47


Commandez-le
Numéro
20

Les meilleures expos de l'année 2023, de Mark Rothko à Miriam Cahn

Art

Alors que 2024 approche à grands pas, Numéro fait le bilan de cette dernière année et propose sa sélection des meilleures expositions de 2023, de la rétrospective historique de Mark Rothko à l'exposition saisissante de Miriam Cahn.

  • Mark Rothko, “Green on Blue (Earth-Green and White)” (1956).

  • Mark Rothko, “No. 21” (1949).

  • Mark Rothko, “Red on Maroon” (1959).

© 1998 Kate Rothko Prizel & Christopher Rothko - Adagp, Paris, 2023.

1/3

Mark Rothko à la Fondation Louis Vuitton : une rétrospective historique

 

Grand événement de l’année 2023, l’exposition Mark Rothko à la fondation Louis Vuitton fera date. Non moins de 115 œuvres – un nombre encore jamais atteint par ses précédentes expositions européennes – sont actuellement réunies dans cette rétrospective colossale du peintre américain, figure de l’expressionnisme abstrait et du mouvement Color Field painting, permettant de retracer dans l’ordre chronologique l’évolution d’une pratique qui, des années années 30 à sa disparition tragique en 1970, s’approche de plus en plus de l’absolu. Parmi les chefs-d’œuvre exposés par les co-commissaires Suzanne Pagé et Christopher Rothko, son propre fils, on découvre la reproduction à l’identique de la salle des Seagram Murals (1958) de la Tate Modern, ainsi que plusieurs toiles jamais exposées en Europe, dévoilant les multiples facettes d’un artiste bien plus ombrageux qu’il n’y paraît. Une expérience introspective qui ne se dit pas, mais qui se vit.

  • Miriam Cahn, “RAUM-ICH/ räumlich-ich : gelblichich” (2010).

  • Miriam Cahn, “o.t., 2018 + 2.6.22” (2022).

  • Miriam Cahn, “liegen, 1. + 13.10.96” (1996).

Courtesy of the artist and galeries Jocelyn Wolff and Meyer Riegger. Photo : François Doury.

1/3

Miriam Cahn au Palais de Tokyo : une exposition très attendue et une œuvre vandalisée

 

Légende de la peinture, Miriam Cahn est restée trop longtemps méconnue du public. Depuis plus de trois décennies, pourtant, l’artiste suisse née en 1949 une œuvre puissante voire très crue, peuplée de personnages nus et spectraux dans des scènes aux couleurs hallucinées qui illustrent les drames humains, des conflits politiques de notre époque et leurs conséquences – meurtres, torture, migrations – aux violences sexuelles. Pensée comme une frise visuelle continue alignant, aux murs, dessins et peintures sans distinction chronologique, son exposition personnelle au Palais de Tokyo a été émaillée d’un scandale autour d'une des œuvres exposées, dénoncée par plusieurs personnalités d'extrême-droite comme une apologie de la pédocriminalité – l’œuvre représentait en réalité les viols de guerre. Recontextualisée mais non retirée par le musée, avec le soutien du président de la République, l’œuvre a été toutefois vandalisée par un visiteur qui l’a recouverte de peinture, rouvrant le débat sur la censure dans l'art et les limites de ce que l’on peut, ou non, représenter.

  • Thomas Demand, “Gangway” (2001). © Thomas Demand, Adagp, Paris, 2023.

  • Vue de l'exposition “Thomas Demand. Le bégaiement de l'histoire”. © Jeu de Paume / François Lauginie.

  • Thomas Demand, “Kontrollraum / Control Room” (2011). © Thomas Demand, Adagp, Paris, 2023.

1/3

Thomas Demand au Jeu de paume : un photographe éminemment contemporain

 

Peut-on dire qu’une image est vraie ou ne l’est pas ? Telle est la question posée en ce début d'année par l’exposition de Thomas Demand au Jeu de paume, première rétrospective du photographe allemand en France. Grâce à la fabrication de maquettes éphémères ultra-précises à échelle 1 en papier cartonné coloré, l’artiste formé à l’architecture crée depuis trente ans des scènes que ses prises de vue rendent ensuite saisissantes de réalisme. Toujours dépeuplés, ces décors représentent souvent des lieux d’exercice du pouvoir – open-spaces de grandes entreprises, salles de contrôle ou de réunion des élites – et dénoncent, en filigrane, la surveillance massive, les régimes autoritaires, les conflits géopolitiques ou encore les dérives du monde bureaucratique. Pour l’occasion, l’artiste et l'équipe de son studio ont réussi une prouesse : transformer l’espace du musée en le tapissant de papiers-peints réalisés sur mesure sur lesquels ont été ensuite accrochés les tirages, accentuant ainsi toute leur ambiguïté.

  • Mike Kelley, détail de “Kandors Full Set” (2005-2009). Vue de l'exposition “Ghost and Spirit” de Mike Kelley, Bourse de Commerce - Pinault Collection, 2023.

  • Lee Lozano, “No title 1962-3”. Vue de l'exposition “Strike” de Lee Lozano, Bourse de Commerce - Pinault Collection, 2023.

