Sa petite amie est alors le principal contact entre son appartement de Montrouge et le monde extérieur. Elle, et certains auteurs trouvent une résonance particulière dans l'imaginaire du compositeur. « J'ai beaucoup lu Philip K. Dick, qui est un auteur de science fiction. J'ai été très inspiré par sa représentation d'un monde illusoire, où chacun semble être drogué pour éviter de voir la vérité en face.» Le roman graphique Black Hole de l'américain Charles Burns attire également son attention. « Le personnage principal mis en scène par l'auteur est à moitié dans le coma, entre le rêve et la réalité. C'est assez proche du propos de “Bien Réel”, qui est un morceau nébuleux aux sonorités électroniques. Et c'est aussi une métaphore de mon état au moment d'écrire l'album. Il s'est passé quelque chose avec ces auteurs, le lien qui me reliait à eux était presque palpable alors que j'étais complètement immergé dans le processus de création. » A la fin de ce travail de longue haleine, le Québécois dit être allé si loin dans la solitude qu'il avait peur « de ne plus en revenir».
Composition, écriture, interprétation, production... “Noir Eden” porte d'ailleurs sa patte à tous les niveaux. Un désir de contrôle presque irrépressible ? « Il est clair que je suis un vrai control freak. Mais cet album a complètement changé ma perception du rôle que j'avais à jouer – j'ai décidé d'en faire mon bateau, que je devais moi-même mener à bon port. J'aimais l'idée d'avoir une production presque « artisanale » pour au final la transposer dans des gros studios lors que l'enregistrement final. » Et au-délà de l'aspect technique, c'est le propos du disque lui-même qu'il veut alors préserver. « Le fil narratif était très important pour moi et je ne voulais pas trahir cette vision, cette continuité pour en faire une collection de chansons trop polissées. Avec la force des forces, j'avais peur qu'une production extérieure ne trahisse mon intention de départ. » Pari réussi puisque “Noir Eden” est l'ovni sublime, entre clarté et obscurité, dont la pop francophone avait besoin.