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Numéro
08 Jean-Vincent Simonet, Paris Photo, Curiosa

Paris Photo : Jean-Vincent Simonet, le photographe qui érode l'image à la manière d'un peintre

Numéro art

Jeune photographe français, Jean-Vincent Simonet fait de son imprimerie familiale le sujet de sa dernière série Heirloom, comme une mise en abyme pour mieux disséquer la matière et questionner l’aura des images. Ce projet sera présenté dans le secteur Curiosa de la foire Paris Photo, du 10 au 13 novembre prochains.

Jean-Vincent Simonet photographié dans l'imprimerie familiale, qui lui a inspiré sa nouvelle série "Heirloom". © Léa Besanceney Jean-Vincent Simonet photographié dans l'imprimerie familiale, qui lui a inspiré sa nouvelle série "Heirloom". © Léa Besanceney
Jean-Vincent Simonet photographié dans l'imprimerie familiale, qui lui a inspiré sa nouvelle série "Heirloom". © Léa Besanceney

Face à l'afflux, l'abondance mais aussi la désincarnation de l'image au 20e siècle, Jean-Vincent Simonet est de ceux qui tentent de lui redonner son aura et sa plasticité. Avec leurs couleurs hallucinées, leurs formes liquides et leurs contours mouvants, les clichés de ce jeune Français adoptent une apparence résolument picturale : les architectures urbaines s’y dissolvent dans les ciels fantasmagoriques éclairés par les lumières de la ville, les pétales des fleurs figées par l’appareil deviennent des taches liquides dégoulinant les unes sur les autres, les corps dénudés s’approchent davantage du cyborg ou de la poupée que de l’humain avec leurs reflets et leurs tonalités surnaturels, tandis que les machines industrielles se voient presque réduites à l’abstraction par leurs composantes brouillées et contrastées... Autant de sujets transposés dans un monde régi par des tensions visuelles inédites, où l’artiste de 31 ans défie les poncifs d’un médium désacralisé.

© Léa Besanceney © Léa Besanceney
© Léa Besanceney

Si l’intérêt graphique de Jean-Vincent Simonet se développe dès son jeune âge, l’Isérois d’origine préfère très tôt l’appareil photo au crayon ou au pinceau. Par son immédiateté, la photographie lui apparaît comme le support idéal de sa créativité, d’autant plus lorsqu’il découvre les infinies possibilités de transformation numérique offertes par Photoshop. Durant ses études en Suisse à la prestigieuse ÉCAL, toutefois, l’homme se sent rapidement limité par son médium... jusqu’au jour où il insère à l’envers un papier photo dans une imprimante. Qu’elle soit argentique ou numérique, la prise de vue ne devient alors pour lui que la première étape d’un long processus de traitement de l’image qu’il qualifie de “destructif”, détournant le cliché original dans ses modes d’apparition physique. 

Paris Photo : Jean-Vincent Simonet, le photographe qui érode l'image à la manière d'un peintre Paris Photo : Jean-Vincent Simonet, le photographe qui érode l'image à la manière d'un peintre

Lorsque mes photos passent a l’impression, elles se réveillent.”

 

Avec les machines professionnelles de l’imprimerie de son père, à Bourgoin-Jallieu, il expérimente en tirant ses photographies au jet d’encre sur des feuilles en plastique et non en papier, ce qui entrave leur séchage. Sur leur surface, le jeune homme retravaille au doigt les gouttelettes encore fraîches, contrôle l’écoulement de l’encre, puis plonge les tirages dans des bains d’eau et d’huile avant de les faire sécher, mettant au point toute une palette d’outils qui, selon ses mots, “piratent et contaminent l’image par la soustraction de matière”. L’artiste ajoute : “Lorsque mes photos passent a l’impression, elles se réveillent. C’est ce moment d’érosion que je recherche.”

© Léa Besanceney © Léa Besanceney
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Fasciné par les jeux vidéo d’action tels qu’Elden Ring et les films d’animation japonais Akira et Ghost in the Shell, Jean-Vincent Simonet cherche par ses procédés à retranscrire la dimension fantastique de la science-fiction dans l’image. Foisonnement de couleurs vives et vénéneuses, saturation visuelle, visages énigmatiques et lumières nocturnes traversent In Bloom, une série d’images presque oniriques, immergeant le spectateur dans un Japon aux portes du réel.

 

Son projet suivant, Waterworks, interroge encore davantage la reproductibilité de l’image : l’artiste imprimera en plusieurs exemplaires une même sélection de 66 clichés – portraits, nus, fleurs... – en modifiant sans cesse le traitement des tirages.

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En 2021, alors qu’il passe tout son été dans l’imprimerie de son père pour avancer ses projets, Jean-Vincent Simonet décide de faire de ce décor le sujet d’une nouvelle série, Heirloom. Imprégné par l’histoire familiale et les souvenirs d’enfance du jeune homme, l’établissement révèle sous son objectif toute sa dimension poétique : gros plans sur des intérieurs de machines ou des outils, vues de rouleaux de papier envahissant l’espace, ou d’étiquettes accumulées sur des bureaux... “Les machines à l’arrêt sont comme des bêtes qui dorment”, confie le photographe qui a réalisé la majorité de ces clichés de nuit, moment où les employés de l’imprimerie sont absents. S’écartant de l’esthétique pop dans laquelle il avait commencé à inscrire son travail, ce projet apporte une certaine douceur à la froideur habituellement corrélée à l’univers industriel par l’altération des couleurs et la fusion toujours plus picturale des contours, devenues sa signature.

 

 

Jean-Vincent Simonet présente sa série Heirloom dans le secteur Curiosa de la foire Paris Photo, secteur Curiosa, du 10 au 13 novembre 2022 au Grand Palais Éphémère, Paris 7e.