizia Reggiani dans les années 70 © Umberto Pizzi

C’est l’une des plus grandes sagas judiciaires qui a passionné l’Italie et a fait la une des journaux pendant de nombreuses années. Le 27 mars 1995, Maurizio Gucci, petit-fils de Guccio Gucci alors à la tête de la maison de luxe italienne griffée du double G, est assassiné sous le porche de son bureau milanais. Trois balles de revolver dans le dos et une dernière, mortelle, dans la tempe. Témoin de la scène, le portier de l’immeuble a lui aussi reçu une balle dans le bras, avant de porter assistance au riche héritier de 46 ans, qui agonise dans ses bras. 

 


Règlement de compte ? Homicide mafieux ? Sous la pression des autres héritiers de la famille Gucci, Maurizio Gucci avait cédé deux ans plus tôt les 50% du capital qu’il détenait à la société d'investissement du Bahreïn, Investcorp, empochant entre 150 et 200 millions de dollars. Des litiges au sein du conseil d’administration de la marque florentine pourtant pas suffisants pour expliquer un tel assassinat selon la police, qui se tourne très vite vers un autre suspect : Patrizia Reggiani, l'ex-compagne sulfureuse de Maurizio Gucci. 

La police italienne embarque le corps de Maurizio Gucci, assassiné au 38 Corso Venezia, l'une des avenues les plus élégantes de Milan © Archivio Corsera La police italienne embarque le corps de Maurizio Gucci, assassiné au 38 Corso Venezia, l'une des avenues les plus élégantes de Milan © Archivio Corsera
La police italienne embarque le corps de Maurizio Gucci, assassiné au 38 Corso Venezia, l'une des avenues les plus élégantes de Milan © Archivio Corsera

Surnommée “la veuve noire” par la presse italienne, Patrizia Reggiani a rencontré Maurizio Gucci lors d’une soirée de la haute société milanaise au début des années 70. Après leur mariage en 1972, ils donnent naissance à deux filles, Allegra et Alessandra, et mènent une vie fastueuse entre Milan et New York – où le jeune couple côtoie les membres du clan Kennedy et le milliardaire Aristote Onassis. Une vie de rêve qui commence à s’émietter en 1983, lorsque Maurizio prend la tête de Gucci à la mort de son père. L’héritier dépense alors toute son énergie à restaurer la grandeur de la maison de luxe, qui peine à se renouveler en ce début des années 80. Un matin, lassé par les tentatives d’ingérence et la personnalité narcissique de sa femme, Maurizio Gucci réunit ses affaires dans un sac de voyage et quitte le domicile conjugal pour ne jamais y revenir. 

 


Il rencontre alors une jeune décoratrice, à qui la presse italienne de l’époque prête, peut-être à tort, une réputation de femme vénale. Pendant près d’une dizaine d’année, Patrizia Reggiani refuse le divorce mais doit se résoudre à l’inévitable en 1994, moins d’un an avant le meurtre. Elle affirme à la télévision que les 3 milliards de lires italiennes (équivalents aujourd'hui à 1,5 millions d’euros) de pension compensatoire versés par son mari sont une broutille pour une femme de son rang. Et craint de voir l’héritage de Maurizio Gucci – un trésor estimé à près de 800 milliards de lires (environ 400 millions d’euros), un immense yacht et de nombreux appartements aux quatre coins du monde – revenir à sa nouvelle compagne. En coulisses, la veuve noire s’active pour engager un tueur à gages : “je le demandais à tout le monde, c’était une obsession, je l’aurais même demandé à mon charcutier !” a-t-elle reconnu devant les jurés quelques années plus tard, bien qu’elle ait toujours nié être réellement passé à l’acte.

Patrizia Reggiani (à droite) accompagnée par son amie et voyante Giuseppina "Pina" Auriemma © Corriere Della Serra Patrizia Reggiani (à droite) accompagnée par son amie et voyante Giuseppina "Pina" Auriemma © Corriere Della Serra
Patrizia Reggiani (à droite) accompagnée par son amie et voyante Giuseppina "Pina" Auriemma © Corriere Della Serra

L’enquête stagne pendant près de deux ans, mais début 1997, un indicateur met les enquêteurs sur la piste d’Ivano Savioni, un milanais de 40 ans qui affirme être l’entremetteur entre Patrizia Reggiani et les deux assassins de Maurizio Gucci. Férue de cartomancie, Patrizia Reggiani a connu Savioni par le biais de sa voyante, devenue une amie intime. Loin de se douter qu’ils viennent d’être placés sur écoute, Ivano Savioni et la voyante discutent sans retenue et confirment que Patrizia Reggiani a déversé plus de 600 millions de lires (environ 300.000 euros) pour commanditer l’assassinat de son ex-mari. Le 31 janvier 1997, tous les suspects sont arrêtés par la police italienne. 

 

Le procès sera marqué par la forte personnalité de Patrizia Reggiani. Elle clame son innocence et dit être victime d’un coup monté par le reste de l’équipe. En vain. L’ex-compagne de Maurizio Gucci sera condamnée à 26 ans de prison et tous ses complices seront écroués. En 2011, lorsque les juges lui proposent une semi-liberté en alternant prison et emploi, cette dernière refuse. “Je n’ai jamais travaillé de toute ma vie, ce n’est certainement pas maintenant que je vais commencer” réplique t-elle devant une assistance médusée. Deux ans plus tard, la veuve noire finit tout de même par accepter cette proposition et sort de prison le 16 septembre 2013. 

 


Pour le plus grand bonheur des paparazzis et de la presse italienne, Patrizia Graziani, qui reste fidèle à elle-même après 16 années d’incarcération, se rend immédiatement faire du shopping Via Monte Napoleone, l’une des avenues commerçantes les plus célèbres de Milan, avec un perroquet Ara sur l’épaule et donne des interviews dans lesquelles elle affirme vouloir travailler pour Gucci. Pas sûr que la firme de luxe, qui a toujours cherché à se tenir éloignée de ce scandale, accepte sa proposition.