47


Commandez-le
Numéro
12 Magazines érotiques : Taschen réédite sa sulfureuse collection non censurée

Magazines érotiques : Taschen réédite sa sulfureuse collection non censurée

CULTURE

Taschen réédite sa large collection de magazines érotiques parue en 2004 sous l’égide de Dian Hanson, éditrice responsable des Sexy Books de la maison. Focus sur une une presse de charme qui rend compte, à travers ses pages outrageuses, des évolutions de notre société.

Magazines érotiques : Taschen réédite sa sulfureuse collection non censurée Magazines érotiques : Taschen réédite sa sulfureuse collection non censurée

1. Une large collection de “magazines masculins” non censurée 

On pourrait croire qu’il s’agit d’un catalogue d’obscénités ordinaires, d’une suite de clichés vulgaires aux couleur criardes à l’intention des hommes. Des illustrations crues et réalistes pour satisfaire des pulsions sexuelles. Bande-dessinée, publicité outrageuse ou photographie d’art… les pages du “magazine érotique” – communément dénommé “de sexe”, “de charme” ou plus rarement “masculin” – en racontent pourtant davantage qu’on ne pourrait le croire. Et Dian Hanson le sait pertinemment. Éditrice responsable des Sexy Books de la maison Taschen, elle est à l’initiative d’une large collection de “magazines masculins” parue en 2004 et rééditée cette année par Taschen. Près de 4000 couvertures qui témoignent de l’évolution de l’image sexuelle – ou sexualisée – depuis l’année 1900 et jusqu’au début des années 80, entre dessins gaulois grivois et shibari japonais, un art ancestral qui consiste à attacher et suspendre des personnes généralement nues à l'aide d'une corde…

Magazines érotiques : Taschen réédite sa sulfureuse collection non censurée Magazines érotiques : Taschen réédite sa sulfureuse collection non censurée

2. Aux origines des magazines érotiques

 

Un cabinet de curiosités licencieux en plein cœur du British Museum de Bloomsbury, à Londres. Fondé en 1865, le Secretum abrite les œuvres impudiques de l’établissement, une salle secrète qui renferme des artefacts indécents – sculptures de bronze, vases antiques ou gravures – cachés au public pendant près d’un siècle avant de finalement rejoindre les départements officiels. Si l’on s’intéresse de plus près au compartiment 55, on y découvre justement une collection d’images érotiques cédées en 1865 par George Witt médecin et collectionneur londonien. Vingt ans auparavant, le premier appareil photo a enfin été commercialisé et l’objet se démocratise progressivement. Jusqu’alors réservés aux membres de l’aristocratie, les clichés de femmes nues s’échangent sous le manteau ou sont distribués pour quelques sous. Les cabarets parisiens saisissent aussitôt l’opportunité et créent les premiers “magazines de nu” vers 1880, sorte de dépliant promotionnel offert aux clients assidus à la sortie de l’établissement. L’initiative amuse autant qu’elle surprend… Mais le succès est au rendez-vous. Dans la foulée, les premiers magazines érotiques s’installent dans les kiosques à journaux. La Première Guerre Mondiale profite à ces illustrations obscènes : elles atterrissent dans les bagages de soldats étrangers éreintés de retour au bercail… Les combattants joueront un rôle décisif lors du second conflit mondial puisque certains magazines sont alors pensés spécialement pour eux. La pin-up fait devient un élément indissociable du paquetage des militaires américains.

Magazines érotiques : Taschen réédite sa sulfureuse collection non censurée Magazines érotiques : Taschen réédite sa sulfureuse collection non censurée

3. Un magazine érotique qui se transforme progressivement

Si le magazine érotique a survécu, c’est aussi parce qu’il scrute la société et évolue avec elle. Dans la seconde moitié du XXe siècle, la majorité des titres de presse reste profondément machiste et hétérocentrée, la formule s’épuise peu à peu et n’évite pas l’insurrection féminine. Dans une étude consacrée à la place occupée par les femmes dans la publicité et la sphère privée, les sociologues Georges Falconnet et Nicole Lefaucheur résument justement cette transformation progressive : “La femme-objet-sexuel est la représentation la plus fréquente, pour ne pas dire la seule qui puisse être aperçue publiquement. Et, bien sûr, c’est autour de ce cliché de la femme faite pour le plaisir de l’homme que se structurent les images et les représentations que les hommes se font des femmes.” Dans son étude La “nouvelle presse masculine”, Estelle Bardelot développe la pensée de ses homologues et poursuit: “La première évolution de la presse masculine française – de la presse de charme vers la presse de mode – est une illustration de la métamorphose de l’identité masculine sur cette période. La dévaluation des valeurs viriles chez les hommes s’effectue au profit de l’attrait pour le bien-être personnel et l’affirmation des sentiments, lesquels semblent être devenus, de nos jours, les critères constitutifs de la nouvelle identité masculine.” Bondage lesbien, obsession pubienne, hippies nudistes, sexe au latex, immersion dans la pornographie pure, domination, photographies splendides de Nobuyoshi Araki ou érotisme tendre d’un Ren Hang… le magazine masculin reste un baromètre l’évolution des mentalités notamment vis à vis des sexualité jugées “déviantes”. Principaux acteurs de cette transformation : la guerre, la révolution sexuelle, la publicité et la concurrence terrible entre les titres de presse, en témoigne la longue bataille entre Playboy et Penthouse.

 

 

Dian Hanson’s: The History of Men’s Magazines, Taschen. Collection complète. Disponible.