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Numéro
14 Gucci Cosmos exposition Londres

Gucci Cosmos : l'incroyable exposition qui nous plonge au cœur de l'ADN de la maison

Numéro art

Gucci propose à Londres une exposition flamboyante et immersive nous plongeant au cœur de son histoire légendaire et de ses créations emblématiques. Entre cabinet des merveilles, carrousel de réalisations iconiques et fantasmagories équestres et végétales... Gucci Cosmos nous plonge dans l'ADN de la maison et dévoile quelques pistes pour son avenir.

L'exposition Gucci Cosmos au 180 The Strand à Londres. L'exposition Gucci Cosmos au 180 The Strand à Londres.
L'exposition Gucci Cosmos au 180 The Strand à Londres.

En 1897, le jeune Guccio Gucci est encore loin d’imaginer le destin qui l’attend (il ne fondera Gucci qu’en 1921). À 16 ans à peine, le jeune Italien a quitté sa Toscane natale pour les lumières de Londres. Le voilà liftier au Savoy, l’un des hôtels les plus en vue de la ville et surtout le premier à s’être équipé d’un ascenseur électrique. Mais la montée jusqu’au dernier étage est longue… sept minutes qui paraissent interminables et qui vont façonner sa vie. Guccio Gucci, enfermé avec les grands de ce monde dans cet espace intime, exposé à leurs bagages, leurs toilettes, leurs parfums, apprivoise pendant ces longues minutes les besoins et les codes du luxe de l’époque. C’est dans ce lieu propice à la claustrophobie –  au point que le propriétaire du Savoy est obligé de le décorer en rouge, comme un petit théâtre, pour le rendre acceptable à une clientèle peu habituée à être enfermée (un premier cas de marketing environnemental)  – que le jeune homme se met à rêver. La “salle ascendante” (on ne l’appelle pas encore ascenseur), laquée de rouge, l’élève vers les hauteurs de la création et de l’imagination. Si Gucci a été fondé à Florence, avec une première boutique spécialisée dans la maroquinerie, la maison serait, en réalité, née dans un esprit stimulé par ce petit théâtre rouge et baroque londonien s’élevant vers le ciel, ou du moins jusqu’au dernier étage du Savoy. C’est en tout cas le mythe fondateur mis en scène par l’artiste Es Devlin et la curatrice Maria Luisa Frisa pour l’exposition Gucci Cosmos à Londres. Le hall du Savoy et son iconique marbre noir et blanc ont été méticuleusement recréés dans l’entrée du 180 The Strand qui accueille l’événement. Tout comme son “Ascending room” tout de rouge vêtue (l’original se visite encore au Savoy, à quelques mètres de là).

L'ascenseur mythique de l'hôtel Savoy reproduit pour l'exposition Gucci Cosmos à Londres. L'ascenseur mythique de l'hôtel Savoy reproduit pour l'exposition Gucci Cosmos à Londres.
L'ascenseur mythique de l'hôtel Savoy reproduit pour l'exposition Gucci Cosmos à Londres.
Les archives de la maison Gucci reproduite à Londres pour présenter les sacs iconiques de la maison. Les archives de la maison Gucci reproduite à Londres pour présenter les sacs iconiques de la maison.
Les archives de la maison Gucci reproduite à Londres pour présenter les sacs iconiques de la maison.

Gucci Cosmos n’a pourtant rien d’un voyage nostalgique vers un passé révolu. Au contraire, l’exposition répond à une question très actuelle : comment une maison centenaire, qui vient de tourner une page importante de son histoire avec le départ d’Alessandro Michele et l’arrivée de Sabato De Sarno à la direction de la création, se projette-t-elle dans le futur  ? Quelles sont les histoires que Gucci a envie de raconter et de partager ? Pour résumer : qu’est-ce que Gucci en 2023 ? Pour résoudre l’équation, il fallait bien sûr un mythe fondateur, un personnage légendaire, Guccio Gucci, mais aussi quelques lignes narratives claires, ancrées dans son histoire. La plus évidente, et la première mise en valeur dans l’exposition, est celle de la bagagerie et de la maroquinerie. En 2023, le point d’entrée dans l’histoire de Gucci est un luxe symbolisé par des malles, des bagages et des sacs exquis (à l’image de ceux que Guccio Gucci prenait en charge dans l’ascenseur du Savoy). La maison a une légitimité historique sur ce terrain et ne compte pas se laisser intimider par la concurrence. D’impressionnantes installations circulaires sont là pour rappeler la créativité et le savoir-faire de la maison dans ce domaine. On y trouve l’une des premières valises conçues par Guccio Gucci à la fin des années 1920, aux côtés, bien sûr, de la fameuse toile imprimée GG créée, dans les années 60, par Aldo Gucci en hommage à son père, sans oublier de plus récentes réinterprétations de celle-ci telle la collaboration avec Disney de la collection Épilogue (2020) d’Alessandro Michele. 

