Frivole, futile, superficielle... bien trop souvent, la mode se voit rabaissée par une série de qualificatifs peu reluisants qui négligent aussi bien son importance que ses enjeux. Au-delà de ses caractéristiques fonctionnelles (protéger le corps) et économiques (1,54 milliard d’euros en France en 2021 d'après l'Institut français de la mode), la mode possède un aspect sociologique essentiel dans la construction des identités et des groupes sociaux, ainsi qu’une dimension artistique évidente, servant alors de catalyseur à l’art contemporain, au cinéma ou à la musique. Le mépris dont souffre la mode depuis des siècles s'illustre dans le peu d’ouvrages et d’études universitaires consacré au sujet. C’est ce que souligne la journaliste et autrice Mélody Thomas dans l’introduction de son livre La Mode est politique, sorti il y a quelques jours. Certes, il existe de nombreux livres d’histoire de la mode qui panthéonisent les grands couturiers et créateurs que sont Gabrielle Chanel, Thierry Mugler, Azzedine Alaïa ou Karl Lagerfeld ou alors des petits guides de style aux titres évocateurs très agaçants, avec en tête, La Parisienne d’Inès de La Fressange, qui abondent de conseils et astuces prétendûment universalistes. Mais jusqu’à présent, peu d’ouvrages sont parvenus à interroger avec justesse les enjeux de cette industrie dont les mutations incessantes impactent chacun d’entre nous.
À la fois didactique et inclusif, La Mode est politique de Mélody Thomas décrypte avec justesse et une touche d’humour vingt-sept mots qui font l’actualité de la mode, questionnant au passage son histoire et la place de la femme, sans pour autant prétendre à aucune revendication. Construit sous forme de courts essais, émaillés d’exemples parfois drôles souvent pertinents, ce lexique réussit le pari d’être aussi accessible qu’essentiel, décryptant des mouvements comme l’âgisme (la discrimination reposant sur l’âge), et le body positive, qui lutte contre le culte du corps mince, ou encore Black Models Matter, contre les discriminations subies par les mannequins noires. Certains sujets qui ont fait polémique ces dernières années comme l’appropriation culturelle, les vêtements républicains ou Me Too trouvent naturellement leur place mettant en lumière une société occidentale qui a bien du mal à se défaire de son passé colonial et patriarcal. Enfin, en apportant contexte et définition aux tristement célèbres “camel toe” et “fashion victim”, Mélody Thomas pointe du doigt l’oppression pesant sur les femmes quant à leur apparence. Sans aucun doute, son ouvrage La Mode est politique trouvera naturellement sa place dans les bibliothèques de celle et ceux qui souhaitent enfin comprendre les enjeux de la mode contemporaine pour avancer vers un futur plus inclusif et tolérant.
La Mode est politique de Mélody Thomas. 288 pages, 22,50€. Disponible en librairie et sur fnac.com
