Au cœur de l’été dernier, le défilé haute couture automne-hiver 2019-2020 de Fendi avait des allures de manifeste. Pour cette collection baptisée The Dawn of Romanity [“L’aube de la romanité”], la directrice artistique Silvia Venturini Fendi avait investi un lieu romain mythique : à côté du mont Palatin, où étaient érigés les palais des empereurs, sur la colline de la Velia, se dresse le temple de Vénus et de Rome, le plus grand temple romain, édifié par l’empereur Hadrien. Le magnifique monument historique, dont la maison s’apprête aujourd’hui à entamer la restauration, servait de toile de fond, le 4 juillet dernier, au magistral défilé imaginé par Silvia Venturini Fendi, qui rendait également hommage, à cette occasion, à Karl Lagerfeld. Pour célébrer l’immense couturier disparu, 54 sihouettes s’élançaient au coucher du soleil, dans une ambiance cinématographique, intemporelle et comme suspendue – en écho aux 54 années de collaboration entre le maestro et la maison. Numéro a rencontré Silvia Venturini Fendi pour évoquer avec elle ce grand moment de poésie et les liens forts unissant Fendi à la ville de Rome.
Numéro : Aviez-vous initié le projet de ce magnifique défilé couture avec Karl Lagerfeld ?
Silvia Venturini Fendi : Nous avions évoqué ensemble l’idée de défiler à Rome... La dernière fois que nous nous sommes vus, il m’avait donné un livre sur plusieurs artistes qui faisaient partie de la Sécession viennoise. Pour créer la collection, je suis donc partie de cet ouvrage qui contenait des images de Gustav Klimt et de Josef Hoffmann... En regardant les travaux très graphiques de ce dernier, que je trouvais fascinants, je me suis dit aussi que je devais injecter quelque chose de moi, et de Rome, dans cette collection. Je me suis donc beaucoup inspirée de la technique de mosaïque dite “opus sectile”. Celle-ci était très présente dans les palais qu’avaient érigés les empereurs sur le mont Palatin, la colline qui domine toute la ville. Cela a été l’inspiration de cette collection, mais pas seulement cela. Je voulais rendre hommage à Karl Lagerfeld, et je devais donc puiser dans les archives de façon nouvelle, car il avait en horreur toute idée de rétrospective. Le point de départ a été une silhouette inspirée de celle de Karl, mais aussi des pièces iconiques de Fendi, comme la fameuse cape Astuccio, un des premiers modèles de fourrure réversible, qui a marqué un moment historique pour la maison. Ou encore la robe de Chalet, un des premiers dessins que Karl avait faits pour Fendi. Ailleurs, le décolleté d’un maillot de bain a donné naissance à une robe du soir. Mon inspiration était donc très libre. Je voulais exprimer l’idée d’une femme romaine, avec cette attitude si spécifique à Rome, cette façon de puiser dans des styles éclectiques.