Rencontre avec Nina Christen, géniale créatrice des chaussures Bottega Veneta et Loewe

La marque de cuir At. Kollektive invite Nina Christen pour sa troisième collection

Lancé il y a tout juste un an, At.Kollektive s’est imposé comme un label précurseur en proposant chaque saison une série de collaborations exclusives avec des designers émergents ou établis. Derrière ce projet collaboratif ambitieux, on retrouve ECCO Leather (groupe danois spécialisé dans le travail du cuir), qui met à la disposition des créateurs invités son savoir-faire en matière de cuir pour développer des mini-collections de prêt-à-porter et d'accessoires.

À une époque où l’industrie de la mode est pointée du doigt pour son manque d’engagement dans le domaine de l’éco-responsabilité, At.Kollektive promet de lutter contre la surconsommation avec ces pièces d’exception qui redonnent à la notion de luxe ses lettres de noblesse. Après deux premières éditions At. Kollektive marquées par la présence de Natacha Ramsay-Levi et Bianca Saunders, cette troisième saison donne la parole au créateur américain Peter Do (récemment nommé chez Helmut Lang), au créateur bulgare Kiko Kostanidov (Mackintosh), à l'architecte et artiste néerlandais Anne Holtrop et, enfin, à la designer de chaussures Nina Christen.

Si le nom de cette dernière est encore confidentiel, ses créations ont, quant à elles, marqué l’histoire de la mode. C’est à la visionnaire designer suisse que l’on doit l’intégralité des collections de chaussures Bottega Veneta, sous la direction artistique de Daniel Lee (2018-2021). Depuis, la diplômée de l’IFM passée chez Yves Saint Laurent (période Stéfano Pilati) puis Celine (avec Phoebe Philo), officie pour Loewe. Dernier succès en date ? Les fameuses chaussures ballons du défilé Loewe printemps-été 2023, devenues virales dès leur présentation à l'automne dernier.

Citant Helmut Lang et Miuccia Prada parmi les créateurs qui l’inspirent, Nina Christen fait preuve d’une audace et d’une impertinence proches de ses deux modèles lorsqu'il s’agit de concevoir des chaussures. Ainsi, pour At.Kollektive, elle imagine des sneakers et ballerines dont l’esthétique avant-gardiste exalte le savoir-faire d’ECCO Leather. À l’occasion de la Fashion Week à Paris, Numéro a rencontré cette créatrice de mode à suivre de près.

Interview de Nina Christen, shoe designer pour Bottega Veneta et Loewe

Numéro : Comment est née votre passion pour les chaussures ?

Nina Christen : J'ai toujours été obsédée par les chaussures. Quand j’étais jeune, je regardais les magazines de mode et admirais des chaussures que je ne pouvais pas m’acheter car elles étaient trop chères. Mais j’achetais plein de sacs et des chaussures vintage quand je faisais les brocantes avec ma grand-mère.

Quand vous étiez chez Bottega Veneta, chaque modèle de chaussures est immédiatement devenu culte. Qu’avez-vous ressenti face à ce succès commercial exceptionnel ?

Ça me fait énormément plaisir parce que j'ai vraiment étudié la chaussure en profondeur, autant d'un point de vue stylistique, que technique. Lors de mes débuts chez Bottega Veneta, on me disait souvent : “Le volume est trop imposant, ça ne va pas, personne ne va acheter ça...” Alors que je trouvais la chaussure magnifique ! Évidemment, que finalement les clients approuvent mes idées m’a beaucoup rassurée en tant que designer.

Quelle est votre paire de chaussures Bottega Veneta préférée ?

La mule Lido et la mule Twist, les deux premières paires de chaussures en Intrecciato [méthode de tressage de bandelettes de cuir devenue la signature de Bottega Veneta] de la maison. Elles font partie de mes chaussures préférées de tous les temps, car elles sont extrêmement compliquées techniquement et nécessitent beaucoup de travail manuel, dont on ne se doute pas forcément à première vue. Leur fabrication résulte de la combinaison de plusieurs machines qui n’avaient jamais été utilisées ensemble jusqu'alors.

Ces chaussures sont très innovantes, dans le sens technique du terme.

Oui, c’est d'ailleurs pour cela que personne n’a réussi les copier. C’est impossible sans connaître les savoir-faire mobilisés pour leur fabrication.

En 2022, vous avez rejoint Jonathan Anderson chez Loewe. Qu’appréciez-vous dans le fait de collaborer avec des créateurs si différents ?

C’est justement ce que je trouvais intéressant. Je pourrais vraiment travailler pour n’importe quelle maison tant que je peux approfondir et explorer au maximum son ADN. J'ai vraiment développé ma propre identité dans le segment de la chaussure et aujourd’hui c’est davantage la maison qui m’accueille que l'inverse. Évidemment, il s’agit toujours d’une collaboration, mais j’ai beaucoup de liberté, ce que j’apprécie énormément.