  • Vue de l'exposition “Moon Room” de Mira Schor, Bourse de Commerce - Pinault Collection, 2023.

  • Vue de l'exposition “I fear (j'ai peur)” de Ser Serpas, Bourse de Commerce - Pinault Collection, 2023.

Photo : Aurélien Mole / Pinault Collection.

1/4

La saison américaine à la Bourse de commerce, de l'œuvre grinçante de Mike Kelley à la peinture transgressive de Lee Lozano

 

Après une saison consacrée aux bouleversements du paysage à l’ère contemporaine, la Bourse de commerce est entrée dans l’automne avec une programmation centrée sur les mythologies américaines et leur déclin à notre époque. Son exemple le plus prégnant ici restera sans doute la rétrospective de Mike Kelley, ovni de l’art contemporain dont les œuvres, entre sculptures de peluches, performances, films parodiques, et dessins grinçants, traduisent l'intérêt pour les sous-cultures et le mouvement punk, l’enfance et les fictions qui façonnent leur imaginaire au crépuscule du 20e siècle. L’institution offre également un coup de projecteur bienvenu sur l’œuvre transgressive de Lee Lozano, dont les peintures mêlant codes de la publicité et représentations sexuelles posent un regard critique sur la société contemporaine. Des installations de l’artiste féministe Mira Schor et de la jeune plasticienne Ser Serpas, lauréate du prix Reiffers Art Initiatives cette année, parachèvent cette déconstruction des grands mythes de l’Occident.

  • Pol Taburet, “Toys and knife” (2022). © Courtesy de l’artiste, Balice Hertling.

  • Pol Taburet, “Belly” (2023). © Courtesy de l’artiste, Balice Hertling, Paris et Mendes Wood DM, São Paulo, Bruxelles, New York.

  • Pol Taburet, “My Dear” (2023). © Courtesy de l’artiste et Balice Hertling, Paris, produit par Lafayette Anticipations – Fondation Galeries Lafayette.

1/3

Pol Taburet à Lafayette Anticipations : un voyage dans les cauchemars d'un jeune prodige de l'art

 

Jeune prodige de la peinture figurative, lauréat du prix Reiffers Art Initiatives en 2022, Pol Taburet n’a que 26 ans et déjà un univers aussi foisonnant qu'aiguisé où se croisent ses multiples influences, de l’imagerie du rap américain aux esprits vaudou et du quimbois créole. Telle un voyage dans sa chambre à coucher, et ses cauchemars, sa première exposition personnelle présentait, à la fondation Lafayette Anticipations, des dizaines de toiles mais aussi des sculptures aux accents surréalistes, volet inédit de sa pratique, installées dans des salles colorées et feutrées semblables à d'inquiétants boudoirs. Une rencontre complète des créatures qui l’habitent, des figures spectrales mystérieuses voire menaçantes qui peuplent ses peintures à des jouets en bois affublés de visages, une fontaine magique, et même une étonnante table ronde d’où dépasse une paire de pattes griffues.

  • Ana Mendieta, “Imagen de Yagul”, from the series “Silueta Works in Mexico 1973-1977”, (1973). © The Estate of Ana Mendieta Collection, LLC. Courtesy Galerie Lelong & Co. / Licensed by Artists Rights Society (ARS), New York.

  • Ana Mendieta, “Untitled: Silueta Series, Mexico”. From “Silueta Works in Mexico, 1973-1977” (1976).

  • Ana Mendieta, “Untitled” (1973) (detail). © The Estate of Ana Mendieta Collection, LLC Courtesy The Estate of Ana Mendieta Collection, LLC and Galerie Lelong & Co. / Adagp, Paris, 2023.

1/3

Ana Mendieta au MO.CO. : une proposition aussi sensible qu'inattendue

 

Disparue tragiquement à l’âge de 36 ans, Ana Mendieta (1948-1985) a laissé, malgré sa courte carrière, une œuvre d’une immense richesse aux thématiques d'autant plus pertinentes aujourd’hui, du rapport à la nature à la représentation du corps féminin. Comme un contrepoint à l’exposition de l’artiste cubano-américaine au Jeu de paume en 2018, concentrée sur son œuvre vidéo, celle du MO.CO. a préféré insister sur la part plus graphique de son travail en montrant des dessins jamais vus et des peintures très peu connues du début de sa carrière, tout en mettant en avant l'intérêt de la jeune femme pour les mythes originels. Curatée par le regretté Vincent Honoré, directeur des expositions de l’institution décédé il y a quelques semaines, avec les précieux conseils de la nièce de l’artiste Raquel Cecilia Mendieta, l’exposition a recréé deux œuvres pour l'occasion : une installation in situ à base d’arbres et de terre, mais également une performance rituelle, qui s'inscrivent toutes deux dans sa fameuse série des Siluetas

  • Louise Dahl Wolfe, “Portrait d’Isamu Noguchi” (1955). | image © Center for Creative Photography, University of Arizona Foundation / The Isamu Noguchi Foundation and Garden Museum / New York / ARS ADAGP, 2023

