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30 Comment la créatrice Priya Ahluwalia s’est imposée dans la mode masculine

Comment la créatrice Priya Ahluwalia s’est imposée dans la mode masculine

MODE

Depuis qu’elle a remporté le H&M Design Award en 2019 avec sa collection de fin d’études, Priya Ahluwalia se démarque par ses créations éco-responsables aux inspirations mêlant sportswear et années 90, influencées par ses origines indo-nigérianes et jamaïcaines. A travers son propre label Ahluwalia, la créatrice britannique donne un nouveau souffle à la mode masculine, à laquelle elle infuse une dimension engagée.

Priya Ahluwalia © Courtesy of Ahluwalia Priya Ahluwalia © Courtesy of Ahluwalia
Priya Ahluwalia © Courtesy of Ahluwalia

Elle fait partie de cette nouvelle génération qui donne à la mode masculine un nouveau tournant. Depuis ses études de mode à l’Université de Westminster, Priya Ahluwalia crée des vêtements pour hommes selon un processus éco-responsable qui mêle de multiples inspirations, de sa nostalgie pour les années 90 à son appétence pour le sportswear et les couleurs foisonnantes, en passant par ses origines indo-nigérianes et jamaïcaines. Tout comme Bianca Saunders, lauréate du prix de l’Andam 2021 qui réinterprète les classiques du vestiaire masculin tout en plaçant l’artisanat au cœur de son processus créatif, ou encore Grace Wales Bonner, couronnée du prix LVMH en 2016 qui croise références européennes et africaines dans ses créations, la jeune femme fait du Royaume-Uni le berceau du renouveau d'une mode qui allie technique, modernité et engagement.

Un engagement fort

 

 

“Aujourd’hui, la mode est encore très centrée sur l’Occident”, déplore Priya Ahluwalia. Née au Nigeria en 1992, d’un père nigerian et d’une mère indienne, la créatrice utilise dès ses débuts ses collections pour sensibiliser le monde aux injustices sociales et au racisme. Le contexte multiculturel dans lequel elle a grandi la pousse à imaginer des vêtements riches en couleurs et motifs, où elle inscrit par exemple les mots “Nigeria” et “Liberation”, mais aussi à mettre en avant certaines communautés rencontrées lors de ses nombreux voyages dans ses deux pays d’origine qui, selon ses mots, “racontent des histoires que l’on n'entend jamais”. Pour affirmer ces engagements, Priya Ahluwalia a également publié deux livres de photographies très personnels. Le premier, intitulé Sweet Lassi, dénonce la problématique du surplus de vêtements occidentaux dans certains pays asiatiques dont la créatrice prend conscience lors d’un voyage à Lagos puis en Inde avec sa famille : prises par elle-même, les photographies immortalisent d'énormes tas de vêtements autant que des portraits de locaux. Dans son second livre, Jalebi, la jeune femme se concentre sur les communautés indiennes de Grande-Bretagne, appelées “Punjabi”, dont elle fait elle-même partie, à travers des clichés signés par Laurence Ellis et des entretiens avec ces personnes, résidant au sein du quartier de Southall à Londres. Car si Priya Ahluwalia explore ses origines familiales dans son travail, la jeune femme s'inspire également beaucoup de la capitale britannique où elle a grandi, en revisitant par exemple dans ses créations le tailoring à coup de coupes oversize et motifs rétro. “La mode londonienne est courageuse tout en étant utile, déclare-t-elle avec enthousiasme. Ici, on écoute tout le monde, peu importe d’où l'on vient.”

Ahluwalia, collection automne-hiver 2021-2022 Ahluwalia, collection automne-hiver 2021-2022
Ahluwalia, collection automne-hiver 2021-2022

L'écologie au cœur de son identité

 

 

Depuis ses débuts, que ce soit pendant ses études ou lors des prémices de la fondation de son label en 2018, Priya Ahluwalia place l’écologie au cœur de son processus créatif. Face à l'expansion du greenwashing, où de nombreuses marques communiquent en utilisant l'argument écologique de manière trompeuse pour améliorer leur image, la créatrice crée avec conviction des collections respectueuses de l’environnement, entièrement fabriquées à partir de vêtements vintage et de chutes de tissus. “En étant au courant de la problématique environnementale autour de la mode, je ne pourrai pas créer autrement”, affirme-t-elle. Comme de nombreux créateurs, la Britannique s’est rapidement ouverte aux collaborations, notamment avec Adidas, dont elle a revisité l’une des paires de baskets emblématiques, puis avec le label scandinave Ganni avec qui elle a imaginé une collection féminine ultra rétro, et plus récemment avec la maison anglaise Mulberry pour une capsule de sacs. Mais pour chaque projet, la créatrice met un point d'honneur à s'associer à des enseignes dont elle partage les valeurs, comme un processus de création respectueux de l'environnement, des collections inclusives et des pièces durables.

Ahluwalia x Ganni Ahluwalia x Ganni
Ahluwalia x Ganni

Déjà plusieurs consécrations

 

 

La carrière de Priya Ahluwalia débute il y a seulement deux ans, lorsqu'elle a lancé son propre label. Mais dès 2019, la jeune femme remporte le H&M Design Award avec sa collection de fin d’études, qui mêle profusion de couleurs et esprit nineties à des matériaux recyclés et tissus durables. Très vite, tout s’enchaîne. Après avoir été nommée pour le prix LVMH 2020, elle est choisie par Alessandro Michele, directeur artistique de Gucci, pour prendre part au GucciFest, un festival de films de mode diffusé sur plusieurs plateformes numériques qui met notamment en avant quinze créateurs émergents. Tout comme ses confrères et consœurs, à l’instar du Français Charles de Vilmorin, du Britannique Stephan Cooke mais aussi de la chinoise Rui Zhou, la créatrice réalise dans le cadre de ce festival un court-métrage intitulé Joy, qui célèbre la beauté des différentes cultures africaines et la force des personnes noires à travers plusieurs portraits émouvants de poètes, activistes ou encore figures matriarcales. Dans ce film, elle présente aussi sa dernière collection en date, mêlant imprimés graphiques et contrastés tout droit sortis des années 90, polos et vestes à zip, pantalons et chemises à boutons en denim bleu clair. Plusieurs silhouettes féminines y apparaissent également, annonçant l'ouverture de la jeune femme vers le prêt-à-porter pour femmes. Une belle consécration pour une créatrice déjà considérée comme l'une des plus prometteuses de sa génération.