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Numéro
12 Philippe Starck, Designer, exposition, musée Carnavalet, Paris

Rencontre avec la star du design Philippe Starck : “Je me shoote à la création”

Design

Jusqu'au 27 août, le musée Carnavalet invite Philippe Starck à imaginer un parcours sur-mesure, guidé par sa vision de Paris. Hyperactif et surdoué, le septuagénaire est devenu l’emblème vivant du design français en apposant depuis les années 70 sa touche unique à des objets du quotidien, comme à des hôtels de luxe. Ses pièces connues du grand public figurent aussi en bonne place dans les musées.

Philippe Starck, photographié avec sa femme Jasmine, le 4 juillet 2022 dans son bureau au siège de Starck Network, avenue Paul-Doumer, Paris XVIe.
Assistante photographe : Margaux Jouanneau. Numérique : D-Factory. Retouche : Marco Giani. Production : Iconoclast Image Philippe Starck, photographié avec sa femme Jasmine, le 4 juillet 2022 dans son bureau au siège de Starck Network, avenue Paul-Doumer, Paris XVIe.
Assistante photographe : Margaux Jouanneau. Numérique : D-Factory. Retouche : Marco Giani. Production : Iconoclast Image
Philippe Starck, photographié avec sa femme Jasmine, le 4 juillet 2022 dans son bureau au siège de Starck Network, avenue Paul-Doumer, Paris XVIe.
Assistante photographe : Margaux Jouanneau. Numérique : D-Factory. Retouche : Marco Giani. Production : Iconoclast Image

Ourson débonnaire, toujours prêt à s’embarquer dans des envolées lyriques promouvant ses propositions, et plus souvent encore des prophéties sur le monde en devenir, Philippe Starck déroute. Sa logorrhée verbale n’a d’égale que son abondance créative, plus de 10 000 œuvres au compteur, environ 250 projets en simultané, une idée à la seconde. “Je me shoote à la création, dans le plus grand délice d’avoir la possibilité de ne pas être sur cette terre, de ne pas être dans cette société et de pouvoir ne pas être dans la réalité.”


Designer industriel, architecte d’intérieur, directeur artistique, créateur de mobilier, le monsieur se plaît à changer de casquette sans pour autant retourner sa veste au gré des modes. Une grande cohérence émane de sa production. “Je ne parle à personne, je n’écoute personne, je ne vais pas dans les dîners, je ne lis pas les magazines ; j’ai une vie intérieure assez intense. Ce n’est jamais un choix esthétique qui guide ma démarche : je conçois des objets pour des raisons politiques, sociales, écologiques, sexuelles ou fantaisistes – mais jamais dans un désir de les rendre beaux.” Moult de ses inventions n’ont d’ailleurs pas pris une ride : sa chaise tripode conçue pour le café Costes, au catalogue de l’éditeur Driade depuis les années 80, est devenue un classique, tout comme son presse-citron Juicy Salif pour Alessi, lancé en 1990. “Son succès découle de son talent à styliser l’idée même que l’on se fait d’un objet ; ses créations renvoient à l’imaginaire collectif occidental”, analyse le galeriste Paul Bourdet, spécialiste de son travail. Téléviseur Thomson, brosse à dents Fluocaril, autant d’objets cultes qui auront marqué leur temps. “Dans les années 80, son mobilier est minimal, radical – tout en métal laqué noir –, reprend Paul Bourdet. Starck était alors un moderniste en des temps postmodernes.” Ses œuvres de l’époque profitent d’ailleurs d’un véritable revival. Une première exposition leur fut dédiée à la galerie Jousse Entreprise en septembre 2020, et on les retrouve cet automne en bonne place dans la rétrospective Années 80. Mode, design, graphisme en France, programmée au musée des Arts décoratifs. “Dans les années 90, le design de Philippe Starck se fait plus organique, biomorphique, coloré – toujours très sculptural, mais plus doux –, reprend le marchand d’art. C’est à cette époque que ses pièces rencontrent un véritable succès grand public ; son vocabulaire stylistique n’a guère bougé depuis...


Outre la conception d’objets, s’il est un domaine dans lequel excelle le Français, c’est bien celui de l’hôtellerie de luxe. “Je ne suis ni un décorateur, ni un architecte, je fonctionne à la façon d’un réalisateur. Au Royalton, j’avais pour ambition de créer un hôtel principalement en acajou, pour rappeler la marine, l’ambiance de ces émigrants qui arrivaient du port de New York dans des bateaux en bois d’acajou. Au Brach, à Paris, il était question d’un voyage immobile et culturel, d’une volonté moderniste du Bauhaus, mélangé à la découverte et à l’émerveillement de l’Afrique. Tandis que le Royal Monceau est l’exploration de ce qu’est, de ce que devrait, de ce que pourrait être l’esprit français...” Autant d’établissements ayant renouvelé en profondeur l’identité même des palaces pour y apporter une touche contemporaine et chaleureuse. “Je fais des hôtels pour une seule raison. C’est le meilleur moyen d’infuser de nouvelles expériences, de nouvelles aventures. Cela permet aux gens de nourrir leur créativité, de donner des idées, d’ouvrir des portes qui leur permettent d’entrer dans d’autres rêves et d’autres réflexions. Un hôtel est un concept complet. C’est amusant à créer parce que c’est amusant pour les gens.”

 

Philippe Starck, “Paris est pataphysique”, jusqu'au 27 août 2023 au musée Carnavalet, Paris 3e.