47


Commandez-le
Numéro
07 Le jour où une œuvre de Damien Hirst a fini à la poubelle

Le jour où une œuvre de Damien Hirst a fini à la poubelle

Numéro art

Connu pour ses sculptures et installations provocantes et kitsch parcourant volontiers les thèmes de la mort, la science ou encore la religion, Damien Hirst est aujourd'hui l'un des artistes contemporains les plus célèbres et les plus chers du marché. Un statut qui n'a pas empêché à l'artiste britannique de voir, en 2001, l'une de ses œuvres jetée par erreur à la poubelle. 

Damien Hirst par David Bailey. Damien Hirst par David Bailey.
Damien Hirst par David Bailey.

Si de nombreux artistes ont su transformer les ordures en trésor, Damien Hirst a fait de ce pouvoir l'un des fondements de sa pratique. Dès ses débuts tapageurs en 1991, l’artiste britannique – désormais l’un des plus chers du marché de l’art contemporain – se fait remarquer pour ses nombreux détournements et mises en scène macabres et kitsch d’objets existants. De ses célèbres cadavres d’animaux plongés dans des bassins de formol à ses toiles monochromes composées de centaines de mouches mortes, en passant par son cendrier géant ou ses installations de médicaments, mégots et produits d’entretien dans des étagères vitrées, le plasticien opère dans ses œuvres une véritable transfiguration du banal en mêlant le sacré et le profane, et bouscule parfois les spectateurs jusqu’à l’écœurement.

 

Mais le 19 octobre 2001, le talent exceptionnel de Damien Hirst semble finalement se jouer de lui. Lorsque la veille, l’artiste inaugure une nouvelle exposition personnelle à la Eyestorm Gallery, dans le nord de Londres, les restes des festivités du vernissage lui inspirent une œuvre improvisée. Dès le soir-même, le Britannique assemble devant la vitrine de la galerie cannettes de bières, cendrier et mégots, tubes de peintures, gobelets de café, papier journal ou encore verres de vin à moitié pleins et propose une nouvelle installation sans titre, qui ouvre désormais son exposition avec pignon sur rue. Mais le lendemain matin de cette session de création nocturne, les propriétaires de la galerie ont la surprise de découvrir la disparition de l’œuvre, qu’ils retrouveront quelques mètres plus loin intégralement jetée à la poubelle. Passé quelques temps auparavant pour nettoyer l’espace d’exposition, un agent d’entretien a en effet vu dans cette installation le désordre laissé par le vernissage et ainsi décidé de s’en débarrasser. Interrogé par le quotidien britannique The Sun à l’époque, l’homme se confie : “Je n’ai pas pensé une seule seconde que c’était une œuvre d’art – cela ne ressemblait pas beaucoup à de l’art pour moi. Donc j’ai tout mis dans des sacs poubelles que j’ai jetés ensuite.”

 

Par chance, les galeristes avaient eu le temps de prendre quelques photographies de l’œuvre avant sa destruction fortuite. Exhumant toutes ses composantes des sacs poubelles, ils parviennent à recomposer l’installation telle que l’artiste l’avait mise en place, en y ajoutant la pancarte “Keep Off” (“Ne pas s’approcher”). Alors que l’anecdote amuse beaucoup l’artiste à l’époque, des faits similaires se produiront à plusieurs reprises à l’avenir. En 2004, c’est un sac poubelle rempli de papier et de carton faisant partie d'une œuvre de l’artiste allemand Gustav Metzger dont un employé de la Tate Britain débarrasse la salle, pensant qu’il s’agissait là des déchets de l’accrochage, tandis que dix ans plus tard, une sculpture de l’Américain Paul Branca connaît un sort analogue dans une galerie italienne.