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18 Le R’n’B sous ecstasy de Dua Saleh, repérée dans la saison 3 de Sex Education

Le R’n’B sous ecstasy de Dua Saleh, repérée dans la saison 3 de Sex Education

MUSIQUE

Figure queer puissante aux rimes assurées et assassines, coqueluche d’une nouvelle scène rap undergound américaine et d’une mouvance afrobeat post-Burna Boy… la musicienne détient, dans ses cordes vocales et dans ses gènes, la recette du R’n’B sous ecstasy. Celui qui fait transpirer tous ceux qui l’écoutent.

Déboulée sur Netflix mi-septembre, en uniforme d’écolier, tresses collées et skate sous le bras, Dua Saleh a directement titillé les fans de Sex Education, la série favorite des millenials. Elle fait alors ses premiers pas à l’écran dans la peau de Cal, un nouvel élève un peu paumé du lycée Moordale, le premier de toute la ribambelle à se revendiquer comme non-binaire. Comme son personnage, elle aussi est genderfluid [Dua Saleh se fait genrer au féminin ou au neutre] et vient de Minneapolis. Mais contrairement à lui, elle semble très bien savoir où elle veut aller : dans les bibliothèques musicales de tous les utilisateurs des plateformes de streaming. 

 

 

Dua Saleh, une artiste de 26 ans originaire du Soudan et basée dans le Minnesota, partage ses titres depuis 2019, date à laquelle elle a récolté une place in extremis dans le catalogue du média américain aussi craint que respecté Pitchfork. Et les notes qui lui ont été affublées – 6.9/10 pour la plus basse, 7.6/10 pour la plus haute – n’ont pas de quoi faire rougir celle qui, avec sa musique, marque du sceau de l’autorité un R’n’B US souvent trop mièvre. Telle une gifle devenue caresse, sa voix s'imprime dans la tête comme une réprimande débitée avec la sévérité rassurante de ceux qui vous aiment le plus. Sans aucune cruauté.

 

CROSSOVER, son troisième et dernier EP en date sorti sur le label indé AGAINST GIANTS, est de ces disques qui vous font pulser au rythme des gouttelettes qui suintent dans l’obscurité d’une grotte. En sept titres et vingt-trois minutes, la chanteuse s’engouffre dans l’antre d’une boîte techno, croise Grimes et Yolandi Visser (la moitié de Die Antwoord) quelque part dans la foule et finit par planer, dans un coin, avec fka twigs. Sorte de Rosalia sous ecstasy (ou qui assumerait d’en prendre), Dua Saleh s'impose comme une chimère venue hanter les fêtards encore debout au petit matin, ou, comme l’indique la pochette de l'opus, d’un hologramme qui se déforme, s’étirant et se tassant à l’infini. Figure queer puissante aux rimes assurées et assassines – “I can see the future through thе falcon on my shoulder”, chante-t-elle sur le titre Focal –, coqueluche d’une nouvelle scène rap undergound américaine (avec Chester Watson et Haleek Maul) et d’une mouvance afrobeat post-Burna Boy (avec Amaarae)… la musicienne détient, dans ses cordes vocales et dans ses gènes, la recette du R’n’B sous ecstasy. Celui qui fait transpirer tous ceux qui l’écoutent.

 

CROSSOVER (2021) de Dua Saleh, disponible.