

Mars 1999. Stanley Kubrick meurt. Quatre mois plus tard, son ultime film est dévoilé aux yeux éberlués des spectateurs. Eyes Wide Shut divise autant qu’il fascine. Mal aimé lors de sa sortie, le film fait du moins consensus sur un point : le jeu de Nicole Kidman. En duo avec Tom Cruise – son époux d’alors –, cette dernière offre une performance hypnotisante et maîtrisée. Le film est considéré comme la consécration de l’actrice déjà aguerrie, quintessence de l’expression du désir féminin.
Révélée quelques années auparavant avec Calme Blanc (1989) de Phillip Noyce, l’actrice jongle avec son image de beauté froide en alternant films d’auteurs et productions hollywoodiennes populaires. Aujourd’hui âgée de 52 ans, Nicole Kidman a plus de 60 longs-métrages à son actif, quelques passages au théâtre, une société de production, Blossom Films, un Oscar, cinq Golden Globes, deux Emmy Awards et une étoile sur Hollywood Boulevard. Retour sur cinq de ses rôles les plus passionnants.


1. Calme Blanc de Phillip Noyce (1989)
Non sans rappeler la trame haletante de Plein Soleil (1960) du réalisateur français René Clément, Calme Blanc met en scène un trio sordide incarné par Nicole Kidman, Sam Neil et Billy Zane. Les deux premiers – des époux endeuillés par la mort de leur fils –, repêchent sur leur bateau un homme perdu en mer. Très rapidement, ils découvrent que le rescapé est en réalité un dangereux psychopathe. C’est avec ce thriller de choc que Nicole Kidman est révélée aux yeux du grand public. En mère étouffée par le chagrin, elle brille par son jeu subtil tout en regards appuyés et dialogues glaçants. Sa performance lui vaudra d’ailleurs une nomination de meilleure actrice par l’Académie des films de science-fiction, fantastiques et d'horreur en 1991.


2. Dogville de Lars Von Trier (2003)
Les changements de registre ne font pas peur à Nicole Kidman. Tantôt journaliste vénale dans le Prête à Tout (1995) de Gus Van Sant, tantôt sorcière en mal d’amour dans Ma sorcière bien-aimée (2005) de Nora Ephron, elle campe ici Grace, une femme venue chercher refuge dans une petite ville sans prétention. La mise en scène minimaliste du film – composée uniquement de marquages au sol sur une scène de théâtre – met en lumière ce personnage complexe balloté entre son passé et le sort funeste que lui réservent les habitants. Au sommet de sa gloire, Nicole Kidman brille particulièrement dans ce rôle que Lars Von Trier a écrit spécialement pour elle. Jouant habilement d’une vulnérabilité feinte, l’actrice occupe si bien l’écran qu’elle en illumine les décors, pourtant austères.


3. Birth de Jonathan Glazer (2004)
Deuxième film du cinéaste britannique Jonathan Glazer – à qui l’on doit le magnifique Under The Skin et, plus récemment, un court-métrage glaçant –, Birth étonne par son scénario inhabituel (cosigné par Jean-Claude Carrière), mettant en scène une femme à la veille de se marier et un enfant qui prétend être la réincarnation de son amour défunt. Nicole Kidman est une fois encore époustouflante, trouvant dans ce rôle de grande bourgeoise l’apothéose d’une carrière qui connaîtra pourtant un long passage à vide après ce film. Les influences de Bergman, Kubrick, Polanski et Buñuel essaiment cette fiction étouffante, hissant ainsi Nicole Kidman au rang d'une des plus grandes actrices contemporaines.


4. Paperboy de Lee Daniels (2012)
Golden shower, fellation mimée, perruque blonde et accent beauf… Jamais Nicole Kidman n’a autant surpris ses admirateurs. Dans ce film policier déroutant, qui fut à l’origine un projet de Pedro Almodóvar, les personnages sont tous plus extravagant les uns que les autres, du livreur de journaux aux muscles fuselés (incarné par Zac Effron), au taulard condamné à mort complètement halluciné (John Cusack). Si le film est si jubilatoire, c’est avant tout grâce à son casting haut en couleurs (il faut ajouter à la liste Matthew McConaughey) et, surtout, à Nicole Kidman, aussi percutante que dans Eyes Wide Shut. Jamais la vulgarité n’aura été jouée avec autant de maîtrise et d’élégance. Avec ce rôle, pourtant peu flatteur, l’actrice prouve qu’elle est complètement polymorphe.


5. Top of the Lake de Jane Campion (2013-2017)
La relation entre Nicole Kidman et Jane Campion ne se limite pas à cette série. A 13 ans, l’actrice est repérée par la cinéaste néozélandaise et souhaite la faire jouer dans un court-métrage, ce qui n’aboutira pas puisque l’école de la jeune fille refuse de la laisser s’absenter. Plus tard, en 1996, les deux femmes travaillent ensemble pour le très beau Portrait de femme, adaptation du roman éponyme d’Henry James. Par la suite, Nicole Kidman produit le film In the Cut (2003) de la réalisatrice. L’actrice fait une apparition remarquée dans la deuxième saison, Top of the Lake : China Girl. Elle y campe le personnage de Julie Edwards, une mère bisexuelle aussi hyptnotisante que féministe, à l’image des autres personnages féminins de la série.
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