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08 Comment Disney a sauvé un enfant autiste

Comment Disney a sauvé un enfant autiste

Cinéma

Nommé aux Academy Awards en 2017, le documentaire Une vie animée de Roger Ross Williams (2016) retrace la destinée hors du commun d’Owen Suskind, un autiste qui a appris à communiquer grâce aux dessins animés Disney. À découvrir sur MUBI. 

La bande-annonce d’“Une vie animée” de Roger Ross Williams.

La famille Suskind a tout pour vivre une existence paisible loin des tracas. Une carrière de journaliste qui décolle au Wall Street Journal pour Ron, le père, une maison parfaite qui dépasse les espérances de la mère Cornelia, et deux magnifiques petits garçons vifs et en pleine découverte du monde qui les attend, Walter et Owen. Le rêve américain et une caméra qui permet d’en immortaliser chaque nouveau centimètre, nouveau pas, nouveau bégaiement. Quand brusquement, Owen, le cadet de la petite famille, cesse de parler. Alors que ses parents envisagent à peine le futur de leur enfant, le diagnostic tombe : l’enfant de trois ans est atteint d’une forme grave d’autisme régressif. La nouvelle est dévastatrice. Le monde parfait de la petite famille s’arrête de tourner, car Owen Suskind semble être condamné à perpétuité. Il passe alors ses après-midi à regarder des dessins animés Disney que les deux frères, à présent séparés par la barrière de l’autisme, partagent encore.

 

“Justava, Justava, Justava…”, marmonne continuellement Owen, privé de ses capacités à apprendre normalement le langage. Les parents désespèrent de ne plus jamais comprendre leur fils, qui s’enferme progressivement dans son monde intérieur inaccessible. Un jour, alors que Walter et Owen regardent La Petite Sirène, se profile enfin une lumière d’espoir. “Ça ne coûtera pas grand chose… juste ta voix !” rugit Ursula, la terrible sorcière qui cherche à voler la voix d’Ariel. Et Owen, la télécommande à la main, de rembobiner, encore et encore. “Juste ta voix”, c’était donc cela qu’Owen voulait tant, lui aussi ; et grâce à un dessin-animé Disney, le contact s’est enfin rétabli. C’est alors que commence un cheminement aussi inespéré qu’inattendu : la famille Suskind multiplie les échanges avec Owen, en s’appuyant sur les dialogues des films que le petit garçon a mémorisés par coeur.

Owen Suskind et son père, le journaliste Ron Suskind, devant un dessin animé Disney. Owen Suskind et son père, le journaliste Ron Suskind, devant un dessin animé Disney.
Owen Suskind et son père, le journaliste Ron Suskind, devant un dessin animé Disney.

Scène après scène, le spectateur plonge lui aussi dans l’univers magique d’Owen Suskind, entre temps arrivé à l’âge adulte. Ce monde, on le connait déjà au moins à moitié : c’est celui de Peter Pan, Bambi, Pinocchio ! Un vrai petit garçon qui ne veut pas — ne peut pas — grandir. À travers les vidéos de famille et un court-métrage d’animation qui entrecoupent les témoignages actuels d’Owen et de sa famille, l’universalité de Disney et ses personnages immédiatement reconnaissables, nous permettent de pénétrer pas à pas dans le quotidien du jeune homme de 23 ans. Un quotidien méconnu pour la plupart d’entre nous : celui d’une vie qui doit être réglée, encadrée, soutenue chaque jour pour s’approcher d’une quelconque normalité ; où chaque mot est un effort, chaque décision est une épreuve, et où l’indépendance est une ligne d’horizon encore lointaine. 

 

Dans ce documentaire intime et hors du commun, le réalisateur Roger Ross Williams — qui décrochait en 2010 un Oscar pour son court-métrage documentaire Music By Prudence — dépeint la descente aux enfers d’un enfant autiste et ses peurs face à un monde auquel il ne peut pas se conformer, mais surtout son épanouissement et l’espoir d’une famille confrontée à cette maladie incomprise. Afin d'être le plus fidèle possible à la vie d'Owen Suskind, le cinéaste s'inspire du livre du père d’Owen, Ron Suskind, Une Vie Animée : Le Destin Inouï d'un Enfant Autiste. À travers des séquences animées mises en images par le studio français Mac Guff et inspirées du récit The Land of the Lost Sidekicks imaginé par Owen Suskind. Le film invite à réfléchir au pouvoir de l’image, des histoires, et de l’enfance, et propose un autre regard sur l’animation Disney, et de toute évidence, sur l’autisme. 

 

Mais comment grandir quand on ne peut pas quitter le Pays Imaginaire ? Comment construire une vie amoureuse quand la seule référence est le baiser d’un prince à une princesse ? Comment affronter d’inévitables échecs à travers ce filtre d’éternelles happy ends ? Ces questions, hélas, resteront en suspens. Nous laisserons Owen Suskind et sa collection de dessins animés Disney en VHS, sans savoir jusqu’où la formule magique de son enfance étendra ses curieux pouvoirs… pour l’instant. 

 

Une vie animée de Roger Ross Williams (2016), disponible sur MUBI.