Clara Luciana en concert à l'Accor Arena à Paris le 8 décembre 2022 par Lisa Miquet
Il semble loin le temps où l'on découvrait Clara Luciani, échappée de la troupe rock La Femme sur la pochette, gothique en diable sur la pochette de son premier EP, Monstre d'amour (2018). Cette liane d'1m82 apparaissait telle une madone drapée de noir, grave et majestueuse. Le timbre de voix de cette magnifique pleureuse méditerranéenne (originaire des alentours de Marseille) rappelait alors l'immense Barbara. Mais ce jeudi 8 décembre, à 21h, dans un Accor Arena (Paris) qui affiche complet, c'est une tout autre diva, plus disco, décomplexée et solaire, que nous évoque la chanteuse qui scintille en costume Gucci pailleté : Donna Summer, dont elle reprend justement le cultissime et inusable I Feel Love (en français), ce soir-là. On pourrait traduire ce refrain par "Je ressens l'amour"... Et c'est toute la thématique de ce concert devant une foule en délire constituée de 18 000 âmes totalement envoûtées par le charme de la chanteuse française.
La sainte victoire de Clara Luciani, bête de scène
Après un premier album, Sainte-Victoire (2018), encensé par la critique, un deuxième, Cœur (2021), écoulé à plus de 300 000 exemplaires et plusieurs Victoires de la Musique, Clara Luciani est sans aucun doute l'une des artistes féminines les plus aimées de France. Et ce, peut-être, parce qu'une grande majorité des titres de cette Françoise Hardy de la génération Instagram parlent justement d'amour, d'amour complexe, brisé. De désamour. Toujours avec chic et poésie. Clara Luciani parle aussi de force, de combat (La Grenade), de manque de confiance en soi (J’sais pas plaire), autant d'autres thèmes qui touchent au cœur.
Ce soir-là, à l'Accor Arena, un immense cœur pailleté, telle une boule à facettes surréaliste et mystique, trône d'ailleurs au-dessus de l'estrade sur laquelle s'élance la chanteuse, pour signifier que Clara Luciani ouvre le sien, et se donne entièrement à son public. C'est désormais une évidence. Généreuse, la star au charisme démentiel qui semblait si vulnérable à ses débuts est devenue une véritable bête de scène, capable d'enchaîner les pas de danse, les refrains accrocheurs et les prises de parole à un rythme effréné. Après un commencement hésitant, elle parvient même à rendre cette immense salle intimiste, en invitant le public à chanter en chœur (sa reprise de Metronomy, La baie, fait l'objet d'une session de karaoké baptisée le claraoké) ou en lui apprenant des chorégraphies.
Le clip de "Cœur" (2022) de Clara Luciani
Julien Doré, Alex Kapranos et Ehla en invités de choix
Clara Luciani avoue avoir pensé son show comme une fête de famille. Il faut comprendre par là sa famille de cœur et de sang. Elle invite ainsi à la rejoindre sur scène son ami Julien Doré (sur le titre Sad & Slow), sa sœur, la chanteuse Ehla pour une version émouvante de Ma sœur et son compagnon, Alex Kapranos, le leader du groupe de rock écossais Franz Ferdinand pour une tendre reprise du morceau Summer Wine (1966) de Lee Hazlewood et Nancy Sinatra. On aura aussi droit à une poignante version française de The Winner Takes It All (1980) d'ABBA, devenue Bravo Tu As Gagné, à une pluie de confettis dorés et à des projections de fleurs rétro.
Mais les meilleurs moments du concert restent les interprétations habitées de ses tubes les plus dansants comme l'hymne du déconfinement Respire encore, la perle féministe La Grenade ou encore le mélancolique Le reste. Sur ces hits, Clara Luciani parvient à embarquer, avec une énergie contagieuse, toute la salle avec elle qui reprend en chœur les couplets, comme les refrains. Épaulée par des musiciens épatants et trois choristes talentueuses, la chanteuse confirme ce soir-là, après presque cent dates de tournée ayant regroupé 600 000 spectateurs, qu'elle peut embraser des salles d'envergure et faire battre 18 000 cœurs à l'unisson. Et lorsqu'on pense que la chanteuse a vécu du harcèlement à l'école (pour sa grande taille et sa beauté étrange) et qu'elle est atteinte d'une maladie neurologique – le tremblement essentiel – la voir aussi à l'aise en maîtresse de cérémonie festive apparaît d'autant plus émouvant. En corse, "Luciani" signifie "petite lumière". Mais ce jeudi de décembre, la star de la chanson française est devenue un brasier assez vif pour raviver la flamme d'une 'industrie du spectacle post-covid.
