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Numéro
09

Paris Photo 2023 : 7 femmes qui électrisent la photographie

PHOTOGRAPHIE

Alors que la 26e édition de Paris Photo bat son plein au Grand Palais Ephémère, le parcours Elles x Paris Photo invite, comme chaque année depuis 2018, à s'arrêter sur les œuvres de quarante femmes photographes présentées de part et d'autre de la foire. Focus sur sept d'entre elles.

  • Hoda Afshar, "Untitled #9 (from In Turn series)".

  • Hoda Afshar, "Untitled #7 (from In Turn series)".

  • Hoda Afshar, "Untitled #6 (from In Turn series)".

  • Hoda Afshar, "Untitled #2 (from In Turn series)".

  • Hoda Afshar, "Untitled #4 (from In Turn series)".

© Courtesy of the artist and Milani Gallery, Meeanjin / Brisbane. Commissioned by the Art Gallery of New South Wales for the exhibition ‘Hoda Afshar: A Curve is a Broken Line’, 2023.

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1. Hoda Afshar

 

En septembre 2022, Mahsa Amine, une jeune étudiante téhéranienne de 22 ans, décède en garde à vue après avoir été arrêtée par la police iranienne pour avoir “mal porté” son voile. La nouvelle se diffuse en Iran comme une onde de choc et de nombreuses manifestations s’organisent dans le pays à mesure qu'une vague féministe semble se lever. À l’image des longues chevelures brunes au centre des photographies réalisées par l'Iranienne Hoda Afshar (née en 1983), les citoyennes du pays se réunissent lors d’actions symboliques et dévoilent leurs cheveux en signe de protestation, les coupant ou se les tressant entre elles afin d'exprimer leur solidarité. Loin de l’agitation violente qui a secoué les rues de Téhéran il y a plus d’un an, les clichés d’Hoda Afshar dessinent quant à eux un environnement apaisé, devant un grand ciel bleu et dégagé. Toutes habillées de noir, les jeunes femmes qui les peuplent restent anonymes, posant de dos ou de côté, cheveux tressés ou lâchés virevoltant au gré du vent. Sauf une, qui nous fait face, deux colombes blanches entre les mains, telle une Aphrodite prêchant les valeurs de l’amour et de la paix.

 

Stand de la Milani Gallery (Australie), stand SC10.

  • Back Like A Memory, Alanna Fields, 2023.

  • Come To My Garden, Alanna Fields, 2021.

  • Fireflies We Make Bright As Stars, Alanna Fields, 2021.

  • I Want You, Alanna Fields, 2023.

  • Inside Every Man Lives The Seed Of A Flower, Alanna Fields, 2021.

  • Thrill Me With Your Magic, Alanna Fields, 2021.

© Alanna Fields, Courtesy of the Artist and Yossi Milo, New York

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2. Alanna Fields 

 

Comment transformer et réinterpréter les images du passé ? Cette question centrale guide le travail de l’artiste américaine Alanna Fields depuis 2019. En parcourant des archives photographiques de la communauté queer et noire aux États-Unis – qu’elle se procure par le biais de sites de vente en ligne comme eBay –, Alanna Fields s’attache à mettre en lumière le récit de vie de personnes marginalisées. Ses créations, à mi-chemin entre la photographie et le collage, remettent ainsi en question les normes sociétales et revendiquent l'importance et l'influence d’une communauté très longtemps invisibilisée. Dans le cadre de la foire Paris Photo, les œuvres exposées par la galerie new-yorkaise Yossi Milo dévoilent ces corps anonymes dans l'intimité de décors domestiques, libérant leur désir à l'abri des regards et potentielles violences du monde extérieur. Au contact des méthodes utilisées par l’artiste (principalement des collages), l’histoire d’individus inconnus y sont ainsi présentées comme des témoignages de vie qui auraient pu rester dans l’oubli.

 

Stand de la Yossi Milo Gallery (New York), stand D14.

  • Lola Flash, "Cow Girl (Cross-Colour Series)" (1994).

