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22 Comment le couple mythique Eames a révolutionné plus que le design

Comment le couple mythique Eames a révolutionné plus que le design

Design

Le Vitra Design Museum, avec le soutien du label Hugo Boss, consacre une très belle exposition aux époux Eames, designers mythiques des années 50 et 60. Sortant des sentiers battus, elle aborde la fascinante diversité de leur production, entre vidéos, photographies, jouets et installations.

La Solar Do-Nothing Machine (1957) de Charles & Ray Eames est l’une des premières machines utilisant l’énergie solaire. Derrière ses apparences de jouet, elle témoigne de la manière dont les Eames prenaient en compte les nouvelles technologies. La Solar Do-Nothing Machine (1957) de Charles & Ray Eames est l’une des premières machines utilisant l’énergie solaire. Derrière ses apparences de jouet, elle témoigne de la manière dont les Eames prenaient en compte les nouvelles technologies.
La Solar Do-Nothing Machine (1957) de Charles & Ray Eames est l’une des premières machines utilisant l’énergie solaire. Derrière ses apparences de jouet, elle témoigne de la manière dont les Eames prenaient en compte les nouvelles technologies.

Une exposition Eames qui ne ferait pas la part belle à la célèbre Chaise (1948) du duo et à sa coque en polyuréthanne laquée en blanc, ni à la Lounge Chair (1956), toutes deux vendues à plusieurs millions d’exemplaires ? Oui, c’est possible. Ce miracle d’originalité a même lieu en ce moment au Vitra Design Museum, en Allemagne. Ce temple du design, avec ses bâtiments de Frank Gehry, Tadao Ando, Zaha Hadid et Herzog & de Meuron (rien que ça), réussit ainsi à réveiller notre intérêt pour le plus célèbre couple de designers du XXe siècle.

 

Prenez votre plaisir au sérieux”, recommandaient Charles et Ray Eames. L’exposition a suivi l’axiome à la lettre. Plutôt que de s’appesantir sur leurs meubles emblématiques, vus et revus, elle embrasse joyeusement la très grande diversité de leur production. Installations vidéo, jouets, graphismes et photographies nous font pénétrer l’état d’esprit exceptionnel de ces ouvriers de la modernité. Ouvriers, car pour le duo, tout devient outil : l’art (Ray Eames étudia la peinture), les savoir-faire, la technologie, les nouveaux matériaux, l’architecture, la vidéo… Des outils mis au service d’une quête sans fin : résoudre les problèmes de la vie quotidienne dans le monde moderne de l’après-guerre alors en pleine transformation.

 

 

C’est surtout la virtuosité avec laquelle les Eames jouent avec les images qui fascine : tel un flux, elles font apparaître leur production et leur esthétique comme une sorte de préhistoire de notre monde contemporain marqué par la surenchère d’images, d’objets et de références.

 

 

Pour Charles Eames, “le rôle du designer s’apparente à celui d’un bon hôte qui anticipe le mieux possible les besoins de ses invités”. Le réalisateur Billy Wilder, ami du couple, aime plus que tout piquer du nez au travail. Les designers lui imaginent donc en 1968 une chaise longue si étroite que les bras de son utilisateur en tombent dès qu’il s’assoupit (et qu’il est temps de reprendre ses esprits). Quel que soit le projet, il doit ainsi être analysé dans ses dimensions techniques, sociales et esthétiques, et les solutions trouvées doivent répondre à tous ces aspects. Et s’il n’y a pas de problème auquel répondre ? Alors il n’y a pas de solution ! Le duo refuse ainsi de redessiner le logo des bières Budweiser… au motif que l’actuel convient très bien.

Charles Eames allongé sur la célèbre Lounge Chair & Ottoman du duo. Photo réalisée pour une publicité (1956). Charles Eames allongé sur la célèbre Lounge Chair & Ottoman du duo. Photo réalisée pour une publicité (1956).
Charles Eames allongé sur la célèbre Lounge Chair & Ottoman du duo. Photo réalisée pour une publicité (1956).

La croyance des Eames dans le progrès, la technologie et la science est bien ancrée. Et c’est le condensé de cette utopie moderniste, un peu datée, qui est à l’œuvre dans les très nombreuses vidéos présentées au Vitra Design Museum. Comme le souligne Hjoerdis Kettenbach, chargé du mécénat chez Hugo Boss (grand partenaire de l’exposition) : “Le design, comme la mode, n’impacte pas seulement nos vies, il capture l’esprit du temps.” Ici, celui des années 50 et 60. Les Eames réalisent d’ailleurs à Moscou, en 1959, une installation de sept écrans de six mètres sur neuf au sein d’un dôme géant. Ils y projettent Glimpses of the U.S.A, 2 200 clichés présentant la vie quotidienne aux États-Unis.

 

Plus que l’aspect propagandiste, c’est surtout la virtuosité avec laquelle les Eames jouent avec les images qui fascine : tel un flux, elles font apparaître leur production et leur esthétique comme une sorte de préhistoire de notre monde contemporain marqué par la surenchère d’images, d’objets et de références. Avec leur célèbre film Powers of Ten, c’est, cette fois-ci, à Google Earth que l’on pense. On y voit la caméra passer d’une vision de la Terre vue du ciel à un zoom ultra précis sur un couple en plein pique-nique. De l’infiniment grand à l’infiniment petit, d’une installation grandiose à un jouet pour enfants, les Eames non seulement auscultaient leur époque, mais exploraient déjà la nôtre. 

 

Exposition An Eames Celebration au Vitra Design Museum à Weil am Rhein (Allemagne), jusqu’au 25 février 2018.

Powers of Ten™ (1977)