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Numéro
04

Le jour où des artistes décidèrent de retirer leurs toiles du Grand Palais

Numéro art

Le mardi 16 mai 1972 fut inaugurée au Grand Palais, à Paris, l’exposition “72/72 : Douze ans d’art contemporain en France (1960 – 1972)” organisée à l’initiative du président de la République, Georges Pompidou...

Le jour où des artistes décidèrent de retirer leurs toiles du Grand Palais. Illustration : Soufiane Ababri.

Organisée à l’initiative du président de la République, Georges Pompidou, l’exposition “72/72 : Douze ans d’art contemporain en France (1960 – 1972)” visait à dresser un panorama des différents mouvements artistiques de la dernière décennie — et probablement redorer le blason du marché de l’art français désormais écrasé par celui de New York dopé au pop art. 

 

La coopérative des Malassis présente une peinture engagée et politique

 

La coopérative des Malassis (une association loi 1901 fondée en 1970 par six peintres — Henri Cueco, Lucien Fleury, Jean-Claude Latil, Michel Parré, Gérard Tisserand et Christian Zeimert — produisant collectivement une peinture politique et figurative dirigée contre le projet politique de “nouvelle société” du gouvernement Georges Pompidou) y présenta le Grand Méchoui ou 12 ans d’histoire en France (1972). Réalisée spécialement pour l’exposition, cette peinture – aujourd’hui conservée au Musée des beaux-arts de Dole – est un ensemble monumental composé de 45 panneaux mesurant chacun 162 x 130 cm formant une fresque de 65 m de long sur le thème de l’histoire de la Ve République. 

 

Une manifestation organisée au Grand Palais le jour du vernissage

 

Le jour du vernissage, à l’initiative du Front des artistes plasticiens (un collectif d’artistes et de critiques d’art qui proteste contre “un art d’État” qui serait sous tutelle), une manifestation s’installe sur les marches et dans le hall du Grand Palais, les manifestants martelant divers slogans tels “l’Expo 72 : des artistes au service du capital”, déclenchant une intervention des forces de police. Elle conduisit de nombreux artistes à protester et à retirer leurs œuvres de l’exposition, entre deux charges de CRS, y compris les Malassis qui décrochèrent leurs toiles (s’en servant de boucliers contre les CRS) et les remplacèrent par des photographies (réalisées par Lucien Fleury) du décrochage (huit de ces photographies sont également conservées au Musée des beaux-arts de Dole). 

 

Dans l’ouvrage 25 ans d’art en France1, l’historien de l’art Jean-Louis Pradel rappelle que les 72 artistes ou groupes d’artistes qui participèrent à cette exposition furent “choisis par un comité auquel ne furent pas associés (pour “juger sereinement” de l’entreprise) les critiques qui avaient été les plus fortement engagés dans les batailles artistiques et avaient présidé à la naissance des principaux mouvements des douze dernières années”. Et conclut : “Ainsi commence à s’affirmer sur la scène artistique française et dans ses institutions, l’objectivité d’un pouvoir technocratique, sans autre légitimité que sa neutralité dont il revendique l’apanage au même titre que le savoir qu’il régente. C’est là le symptôme de la neutralisation d’un monde de l’art aplani, dont la glaciation qui s’y dessinait, et dont on retrouve l’équivalent dans les sciences humaines, envahit peu à peu sa structure même”» 

 

125 ans d’art en France 1960 - 1985, sous la direction de Robert Maillard, Larousse, 1986.