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Numéro
09

Isabelle Huppert en couverture de Numéro art face à la Joconde et aux chefs-d'œuvre du Louvre

Numéro art

Numéro art dévoile sa nouvelle couverture avec Isabelle Huppert photographiée au musée du Louvre devant la Joconde. Au sein de la série réalisée par Reto Schmid, l'iconique actrice revisite ainsi les plus grands chefs-d’œuvre de l'institution. Découvrez également un extrait de son interview qui sera publiée elle-aussi en intégralité dans le Numéro art 14, en kiosque très prochainement, où Isabelle Huppert revient sur son expérience de tournage du film Sidonie au Japon d'Élise Girard, actuellement en salle. 

Isabelle Huppert devant la Joconde au musée du Louvre.

Numéro art : Dans Sidonie au Japon, sorti au cinéma au début du mois d’avril, vous jouez une écrivaine aux prises avec le fantôme de son mari lors d’un voyage au Japon. Comment la réalisatrice Élise Girard vous a-t-elle présenté le film ? Est-ce une histoire de triangle amoureux avec le fantôme de votre mari et votre éditeur, avec lequel des liens se tissent ? Ou plutôt un récit sur le déplacement et l’expérience d’un ailleurs inconnu ?

Isabelle Huppert : Je retiens plutôt cette dernière définition, c’est un film sur les sensations. J’ai rencontré Élise alors qu’elle tournait un film avec ma fille Lolita Chammah – Drôles d’oiseaux. Le film était merveilleux et Lolita ne l’était pas moins. Je ne sais plus quelle a été sa façon de parler du film, mais je crois qu’elle m’a dit qu’il se tournerait au Japon. Bien sûr, cela convoquait un certain nombre d’images. Ce n’est que dans un second temps qu’est venue l’histoire du fantôme, de cette écrivaine, une femme qui doit surmonter un événement tragique de sa vie.

 

Le film déjoue le cliché d’un Japon aux rues agitées pour nous plonger dans des environnements au calme et à la sérénité étonnants. Un sentiment renforcé par le rôle prépondérant du silence dans le film.

Oui, les voitures sont calmes, la foule est calme. Dans la journée, les gens se déplacent comme ça, très doucement. Même s’il est vrai qu’y coexiste aussi la vie animée de la nuit… Élise a un vrai talent pour laisser infuser la poésie du pays. Et pour filmer les silences, comme pour les scènes dans la voiture. Toutes ces scènes d’une grande douceur, ces moments dans le taxi et le silence éloquent qui règne entre mon personnage et son éditeur [l’acteur japonais Tsuyoshi Ihara] sont très émouvants. Aucun bruit ne vient parasiter leur trajet intime et intérieur qui suit le trajet de la voiture.

 

 

Comme actrice, j’ai quand même une bonne imagination : n’importe quelle situation m’inspire.

 

 

 

Isabelle Huppert dans le film Sidonie au Japon d'Elise Girard.

Élise Girard se joue des genres en mêlant le fantastique et des pointes de burlesque. Votre personnage semble parfois se déplacer dans l’espace comme s’il était ahuri. On se croirait dans un film de Tati.

Le film joue sur les contrastes. Lorsque j’arrive à l’aéroport, à Tokyo, je rencontre l’éditeur japonais, et tout de suite notre différence de taille saute aux yeux. Les contrastes sont alors propices au burlesque. Lui, qui marche très vite, et moi, qui lui court après… C’est très drôle. Ça s’est fait très naturellement parce que cela était induit par la situation. Comme actrice, j’ai quand même une bonne imagination : n’importe quelle situation m’inspire.

 

Le fantôme de votre mari apparaît et disparaît avec une grande simplicité et une grande banalité, sans effets visuels superlatifs. Comme s’il revenait à la vie, puis quittait la pièce…

Curieusement, plus il est vivant, visible, et plus il est vivace, comme une plante un peu maléfique, envahissante. Il fabrique de la vie, mais une vie mortelle. C’est une vie qui empêche Sidonie de vivre. Et puis, plus il disparaît, et plus, évidemment, il y a le chagrin. La bonne idée, c’est de ne pas en avoir fait un fantôme morbide, mais un fantôme vivant qui est d’autant plus destructeur qu’il est vivant. Il finit par disparaître, et l’on comprend qu’il laisse une place libre. Alors ça ne va pas sans nostalgie et sans émotions, mais le deuil se fait. Sidonie peut finalement accueillir quelqu’un d’autre dans sa vie. C’est l’histoire d’une renaissance.

 

Une partie du film se passe sur l’île de Naoshima, qui accueille parmi les plus beaux musées au monde. On vous voit de dos face à des photographies d’Hiroshi Sugimoto. Un clin d’œil amusant quand on sait que le Japonais a réalisé votre portrait.

On aurait eu envie de rester plus longtemps à Naoshima. C’est l’inconvénient quand on tourne, on n’est pas forcément disponible pour profiter des lieux que l’on visite… Je n’y étais pas comme touriste, j’y étais en tant qu’actrice, c’est-à-dire dans mon monde à moi. On oublie ce qui nous entoure. C’est assez curieux. Enfin à Naoshima, le lien est tellement unique qu’il est difficile de ne pas le regarder.


Retrouvez l'interview d'Isabelle Huppert en intégralité dans le Numéro art 14, en kiosque et sur iPad très prochainement.

Isabelle Huppert dans le film Sidonie au Japon d'Elise Girard.