  • Lola Flash, "J is for Judge, Provincetown, Mass (Cross-Colour Series and Gay to Z Series)" (1993).

  • Lola Flash, "K is for KKK, Provincetown, Mass (Cross-Colour Series and Gay to Z Series)" (1993).

© Lola Flash

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3. Lola Flash

 

Au sujet de sa série de photographies réalisée ente les années 80 et 90, Lola Flash surprend en évoquant avec humour qu’il s’agit “d’une erreur totale”. À l'époque, alors que l’artiste américain étudie au Maryland Institute College of Art, iel imprime l'un de ses clichés sur un papier négatif et obtient un contraste fascinant de couleurs inversées. Le blanc se fait noir, le noir se fait blanc, le vert devient rouge et le bleu jaune… Malgré les réticences de ses professeurs et de ses proches, Lola Flash continue alors pendant près de vingt ans à réaliser ces photographies en négatif aux accents surréalistes, trouvant dans leur réalisation un écho à sa propre vie et à celle la communauté afro-américaine dont iel fait partie. Au sein des ses images, Lola Flash transforme en effet les peaux noires en peaux blanches, et inversement, jusqu'à parfois les teinter de bleu ou de violet, de telle façon qu’elles ne représentent plus qu’un humain, sans distinction de race ou de classe. Au fil des années, l’artiste compose ainsi son propre alphabet d’images – A pour Absolute Vodka, B pour Breast, C pour Cow Girl, etc. –, qu’iel double de symboliques politiques comme personnelles, en faveur notamment des droits pour les communautés LGBTQIA+.

 

Stand de la Jenkins Johnson Gallery (New York), stand C01.

  • Pixy Liao, "find a woman you can rely on" (2018).

© Courtesy Pixy Liao & Stieglitz19

4. Pixy Liao

 

Depuis 2007, l’artiste et photographe chinoise Pixy Liao se met en scène avec son petit ami, Moro, pour son projet Une relation expérimentale. Interrogeant les codes traditionnels du couple, elle se représente le plus souvent dans une posture dominante tandis que son conjoint apparaît dans une position de soumission. “Mes photos explorent les possibilités alternatives des relations hétérosexuelles”, déclare d'ailleurs la quadragénaire à propos de cette série. Dans des mises en scène prenant souvent place dans un cadre intime, Pixy Liao déjoue les attentes généralement attribuées au genre et donne aux spectateurs de ses œuvres l’occasion de questionner leur rapport à la masculinité. Tantôt utilisé comme simple support pour prendre son petit-déjeuner, tantôt porté comme un corps inerte, Moro apparaît déshumanisé voire réifié au fil des images. Au point que ces représentations du couple amènent vers une question sociale, si ce n'est politique : à quoi ressemblerait notre monde si l’homme et la femme permutaient leurs rôles de sexe et de pouvoir ?

 

Stand de la Stieglitz 19 Gallery (Bruxelles), A06.

  • Annie Wang, "The Mother as a Creator No. 1: The day before I was due to give birth, 2001, Gelatin silver photograph" (2022).

  • Annie Wang, "The Mother as a Creator No. 2: Pressing the camera shutter together" (2002).

  • Annie Wang, "The Mother as a Creator No. 3: My son’s leg was in a cast" (2003).

  • Annie Wang, "The Mother as a Creator No. 3: My son’s leg was in a cast" (2003).

  • Annie Wang, "The Mother as a Creator No. 10: Arguing for freedom" (2018).

  • Annie Wang, "The Mother as a Creator No. 11: Long-distant Relationship" (2020).

  • Annie Wang, "The Mother as a Creator No. 12: Happy 50th Birthday" (2022).

