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21 L'artiste Rashid Johnson, 1er mentor de Reiffers Art Initiatives, en cover de Numéro art 9

L'artiste Rashid Johnson, 1er mentor de Reiffers Art Initiatives, en cover de Numéro art 9

Numéro art

Alors que s'ouvrait le 22 octobre l'exposition de l'artiste français Kenny Dunkan au Studio des Acacias, sous le mentorat de l'artiste africain-américain Rashid Johnson, Numéro art revient sur le parcours de ce premier mentor du fonds de dotation Reiffers Art Initiatives, engagé et qui s’ est imposé, dans les années 2000, comme un immense créateur en convoquant au sein de ses œuvres l’identité et l’histoire africaines-américaines, ses révoltes, sa culture... 

Rashid Johnson par Dana Scruggs. Rashid Johnson par Dana Scruggs.
Rashid Johnson par Dana Scruggs.

Rashid Johnson a un peu plus de 25 ans lorsqu’il conquiert, au début des années 2000, sa place singulière au sein du milieu de l’art américain. Bien avant le mouvement Black Lives Matter, l’artiste convoque au sein de ses photographies – on le voit posant nu face caméra sur l’une de ses plus célèbres en 2005 –, de ses tableaux et de ses installations des systèmes complexes de récits faisant référence à l’identité et à l’histoire africaines-américaines, à ses révoltes, à son art autant qu’à sa littérature, sa musique ou ses objets du quotidien. Le beurre de karité utilisé pendant son enfance au sein du cercle familial devient ainsi l’un de ses matériaux emblé-matiques. Pourtant, ses œuvres n’ont rien de démonstratif, ne sont ni outrageusement figuratives ni didactiques, elles s’envisagent au contraire comme des puzzles souvent abstraits, parfois minimalistes, où matériaux, figures et objets (lorsqu’ils sont reconnaissables) tra- vaillent de concert à exprimer des états émotionnels intimes plutôt qu’à simplement vouloir représenter, littéralement, la communauté africaine-américaine. Il y a du vandalisme dans ses tableaux, dans cette manière de créer et de détruire dans un même mouvement, brûlant, cassant, assemblant et désassemblant les matériaux et les formes. La joie, l’excitation, mais aussi la lutte et la violence, les traumatismes et leur guérison y explosent. Rien n’est pur dans ces œuvres-cerveaux entremêlant pensées et émotions.

 

Durant la dernière décennie, Rashid Johnson a développé deux nouvelles séries déjà emblématiques. Ses Anxious Men, visages noirs gribouillés sur la toile, se démultiplient sur de vastes formats – suivant une grille (une matrice qu’affectionne particulièrement l’artiste) prenant différentes couleurs : rouge, bleu... Car il ne s’agit pas seulement de représenter des corps noirs, mais d’évoquer l’anxiété et les interrogations de toute une société, au-delà de la couleur de peau. Ses personnages vous observent, en nombre, en communauté, et deviennent les témoins accusateurs ou inter- rogateurs de votre propre existence de spectateur. “Le genre et la couleur de peau n’ont jamais été les caractères prédominants de ces personnages”, insiste l’artiste. Sa série des Broken Men perpétue, quant à elle, les développements de l’artiste autour de ses états émotionnels sur de vastes formats réalisés à partir de petits morceaux de céramique. Cassés ou recollés? L’ambiguïté de la matière y fait écho à celle des sentiments.

 

Découvrez l'interview de Rashid Johnson dans le Numéro art 9

Rashid Johnson photographié par Dana Scruggs dans son atelier à Brooklyn. Rashid Johnson photographié par Dana Scruggs dans son atelier à Brooklyn.
Rashid Johnson photographié par Dana Scruggs dans son atelier à Brooklyn.

Rashid Johnson poursuit son engagement au cœur même des institutions culturelles américaines, du Guggenheim, dont il est l’un des membres du board, à l’Institut Performa. En 2021, il a cette fois accepté de prendre part à une initiative française. Reiffers Art Initiatives, nouveau fonds de dotation créé par Paul-Emmanuel Reiffers [également directeur de la publication de Numéro art], travaille depuis sa récente création à promouvoir les jeunes artistes de la scène française, leur rayonnement mondial et, surtout, une plus grande diversité culturelle. Rashid Johnson a immédiatement accepté d’être le premier artiste international à endosser le rôle de mentor pour le fonds. Il travaille depuis plusieurs mois déjà au côté du jeune artiste français Kenny Dunkan, sélectionné par Rashid Johnson lui-même sur proposition d’un comité artistique constitué de personnalités comme Emma Lavigne, Simon Njami, Diana Campbell Betancourt, Marie-Cécile Zinsou... et l’auteur même de ses lignes. À l’issue de ce mentorat, Kenny Dunkan propose une exposition qui ouvre ses portes le 22 octobre 2021 pendant la FIAC, au Studio des Acacias. L’exposition, produite par Reiffers Art Initiatives, voyagera ensuite en Chine et, nous l’espérons tous, très rapidement aux États-Unis. “Générosité” est un mot qui revient très souvent dans la bouche de Rashid Johnson. Il en était question dans son récent projet au MoMA où l’artiste mettait un micro à la disposition de tous, pour que chacun s’exprime et amplifie sa voix. Il en est aussi question dans ce premier mentorat Reiffers Art Initiatives.

 

NO APOLOGIES, une exposition de Kenny Dunkan, sous le mentorat de Rashid Johnson. Studio des Acacias, 30 rue des Acacias, 17e. Du 22 octobre au 20 novembre 2021.

 

Découvrez l'interview de Rashid Johnson dans le Numéro art 9

Rashid Johnson, “Bruise painting 'honeysuckle rose'” (2021). Huile sur lin.
243,5 x 400,7 x 6,4 cm. Photo : Martin Parsekian. Courtesy of David Kordansky Gallery, Los Angeles Rashid Johnson, “Bruise painting 'honeysuckle rose'” (2021). Huile sur lin.
243,5 x 400,7 x 6,4 cm. Photo : Martin Parsekian. Courtesy of David Kordansky Gallery, Los Angeles
Rashid Johnson, “Bruise painting 'honeysuckle rose'” (2021). Huile sur lin.
243,5 x 400,7 x 6,4 cm. Photo : Martin Parsekian. Courtesy of David Kordansky Gallery, Los Angeles