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Numéro
22 India Mahdavi, Villa Medicis, Design, Rome

Villa Médicis : comment la designer India Mahdavi a métamorphosé le palais romain

Design

Après Kim Jones et Silvia Venturini Fendi en 2022, l'Académie de France à Rome – Villa Médicis invite la célèbre designer India Mahdavi à participer à la seconde édition de son programme “Réenchanter la Villa Médicis”, lancé par son directeur actuel Sam Stourdzé, qui propose à des créateurs de s'emparer de l'institution française basée à Rome. Depuis deux ans, cette dernière transforme six chambres de la Villa en mêlant des trésors modernes et contemporains conservés au Mobilier national ou dessinés par elle-même à des meubles d'époque, tout en respectant le patrimoine séculaire du bâtiment construit au 16e siècle. La créatrice française décrypte ses trois salles favorites pour Numéro.

  • La chambre Debussy © Daniele Molajoli

    La chambre Debussy  © Daniele Molajoli La chambre Debussy  © Daniele Molajoli
  • La chambre Debussy © Daniele Molajoli

    La chambre Debussy  © Daniele Molajoli La chambre Debussy  © Daniele Molajoli
  • La chambre Debussy © Daniele Molajoli

    La chambre Debussy  © Daniele Molajoli La chambre Debussy  © Daniele Molajoli

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1. La chambre Debussy : une interprétation pop et fraîche de la musique

 

“La première chose que j’ai décidée pour cette chambre était de la renommer : à l’origine, elle ne portrait qu’un numéro, je l’ai donc rebaptisée au nom du compositeur Claude Debussy, qui y a vécu et qui y a laissé son piano – ce n’est pas anodin ! Cette chambre est donc ma traduction de ses compositions dans l'espace, en quelque sorte. J’ai dû composer avec une surface très grande, de presque 70 mètres carrés et environ 5 mètres de hauteur sous plafond, éclairée par une fenêtre assez haute qui laisse entrer une superbe lumière et donne sur une vue imprenable sur Rome, mais il faut se placer assez haut pour la voir. J'ai donc décidé que mon rôle consisterait à faire profiter de cette vue aux habitants de la chambre en installant un lit magistral sur une plateforme de près d'un mètre de haut, qui s’inscrit dans la tradition de ces grands lits à baldaquins de la Renaissance. D’ailleurs, le motif géométrique apposé sur le lit et sa commode adjacente est lui-même inspiré de cette période et du travail des artistes sur la perspective : on le retrouve sur le célèbre plafond du Panthéon à Rome. Je l’ai répété de façon presque littérale mais dans une coloration forte et un motif presque pop, qui dégage la fraîcheur et l’acidité que m’évoque la musique de Debussy.”

  • Le salon Lili Boulanger © Daniele Molajoli

    Le salon Lili Boulanger © Daniele Molajoli Le salon Lili Boulanger © Daniele Molajoli
  • Le salon Lili Boulanger © François Halar

    Le salon Lili Boulanger © François Halar Le salon Lili Boulanger © François Halar
  • Le salon Lili Boulanger © François Halar

    Le salon Lili Boulanger © François Halar Le salon Lili Boulanger © François Halar

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2. Le salon Lili Boulanger : un vestibule transformé en salon lumineux et éclectique

 

“La villa est essentiellement remplie de meubles en bois foncé avec très peu de couleurs, j'ai donc fait le choix de ne pas utiliser de mobilier palatial et j’ai déplacé les meubles de chaque salle afin de les apprivoiser et de redonner à la villa sa fonction domestique originelle. Initialement, le salon de Lili Boulanger, nommé d'après la compositrice française qui a résidé à la Villa en 1914, était un vestibule où il n'y avait rien d'autre que trois chaises qui se battaient en duel. En visitant cette partie du palais qui est restée privée [seules deux chambres sont louées aux invités de la Villa Médicis], j’ai eu envie de la réinventer complètement. J’ai ramené le piano de Debussy qui était dans la chambre annexe, où personne ne pouvait le voir ni en jouer, pour le placer dans ce salon et créer un coin musique. Au dessus de cet instrument, j’ai accroché le portrait de compositeurs qui ont résidé à la Villa Médicis – Debussy et Lili Boulanger bien sûr, mais aussi Berlioz, Desportes, Bizet… Pour compléter le reste du salon, le Mobilier national m’a ouvert sa caverne d’Alibaba : en visitant leurs immenses entrepôts à Paris, je suis tombée sur cet ensemble de canapés Jean Lesage au style années 40 et des chaises dites ‘Pelta’ des années 60. J’ai donc mélangé différentes époques parce qu’après tout, c’est toujours comme ça dans une maison : toutes les périodes d’une vie se croisent. J’ai recouvert le canapés et les fauteuils d’un satin de coton jaune très lumineux, j’ai ajouté un grand tapis rose. Cette palette apporte une certaine vibration chromatique qui fait tout à coup revivre tous les fantômes de la villa. Et lorsque l'on s’assoit dans ce petit salon, il y a quelque chose de très viscontien, avec cette Vénus qu’on a installée non loin…”

  • La chambre du Cardinal © François Halard

    La chambre du Cardinal © François Halard La chambre du Cardinal © François Halard
  • La chambre du Cardinal © François Halard

    La chambre du Cardinal © François Halard La chambre du Cardinal © François Halard

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3. La chambre du Cardinal : une promenade dans un jardin édénique

 

“Dans la Villa, la chambre du Cardinal se trouve en plein milieu de trois chambres en enfilade. Cet enchaînement était assez répétitif car on y trouvait à peu près les mêmes lits et le même mobilier. J’ai donc décidé de la vider pour raconter une histoire tout à fait différente. Quand on entre dans cette pièce, on respire, comme un moment d’arrêt, avec tous ces tabourets Bishop qui nous invitent à s’arrêter. Mais le point central de la chambre, c’est ce grand tapis conçu avec la Manufacture d’Aubusson, qui souligne non seulement le plafond peint par Jacopo Zucchi (1584-1586) mais aussi la vue sur les jardins de la Villa Médicis que l’on a depuis la fenêtre. On peut s’allonger dessus pour observer cette frise qui raconte le thème astral du cardinal Ferdinand, à l’origine de la construction du palais au 16e siècle. Tout comme on peut s’y asseoir pour admirer le jardin et les sublimes piazzale [parvis] devant l’édifice réalisés par Richard Peduzzi à la fin des années 2000. Le jardin s'est donc affirmé en thème central pour cette chambre : j'ai souhaité m’inscrire dans la tradition persane du tapis, qui représente toujours un jardin associé au paradis, et inclure mes propres origines iraniennes au sein de la Villa Médicis. Le tapis que j'ai choisi reprend d’ailleurs les formes triangulaires du jardin géométrique à la française, réinterprétées de façon contemporaine. Quant à ses couleurs vives, elle dialoguent avec la peinture classique que l'on découvre au plafond..”

 

“Réenchanter la Villa Médicis”, projet d'India Mahdavi visible à la Villa Médicis, Rome.