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Numéro
16 Thierry Fremaux, Festival de Cannes 2023, Tarantino

Qui est vraiment Thierry Frémaux, l'homme derrière le Festival de Cannes ?

Cinéma

Délégué général du Festival de Cannes, Thierry Frémaux, 62 ans, tutoie les grands auteurs du 7e art et préside aux destinées de centaines de films. Dans la tempête de glamour et de scandales qui s’abat sur lui chaque année, le judoka qu’il est garde tout son sang-froid. 

Thierry Frémaux, photographié le 12 septembre 2022 dans la salle de projection du siège du Festival de Cannes, rue Charlot, Paris IIIe. Veste de smoking en mohair et gros grain, et tee-shirt en coton, Brioni. Pantalon en toile de coton, PT Torino. Sneakers, Adidas. 

Retouche : DMBM Thierry Frémaux, photographié le 12 septembre 2022 dans la salle de projection du siège du Festival de Cannes, rue Charlot, Paris IIIe. Veste de smoking en mohair et gros grain, et tee-shirt en coton, Brioni. Pantalon en toile de coton, PT Torino. Sneakers, Adidas. 

Retouche : DMBM
Thierry Frémaux, photographié le 12 septembre 2022 dans la salle de projection du siège du Festival de Cannes, rue Charlot, Paris IIIe. Veste de smoking en mohair et gros grain, et tee-shirt en coton, Brioni. Pantalon en toile de coton, PT Torino. Sneakers, Adidas.

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Modestie, courage, souplesse, patience, acceptation de la défaite, capacité à mesurer sa joie, art de la chute.” Ceci n’est pas l’autoportrait de Thierry Frémaux, patron du Festival de Cannes, directeur de l’Institut Lumière de Lyon et président de l’association Frères Lumière. Ce sont, selon lui, les enseignements et vertus associés à la pratique assidue du judo. Car le judo est la clé (de bras) pour comprendre son parcours : sa longévité à la tête de Cannes (il œuvre pour le festival depuis 2001, un potentiel champ de mines au fil des décennies) ; sa ténacité à l’Institut Lumière (il y entra comme bénévole en 1982, et devint grâce à son “âme frère” Bertrand Tavernier le deus ex machina de l’Institut et du Festival Lumière) ; sa façon de négocier avec la déception – celle des autres quand il refuse leurs films en compét’ ; son ouverture, son refus des barrières et des oukases esthétiques : “J’aime Lautner et Godard, Apichatpong Weerasethakul et Quentin Tarantino” ; son goût pour l’attaque, si besoin est. Ainsi, ce commentaire acerbe au printemps 2021 dans le quotidien Libération sur les plateformes, véritables némésis du cinéma où l’on communie tous ensemble dans l’obscurité : “Netflix est une belle machine avec qui tout le monde bosse, mais ils savent que rien ne remplace la salle.” 

 

Judo et cinéma, les passions de Thierry Frémaux, boss du Festival de Cannes

 

Tout, ou partie, chez Thierry Frémaux, lui vient du judo. “On y enseigne non pas comment gagner, mais comment tomber.” Ukemi. Ça peut aider. Quand Frémaux avait 9 ans, en 1970, il était du genre agité du bocal. On le surnommait “Tout-Fou”, en roulant les yeux. Un jeudi de septembre, il fut conduit au centre de loisirs EDF (son papa y travaillait, tiens, lumière, déjà...), et mené sur le tatami. Épiphanie. “Jour sacré” pour Frémaux qui se calma illico, obtint sa ceinture jaune en décembre, à 10 ans, devint champion du Rhône à 12 ans (le piaf pesait moins de 30 kg), et gagna les championnats du Lyonnais au même âge, ce qui lui a fait écrire dans son épatante autobiographie, Judoka (Éd. Stock, 2021) : “De ce jour, lire mon nom dans le journal ne m’impressionnera plus.” Il faudrait vérifier. 

 

La suite, c’est la transformation de Frémaux en “vrai petit judoka”, la découverte de l’uchi-mata, sa prise préférée, son “Rosebud” comme dirait l’Orson Welles de Citizen Kane, et après la ceinture noire, obtenue à 16 ans au dojo de Vénissieux (surnommé par les petits malins le “Bourrin’s club”) grâce au sensei adoré Raymond Redon, l’élévation jusqu’au quatrième dan. Vertige. C’était il y a trente-cinq ans. 

 

L’autre clé du parcours de Thierry Frémaux, c’est les Minguettes, la cité-dortoir de Vénissieux dans la banlieue de Lyon, la ZUP où il vécut pendant près de trente ans. Une décision de ses parents, “prise sous Giscard, un truc politique, la croyance dans le vivre-ensemble, dans la mixité sociale”, à laquelle il a pleinement adhéré jusqu’en 2003. “C’était un temps béni qui croyait au futur. Ensuite je me suis embourgeoisé.” 

 

Bruce Springsteen, Martin Scorsese et Yves Klein

 

Il en reste quelque chose : malgré les tapis rouges, Hollywood, les fêtes, les dîners avec les stars, la Légion d’honneur, on ne la lui raconte pas. Pas trop. “De toute façon, j’ai rencontré toutes mes idoles, mélancolise-t-il. Le cycliste Eddy Merckx, Bruce Springsteen, Martin Scorsese.” 

 

Il y en a deux que Thierry Frémaux ne rencontrera jamais : le plasticien Yves Klein, quatrième dan, comme lui, qui a écrit Les Fondements du judo, qu’il admire. Et Jigoro Kano, né pile un siècle avant Frémaux, mort en 1933, l’homme qui créa le judo et fonda à Tokyo l’empyrée, le Kodokan, “le lieu où l’on révèle la voie”. Consolation et fusion de deux passions, un film retrace la vie de Kano, La Légende du grand judo d’Akira Kurosawa. Thierry Frémaux le connaît par cœur. 

 

Le Festival de Cannes aura lieu du 16 au 27 mai 2023.