Numéro : D'où vous vient cet attrait pour la cuisine ?
Julien Sebbag : Personne ne cuisinait vraiment dans ma famille, mais je suis d'origine juive, et les shabbats ou les grands repas de fête ont toujours été pour moi de grands moments de bonheur en famille. Chaque fête a ses spécialités culinaires et ses traditions qui confèrent aux repas familiaux un côté presque sacré.
Qu'est ce qui vous a donné envie de devenir chef?
Je dirais que c'est l'envie de faire plaisir aux gens et de pouvoir exprimer ma sensibilité à travers une activité artisanale et manuelle.
Fait rare aujourd'hui, vous êtes autodidacte… comment avez-vous appris à cuisiner ?
Je me suis certes lancé en autodidacte, mais j'ai dû rattraper mon retard car c'est un métier très technique pour lequel on ne peut pas brûler des étapes. Durant mes études en école de commerce, j'ai fait des stages et des jobs de nuit dans des restaurants, et, pendant que je rédigeais mon mémoire, j'ai beaucoup appris grâce à des vidéos Youtube que je reproduisais. Finalement, je me suis lancé comme chef à domicile tout en continuant de m'entraîner. C'est vraiment une discipline qui nécessite de toujours apprendre, découvrir et expérimenter.
Êtes-vous inspiré par des chefs en particulier?
Il y en a un qui m'a inspiré plus que tous les autres : le chef israélien Eyal Shani. À Paris, il a les restaurants de street-food méditerranéenne Miznon et plusieurs établissements à Tel Aviv. Sinon, le chef Yotam Ottolenghi dont j'adore les livres, en particulier Jérusalem.
Chez Créatures vous avez pris le pari – risqué – d'une carte entièrement végétarienne. Pourquoi?
C'est vrai que c'était risqué, mais ça m'intéressait de sortir la cuisine végétarienne de son univers “healthy” et bien-être pour montrer qu'elle peut être gourmande, copieuse et originale. Créatures, c'est également mon premier restaurant et je voulais marquer ma différence et apporter un concept original.
Que souhaitez-vous proposer chez Forest, votre second établissement ouvert cette année ?
Le musée d'Art moderne, où est installé Forest, m'a inspiré un concept complètement différent. Je voulais une cuisine plus libre, expérimentale et brute avec des recettes réconfortantes où les viandes et les poissons trouvent naturellement leur place.
Dans vos restaurants, vous proposez de vraies expériences sensorielles avec des décors recherchés, de la musique, dans une ambiance assez festive. D'où vous vient ce goût de la mise en scène?
Je pense qu'au début c'était pour masquer mes lacunes de chef. Au fur et à mesure, je me suis rendu compte qu'approfondir l'expérience du repas avec de de la musique, de la scénographie, de la vaisselle et du design, servait finalement l'assiette et ma cuisine. Et surtout, j'avais envie de m'amuser et d'envisager le restaurant comme un concept global à la manière d'un directeur artistique.
Quelle relation entretenez-vous avec la mode?
J'adore la mode, c'est un domaine qui m'a toujours beaucoup influencé et qui présente des similitudes avec la cuisine. Par exemple, en ce qui concerne la saisonnalité. Et j'ai toujours aimé le fait de se distinguer par sa façon de s'habiller.
Créatures, 25, rue de la Chaussée d'Antin, 75009 Paris.
Forest, 11, avenue du Président Wilson, 75016 Paris.