© Annie Hsiao-Ching Wang, Courtesy of Stephen Daiter Gallery

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5. Annie Hsiao-Ching Wang

 

Dire que l'arrivée d'un enfant chamboule toute une vie est un euphémisme. Terrifiée à l’idée de ne plus jamais être la même personne après l'accouchement, Annie Hsiao-Ching Wang, alors enceinte, se photographie dans son studio un jour avant la date de son terme. Nous étions alors en 2001. Depuis, l'artiste originaire de Taïwan s’est appliquée à prendre la pose avec son fils, année après année, jusqu’en 2022. La première fois, elle posait avec son petit garçon dans les bras près de son autoportrait encore enceinte, confrontant deux facettes d'elle-même qui finalement, à l’inverse de ses appréhensions, se montrent plus complémentaires qu’opposées. Formant une sorte de kaléidoscope, l'artiste continuera au fil des deux décennies à se mettre en scène avec son fils devant le portrait pris l’année précédente, intégrant à chaque cliché les étapes de leur évolution. Ainsi, alors que le jeune homme grandit et finit par la dépasser, Annie Hsiao-Ching Wang vieillit. Les rides de la mère répondent au sourire ingénu du fils et dessinent un émouvant album photo familial, que l’artiste réunit dans un ouvrage publié en 2020, ajoutant à côté de chaque cliché un texte qui relate les joies et les peines de chaque nouvelle année passée côte à côte.
 

Stand de la Stephen Daiter Gallery (Chicago), A24.

  • Maya-Inès Touam, "LV et Protéa" (2020).

  • Maya-Inès Touam, "Nature morte à la grenade" (2020).

  • Maya-Inès Touam, "Ananas&joujou" (2020).

  • Maya-Inès Touam, "Méduse et Papillon" (2020).

  • Maya-Inès Touam, "Ogives, L’équilibre" (2021).

  • Maya-Inès Touam, "Sans titre 3" (2017).

  • Maya-Inès Touam, "Traces d’un souvenir".

© Maya-Inès Touam. Courtesy Les filles du calvaire, Paris.

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6. Maya-Inès Touam

 

Leur surface glacée et leurs couleurs vives les rapprochent des peintures du Siècle d’or. Exposées au sein de retables ou de cadres en bois, les natures mortes photographiques de Maya-Inès Touam ont ce “je-ne-sais-quoi” de précieux, semblable aux œuvres des maîtres flamands. Mais ici, ni banquet opulent, ni memento mori ou encore objets liturgiques : l’artiste franco-algérienne crée ses compositions d'apparence picturale à partir de plats en céramiques colorés, de morceaux de bazins (étoffes africaines), de fruits exotiques tels qu'une grenade ou une calebasse, ou encore d'un sac Louis Vuitton. Bref, un méli-mélo de détails qui peuplent son imaginaire et remplacent ainsi les traditionnelles représentations des peintres de la Renaissance nordique, dont la palette chromatique terne se transforme, ici, en de vibrants tableaux qui questionnent ainsi la notion même de “nature morte”…

 

Stand de la galerie Les filles du Calvaire (Paris), C16.

  • Yelena Yemchuk

  • Yelena Yemchuk

  • Yelena Yemchuk

  • Yelena Yemchuk

  • Yelena Yemchuk

© Yelena Yemchuk & Kominek Gallery

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7. Yelena Yemchuk

 

Élevée à Kiev en Ukraine, Yelena Yemchuk émigre aux États-Unis à l’âge de 11 ans. Cette artiste polyvalente ne se limite pas à une seule discipline, jonglant avec brio entre la photographie, le dessin et la réalisation. Accrochées par dizaines sur les cimaises de la Kominek Gallery, à Paris Photo, ses clichés retranscrivent l'énergie de la jeunesse d'Odessa. Animée par le désir de renouer avec ses racines, l’artiste a pour la réaliser multiplié ses voyages dans son pays d'origine. Armée de son appareil photo, elle y capture avec tendresse le quotidien de parfaits inconnus à travers des portraits empreints d’authenticité. Après avoir publié des ouvrages immersifs tels que Gidropark en 2011 ou encore Odesa en 2015, l'artiste s'est davantage illustrée dans la photographie de mode en collaborant avec des titres internationaux.

 

Stand de la Kominek Gallery (Berlin), SC06.

 

 

Paris Photo, du 9 au 12 novembre 2023 au Grand Palais Éphémère, Paris 7e.