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25 Porches, le cool kid new-yorkais qui fait du rock sous Xanax

Porches, le cool kid new-yorkais qui fait du rock sous Xanax

MUSIQUE

Avec son dernier album All Day Gentle Hold !, sorti en octobre 2021 chez Domino, le musicien new-yorkais Porches livre un rock sous Xanax, une musique joyeuse qui raconte la délectation, la jouissance et béatitude. Rencontre avec un cool kid dont l'attitude désinvolte pourrait se résumer à l'inscription sur son bracelet en perles “Porches sucks” (“Porches craint”). 

Le musicien américain Porches par Jason Nocito Le musicien américain Porches par Jason Nocito
Le musicien américain Porches par Jason Nocito

En 2005, Gus Van Sant filmait les derniers jours d’un Kurt Cobain seul et défoncé dans Last Days. Il erre dans une immense baraque au milieu des bois, chante seul, allongé sur un tapis persan, entre un ampli, une batterie et ses cymbales tombées au sol. C’est un peu dans le même décor, le côté morbide en moins, que Porches, musicien new-yorkais d’une trentaine d’années, fan de grunge, a tourné son clip Lately. Il propulse sa guitariste et son batteur sexagénaire dans une bâtisse qu’on croirait tout droit sortie du Midwest de Fargo, bondit dans un salon dont la décoration feint le mauvais goût, jusqu’à finir étendu sur le sol, entre extase et épuisement. Ainsi on pourrait qualifier la musique d’All Day Gentle Hold !, son dernier et sixième album : délectation, jouissance, béatitude. Un son qui, comme il le scande dans sa chanson Okay, nous fait nous dire :“Je vais bien, je vais bien, je vais bien. Tellement bien que c’est presque trop”. 

 

Assis au fond d’une brasserie parisienne, jambes croisées et regard dans le vide, le cool kid new-yorkais de passage dans la capitale française pour la première fois, avec sa petite amie, ne nous contredit pas. “J’ai commencé la musique par l’apprentissage de la guitare et de la batterie. En pleine pandémie, alors que j’étais en isolement, je me suis dit que je voulais y revenir : c’était enfin le moment d’explorer des choses familières. Cet album est donc une combinaison de mon éducation musicale et de ce que je fais d’habitude, avec beaucoup de synthés et de boîtes à rythme. Il fallait que ce soit lumineux, parce que j’étais vraiment bien. Et le résultat est là : c’est le disque le plus joyeux que j’aie jamais fait.” Il nous avait en effet habitués, depuis la sortie, en 2013, de son premier album Slow Dance in the Cosmos, ainsi que sur ses quatre autres opus, à un son froid, traduisant une angoisse qu’il avait manifestement du mal à maîtriser. Comme si Kurt Cobain était tombé, dans les années 2010, accro aux synthés. Aujourd’hui, la musique de Porches a mué : des guitares, beaucoup de batterie et toujours cette voix lancinante et distordue qui semble préoccupée à définir celui qui la possède. Qu’elle y parvienne ou pas, elle a conservé son sens de l’esquive, son flottement et son romantisme. Heureusement, elle a mis de côté sa déprime pour gagner en chaleur. 

Avec All Day Gentle Hold !, Aaron Maine, de son vrai nom, nous sert donc du My Bloody Valentine sous Xanax. Manifestement guéri de ses chagrins d’amour – il a, un temps, partagé la vie de la mannequin et musicienne Okay Kaya –, le musicien obsédé, depuis son deuxième album, par la production, a composé ce dernier disque entièrement seul dans sa chambre. Là, il est parvenu à enregistrer un son qu’on croirait sorti d’un live et livre une pop qui ferait gronder les basses d’un festival. On est bien loin de de la musique guillerette d’Harry Styles –  dont il a d’ailleurs repris le titre Adore You. La pop de Porches évoque d’ailleurs plus The Strokes que Fleetwood Mac. Et ce n’est pas un hasard. Né, élevé et résidant à New York, le chanteur, qui n’a d'ailleurs jamais quitté cet État, semble avoir la Grosse Pomme dans le sang. C’est là qu’il y a dix ans, à 21 ans, il a choisi son nom de scène, Porches, simplement parce qu’il était trop occupé à traîner sous des porches dans le comté de Westchester. Là aussi qu’il a commencé, adolescent, à peindre, à faire du skateboard et de la musique. “Dans mon quartier, il y avait les joueurs de football, les cheerleaders et nous, les bizarres. Ceux qui faisaient de l'art. On était une communauté et tous ensemble on écoutait Radiohead”, se remémore-t-il. 

 

Plus tard, viendront les premières sessions de musique dans le sous-sol de la maison familiale, jusqu’à ce que sa mère kinésithérapeute divorce de son père peintre en bâtiment. Aaron Maine s’installe dans un appartement dans un quartier branché new-yorkais et donne des concerts sauvages dans des églises, dans des galeries, dans la rue… un peu n’importe où en fait. “J’avais ce genre d'attitude punk : se montrer n'importe où avec n’importe qui. Idem pour ma première tournée. J'ai envoyé quelques mails depuis mon ordinateur où je disais : ‘Je fais de la musique avec mon groupe. C'est disponible sur Bandcamp, on peut jouer ?’” Porches s’est lancé sans aucune connaissance du métier. Sans savoir, non plus, comment faire d’une chanson un succès. C’est pourtant ce qui s’est produit à la sortie d’Underwater (2016), titre qui l’a fait connaître sur la scène internationale. Depuis, il traîne avec Blood Orange – à qui il a d’ailleurs prêté ses traits pour le clip d’Augustine – et cultive une image de cool kid new yorkais : un musicien désinvolte qui compose, produit, chante et joue à peu près de tous les instruments. Son attitude pourrait se résumer à l'inscription sur son bracelet en perles “Porches sucks” (“Porches craint”). 

 

All Day Gentle Hold ! (2021), de Porches [Domino], disponible.

https://smarturl.it/AllDayGentleHold

En concert à la Maroquinerie le 16 mai 2022.