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24 Rencontre avec Little Simz, la star introvertie du rap britannique

Rencontre avec Little Simz, la star introvertie du rap britannique

MUSIQUE

Originaire de Londres, la rappeuse Little Simz s’apprête à dévoiler son quatrième album, Sometimes I Might Be Introvert, un opus en forme d’opéra urbain qui mêle introspection et engagement politique. Une artiste de 27 ans en passe de devenir l’une des voix les plus puissantes de sa génération.

© Nwaka Okparaeke © Nwaka Okparaeke
© Nwaka Okparaeke

Kendrick Lamar la considère comme la meilleure rappeuse de sa génération. Sa musique, entre hip-hop orchestral et acid jazz, mêlée à un phrasé impeccable, s’ajoute à une plume acérée qui dépeint avec justesse les maux d’une vie ou ceux d’un peuple. À l’image de la poétesse Amanda Gorman, Little Simz est l’une de ces femmes qui, à la force des mots, bâtissent une culture sur les fondations d’un monde en proie à l’injustice. Le morceau Venom, extrait de son album Grey Area (2019), a ainsi pris la forme d’un hymne féministe sur TikTok. “Lorsque j’ai écrit Venom, je me suis dit que soit le morceau allait passer complètement inaperçu, soit qu’il allait éclairer quelque chose, explique-t-elle.

 

Pour tant, la rappeuse le précise dans Introvert : I’m not into politics.” (“Je ne suis pas dans la politique.”) Et si ses morceaux en prennent par fois la couleur, c’est parce qu’elle parle de ce qu’elle connaît. Car le pouvoir de la Londonienne réside dans la virtuosité d’une écriture à l’image d’un fleuve, qui s’épaissit au fil de son vécu. La jeune femme de 27 ans décrit, comme une “anthropologue”, l’état du monde : “Je parle des challenges que j’ai connus en tant que femme noire, mais aussi du monde tel que je le vois.” Dans le clip épique d’Introvert, Little Simz s’est alors employée à redistribuer les cartes, invitant le hip-hop dans le Muséum d’histoire naturelle de Londres. À travers cette fresque chorégraphiée où la danse se mêle à des images de manifestations pour la justice sociale, Little Simz se met en scène, comme happée par le chaos : “Je voulais montrer une sorte de renaissance, moi, introvertie, essayant de trouver un équilibre, noyée dans toute la folie du monde.

© Nwaka Okparaeke © Nwaka Okparaeke
© Nwaka Okparaeke

Car en réalité, le verbe tranchant de Little Simz est une arme qui lui permet de s’exprimer malgré une introversion marquée : Mon introversion est mon super-pouvoir. Elle ne me rend pas moins sûre de moi, au contraire… Je pense qu’il y a de la force dans la vulnérabilité”, confie-t-elle. Dans son dernier album, Sometimes I Might Be Introvert, c’est cette introversion même qu’elle a voulu explorer, celle qui lui permet de saisir toutes les subtilités de son environnement. Et pour mener à bien ce projet, elle s’est accompagnée d’une autre voix de sa génération : “Lorsque j’enregistrais, je regardais la dernière saison de The Crown, et j’ai été bluffée par la performance d’Emma Corrin, par sa voix et sa façon de délivrer un message fort.” C’est donc l’actrice de 25 ans qui énonce, de sa voix claire, les interludes en prose écrits par la rappeuse, et en sublime la dramaturgie. Dans la quatrième saison de la série britannique, Emma Corrin incarnait la princesse Diana, qui, tout comme Little Simz, portait en elle l’ambivalence sublime d’une femme que sa sensibilité à fleur de peau avait transformée, malgré elle, en icône politique.

 

Sometimes I Might Be Introvert [AWAL Recordings] de Little Simz, disponible.