47


Commandez-le
Numéro
10 Paul Smith, Musée Picasso, Exhibition

Les coups de cœur de Paul Smith au musée Picasso

Exposition

Jusqu'au mois d'août, le musée Picasso prend des couleurs grâce à une exposition imaginée par le créateur de mode Paul Smith, qui revisite ses collections permanentes. Pour Numéro, le Britannique revient sur quatre chefs-d’œuvre du maître espagnol.

Portrait de Paul Smith devant "L'Acrobate" de Pablo Picasso (1930) Portrait de Paul Smith devant "L'Acrobate" de Pablo Picasso (1930)
Portrait de Paul Smith devant "L'Acrobate" de Pablo Picasso (1930)

Cette scénographie, c’est exactement le monde créatif et coloré dans lequel je vis !” s'enthousiasme Paul Smith devant son exposition au musée Picasso de Paris. Imaginée par le créateur, "Célébration Picasso” dépoussière les collections permanentes du musée avec beaucoup de couleurs et une énergie électrique qui n’est pas sans rappeler celle du Britannique de 76 ans. À l'heure des cinquante ans de la mort de Pablo Picasso (1881-1973), artiste parmi les plus exposés du monde, de nombreuses institutions le mettent à l'honneur au sein d’une programmation exceptionnelle des deux côtés de l'Atlantique. Et qui de mieux que Paul Smith pour imaginer une scénographie originale ? Connu et reconnu pour ses rayures et son utilisation des couleurs, le créateur qui a lancé son label en 1970 est un électron libre dans le monde de la mode. Saison après saison, il fait son bonhomme de chemin et touche à tout ce qui attire son attention – de la mode en passant par le design, le cyclisme, l’automobile… et la conception d’une exposition.

 

Sur les trois étages du musée, Paul Smith a investi plusieurs salles de ses couleurs vives, plongeant ses visiteurs dans un univers de bleu pour les toiles de la période mélancolique de Pablo Picasso, dans une atmosphère rouge et rose pour Les Demoiselles d’Avignon… ou encore dans une ambiance jazz pour la pièce dédiée aux années 50, dans laquelle sont diffusés des morceaux de Thelonious Monk. L’exposition réunit plusieurs dizaines de chefs-d’œuvre, et met ainsi en avant la richesse des collections du musée grâce au regard “fou” et “farfelu” de Paul Smith, pour reprendre ses propres mots. Pour Numéro, ce dernier revient sur quatre œuvres qui l’ont marqué parmi cette riche sélection.

Pablo Picasso, "Tête de taureau", printemps 1942, selle et guidon (cuir et métal), 33.5x43.5x19cm, Musée national Picasso-Paris, Dation Pablo Picasso, 1979. MP330 Pablo Picasso, "Tête de taureau", printemps 1942, selle et guidon (cuir et métal), 33.5x43.5x19cm, Musée national Picasso-Paris, Dation Pablo Picasso, 1979. MP330
Pablo Picasso, "Tête de taureau", printemps 1942, selle et guidon (cuir et métal), 33.5x43.5x19cm, Musée national Picasso-Paris, Dation Pablo Picasso, 1979. MP330

Quand une selle de vélo devient sculpture

 

“De mes 12 à mes 18 ans, j’étais cycliste professionnel. Je ne pratique plus depuis longtemps, mais je reste passionné par ce sport et son actualité. Donc, ma décision de vous parler de cette sculpture faite à partir d’une selle de vélo s'imposait ! Elle fait le lien entre Pablo Picasso et moi. Il y en a un autre : là, je suis assis dans mon studio, une grande salle remplie de choses étranges que je garde parce qu’elles sont belles, petites, douces, grosses, dures… car, comme Picasso, je crée en m'inspirant d'objets que je réutilise ou que je conserve. Je pense d’ailleurs que les similitudes dans notre processus créatif sont une des raisons qui ont conduit le musée à me choisir pour cette exposition.”

Portrait "Paul en Arlequin" (1924), Pablo Picasso dans l'exposition "Célébration Picasso, la collection prend des couleurs" © Musée national Picasso-Paris, Voyez-Vous (Vinciane Lebrun) / Succession Picasso 2023 Portrait "Paul en Arlequin" (1924), Pablo Picasso dans l'exposition "Célébration Picasso, la collection prend des couleurs" © Musée national Picasso-Paris, Voyez-Vous (Vinciane Lebrun) / Succession Picasso 2023
Portrait "Paul en Arlequin" (1924), Pablo Picasso dans l'exposition "Célébration Picasso, la collection prend des couleurs" © Musée national Picasso-Paris, Voyez-Vous (Vinciane Lebrun) / Succession Picasso 2023

Inspiration de Picasso, le théâtre infiltre l’exposition

 