 

Au cœur de l’exposition, la scénographie d’Es Devlin a également recréé les archives de Gucci à Florence, pour y déployer les sacs les plus emblématiques de la maison. Ce labyrinthe fantasmagorique tapissé d’une multitude de tiroirs sublime les classiques intemporels  : le Bamboo 1947, le Horsebit 1955, le Jackie 1961 ou encore le Gucci Diana. En son centre, un “Cabinet des merveilles”, véritable cube monolithique recouvert de laque rouge, déploie ses tiroirs en tournant sur lui-même pour dévoiler l’étendue des créations de la maison : un look porté par Harry Styles à Coachella, un bustier en cuir noir de Tom Ford (2021), une robe de soirée dorée de Frida Giannini (2006), un sac en cuir punk à pointes de métal d’Alessandro Michele (2019), de sublimes bijoux de la récente collection de Sabato De Sarno…

Quelques créations iconiques de la maison Gucci présentées à Londres. Quelques créations iconiques de la maison Gucci présentées à Londres.
Quelques créations iconiques de la maison Gucci présentées à Londres.
L'univers équestre au sein de l'exposition Gucci Cosmos à Londres. L'univers équestre au sein de l'exposition Gucci Cosmos à Londres.
L'univers équestre au sein de l'exposition Gucci Cosmos à Londres.

L’exposition refuse la segmentation chronologique, entremêlant toutes les périodes et tous les créateurs. Ce faisant, elle n’accorde aucune primauté à une période donnée, et donc à un créateur star, et affirme au contraire une maison Gucci éternelle inspirant les designers passagers qui se nourrissent de son esprit pour l’actualiser. “Les archives de la maison forment un compost pour les créateurs”, explique en d’autres mots Maria Luisa Frisa, la curatrice de l’exposition. Il sera donc moins question ici du style singulier de Tom Ford, de Frida Giannini ou d’Alessandro Michele (même s’ils sont bien présents) que de la manière dont tous et toutes ont puisé et adapté à leur époque un répertoire de formes et une grammaire stylistique originelle. Les deux salles consacrées aux univers équestre et végétal en offrent une très belle démonstration. En 1953, Aldo Gucci introduit le horsebit (mors de bride métallique) sur un mocassin emblématique, ainsi que la “bande Web” rayée vert et rouge, inspirée de la sangle en toile qui maintient la selle d’un cheval en place. On retrouve ces symboles équestres sur une ceinture datant des années 60, une robe en laine des années 70, mais aussi sur une jupe-culotte en cuir transposant le motif Web en all-over, issue de la première collection de Sabato De Sarno. Le foulard en soie créé pour la princesse de Monaco, à partir d’une image de plante et de faune commandée à l’illustrateur Vittorio Accornero de Testa, va, lui, s’imposer comme une icône de la maison. Il deviendra le leitmotiv d’une collection de 1981, avant d’être réinterprété par Tom Ford, Alessandro Michele et Sabato De Sarno

L'inspiration végétale au sein de l'exposition Gucci Cosmos à Londres. L'inspiration végétale au sein de l'exposition Gucci Cosmos à Londres.
L'inspiration végétale au sein de l'exposition Gucci Cosmos à Londres.

Dans une salle monumentale, deux impressionnantes statues blanches de 10 mètres de hauteur planent au-dessus du sol, couchées sur le côté. Une projection d’images de costumes alternativement masculins et féminins vient les habiller et rappeler la croyance pionnière de la maison dans la mode unisexe et la fluidité des genres. “Beaucoup de gens ont attribué cette fluidité à Alessandro Michele”, rappelle le critique Alexander Fury invité à prendre la parole lors de l’inauguration. “Mais elle préexistait chez Tom Ford et d’autres créateurs de la maison.” Et la commissaire Maria Luisa Frisa d’enfoncer le clou : “Gucci n’est pas qu’une maison traditionnelle et patrimoniale. Tout au long de son histoire, elle a participé à bousculer l’époque, à changer nos modes de vie et notre perception du corps. Pensez juste aux loafers Gucci imaginés en 1953. Ils se portaient sans chaussettes, ce qui, à l’époque, ne se faisait pas. Ils ont changé notre vision de ce que pouvait être la masculinité – plus sexy – et la manière de porter des chaussures.

 

Pour son final, Gucci Cosmos a choisi de célébrer son nouveau directeur de création, Sabato De Sarno, avec une impressionnante salle rougeoyante, imaginée en écho au fameux ascenseur rouge des débuts comme au rouge Ancora dévoilé par le designer et nouvelle signature de la maison. En son centre, une vaste structure entre miroirs et transparence accueille des projections vidéo qui nous plongent dans l’esprit présidant à sa première collection… Ancora. Ancora ou “à nouveau”, “encore”, “une fois de plus” en bon français. L’esprit Gucci tient-il du Saint-Esprit s’incarnant dans l’époque, encore et encore, à travers des créateurs, Madone ou Christ  ? La maison n’est pas italienne pour rien.

 

Gucci Cosmos, 180 Studios, 180 The Strand, Londres. Jusqu'au 31 décembre.

La salle Ancora consacrée à la première collection de Sabato De Sarno. La salle Ancora consacrée à la première collection de Sabato De Sarno.
La salle Ancora consacrée à la première collection de Sabato De Sarno.
Gucci Cosmos : l'incroyable exposition qui nous plonge au cœur de l'ADN de la maison Gucci Cosmos : l'incroyable exposition qui nous plonge au cœur de l'ADN de la maison