“La combinaison de couleurs de cette peinture me touche beaucoup, je la qualifierais presque d’optimiste. Pablo Picasso s’était déjà représenté en costume d'Arlequin vingt ans plus tôt [en 1905], et là, dans Paul en Arlequin, il peint le portrait de son fils – qui s'appelle lui aussi Paul ! – dans ce même costume aux couleurs criardes. J’ai choisi cette toile parce qu’elle fait écho à son histoire familiale, mais surtout pour son lien avec le théâtre et l’approche théâtrale de Picasso dans ses œuvres. Dès le départ, j'avais l'intention d'imaginer une scénographie théâtrale. J’ai donc placé Paul en Arlequin [1924] sur un mur placé au bout d'un couloir, et j’ai recouvert l’entièreté de la cimaise du même motif arlequin à losanges jaune et bleu. Ainsi, on peut apercevoir le portrait depuis les deux pièces précédentes, d'où il apparaît comme une révélation… un vrai coup de théâtre !”

Pablo Picasso, « La Chèvre », 1950 (feuille de palmier, métal, plâtre original, technique mixte) dans l'exposition "Célébration Picasso, la collection prend des couleurs" © Musée national Picasso-Paris, Voyez-Vous (Vinciane Lebrun) / Succession Picasso 2023 Pablo Picasso, « La Chèvre », 1950 (feuille de palmier, métal, plâtre original, technique mixte) dans l'exposition "Célébration Picasso, la collection prend des couleurs" © Musée national Picasso-Paris, Voyez-Vous (Vinciane Lebrun) / Succession Picasso 2023
Pablo Picasso, « La Chèvre », 1950 (feuille de palmier, métal, plâtre original, technique mixte) dans l'exposition "Célébration Picasso, la collection prend des couleurs" © Musée national Picasso-Paris, Voyez-Vous (Vinciane Lebrun) / Succession Picasso 2023

Créer à partir de tout et de rien

 

Pablo Picasso a longtemps peint des natures mortes de carcasses d’animaux, et soudain, dans les années 50, il s’est pris d’affection pour les bêtes et a réalisé cette fantastique sculpture de chèvre. Si vous observez le plâtre original, le buste est fait à partir d’un vieux panier, la colonne vertébrale, d’une feuille de palmier, et les pattes, de bouteilles. Puis il a coulé le tout dans du bronze. Je me reconnais totalement dans ce processus d’assemblage et dans cette façon de regarder les objets du quotidien pour les transformer en quelque chose de beau, d’inattendu. Surtout, cette sculpture témoigne de la capacité de Picasso à se réinventer tout au long de sa carrière, de sa période bleue, sombre et mélancolique, à sa période rose lumineuse, jusqu'au cubisme… un désir de réinvention permanent dont je me sens très proche. Je suis créateur depuis longtemps maintenant, et je pense que ma longévité dans la mode s’explique comme celle de Picasso dans le monde de l’art : nous nous intéressons à tout et à toutes les formes artistiques. Je sens une connexion entre nos processus créatifs et notre carrière. Et cette exposition en est la preuve.”

 [À droite] Pablo Picasso, "L’artiste devant sa toile", 1938 (fusain sur toile) dans l'exposition "Célébration Picasso, la collection prend des couleurs" © Musée national Picasso-Paris, Voyez-Vous (Vinciane Lebrun) / Succession Picasso 2023  [À droite] Pablo Picasso, "L’artiste devant sa toile", 1938 (fusain sur toile) dans l'exposition "Célébration Picasso, la collection prend des couleurs" © Musée national Picasso-Paris, Voyez-Vous (Vinciane Lebrun) / Succession Picasso 2023
[À droite] Pablo Picasso, "L’artiste devant sa toile", 1938 (fusain sur toile) dans l'exposition "Célébration Picasso, la collection prend des couleurs" © Musée national Picasso-Paris, Voyez-Vous (Vinciane Lebrun) / Succession Picasso 2023

La marinière et les croquis, Picasso intime

 

“Dans ce dessin très abstrait, Pablo Picasso s’est représenté vêtu de son iconique marinière. Quand j’ai commencé à réfléchir à cette exposition, je ne connaissais pas grand chose à sa vie personnelle, mais la première image qui m’est venue en tête, c’est cette photographie de lui où il porte justement cette marinière, prise par Robert Doisneau [en 1952]. À côté de cet autoportrait et des photos de lui, j'ai tout de suite imaginé d'accrocher une multitude de tee-shirts rayés au plafond ! Les œuvres en papier comme celle-ci sont souvent considérées comme un travail préliminaire avant l'étape de la peinture, elles ont un côté plus plus personnel, plus intime. Si vous regardez dans ma poche, vous y trouveriez un crayon et un carnet de notes. Je les garde toujours sur moi, car j’adore cette idée de pouvoir réaliser des croquis n’importe où, n’importe quand, et d'expérimenter des formes et des motifs sur le papier… Le côté brouillon de ce dessin le rapproche de ma pratique et ça me plaît beaucoup.”

 

Exposition "Célébration Picasso, la collection prend des couleurs" par Paul Smith, du 7 mars au 27 août au musée Picasso, 5, rue de Thorigny, Paris 3e.