  • Isamu Noguchi, “Pregnant Bird” (1958). Marbre grec ; 124,8 x 17,5 x 15,9 cm. The Noguchi Museum Archives © The Isamu Noguchi Foundation and Garden Museum / ARS – ADAGP, Paris, 2023 

  • Isamu Noguchi, “Globular” (1928). © Kevin Noble, The Isamu Noguchi Foundation and Garden Museum, New York

1/3

Isamu Noguchi au Lam : une exposition foisonnante pour un artiste inclassable

 

Sculpteur, designer de mobilier, décorateur de théâtre ou encore inventeur de structures pour l’espace public… Isamu Noguchi (1904-1988) est ce que l’on peut appeler un artiste inclassable, dont l'œuvre plurielle a transgressé les médiums, mais aussi les frontières – Nippo-Américain, l’homme a au cours de sa vie vécu au Japon, aux États-Unis et en France. Une pluralité très justement mise en avant par son exposition personnelle au Lam, dont le parcours, thématique plutôt que chronologique, soulignait les résonances formelles et conceptuelles entre ses créations au-delà de leurs époques et domaines. On y croisait notamment ses peintures calligraphiques à l’encre de Chine, ses décors et costumes imaginés pour la chorégraphe Martha Graham, ses sculptures “abstractisant les corps” dans la lignée d'un Brancusi, et bien sûr ses fameux Akari, luminaires en papier qui ont fait sa renommée internationale – et font, encore aujourd’hui, le bonheur des collectionneurs de design.

1/3

Saul Leiter aux Rencontres d'Arles : la consécration d'un grand photographe et révélation d'un peintre de talent

 

Parmi les dizaines d’expositions qui ont animé la programmation des Rencontres d’Arles cet été, l’une a particulièrement marqué les esprits : celle de Saul Leiter, grand maître de la photographie de rue mais aussi de mode, dans lesquelles il s’est distingué dès les années 40 par une approche très innovante de la couleur, à l'époque où celle-ci était encore très nouvelle dans l'histoire du médium. Montée dix ans après la disparition de l’Américain, et pile un siècle après sa naissance, l’exposition réunissait à l’étage du Palais de l’Archevêché une série de tirages des années 50 et 60 fragmentant, de manière étonnante, la ville de New York et ses passants. Mais le point fort de l’exposition restera sans doute les vis-à-vis de ces clichés avec ses peintures, bien moins connues, œuvres abstraites sur papier petit format où l'utilisation de l'aquarelle et de la gouache confirment son talent de coloriste.

  • Viviane Sassen, "Victoria", de la série "Flamboya" (2005).

  • Viviane Sassen, "Inhale", de la série "Parasomnia" (2011). Sassen, "Giallo", de la série "Pikin Slee" (2013).

  • Viviane Sassen, de la série “Roxane” (2017).

© Viviane Sassen et Stevenson (Johannesburg / Cape Town / Amsterdam).

1/3

Viviane Sassen à la MEP : une première rétrospective en France

 

Connue internationalement pour son travail dans la mode, mais aussi pour ses séries réalisées au Kenya où elle vécut jusqu’à l’âge de six ans, Viviane Sassen connaît enfin sa première rétrospective en France. Une exposition qui parcourt avec finesse trente années de pratique, de ses autoportraits réalisés pour son diplôme de fin d'études à ses récents collages surréalistes de corps hybrides, sortant du cadre pour envahir les murs. Presque picturales, ses compositions visuelles où les mouvements des corps dénudés, les lignes des paysages et jeux d’ombres et de lumières découpent l'image telles des formes géométriques colorées, montrent autant de manière de traduire l’intime. Au dernier étage, une sélection de ses clichés réalisés pour la mode défile quant à elle, projetée sur des miroirs dans une installation imitant un podium.

  • Ndayé Kouagou, “A Coin is a Coin” (2022). © Ndayé Kouagou.

  • Vue d'exposition Ndayé Kouagou au Plateau.

  • Vue d'exposition Ndayé Kouagou au Plateau.

1/3

Ndayé Kouagou : la consécration d'un artiste prometteur

 

Fondation Louis Vuitton, Palais de Tokyo ou encore Mécènes du Sud : cette année, Ndayé Kouagou connaît une véritable consécration, qui culmine avec son exposition personnelle au Plateau du Frac Île-de-France. Le jeune artiste et poète français y invite dans un parcours en plusieurs chapitres guidé par son médium de prédilection : le texte. À la manière d’une Barbara Kruger ou d’une Nora Turato, ses mots et phrases, affichés en lettres capitales ou bien interprétés par lui-même en vidéo, sonnent comme des aphorismes qui incitent les visiteurs à s’interroger sur de nombreux sujets, de l’amour au 21e siècle aux écueils du développement personnel. Le tout dans des formes qui imitent – voire parodient – efficacement les codes du langage marketing, des TED Talks ou encore du réseau social TikTok, et revêtent son œuvre d'une touche décalée et queer, éminemment contemporaine.

1/3

Alex Ayed à la Fondation Louis Vuitton et à la galerie Balice Hertling : en direct d'une grande expédition maritime

 

Capter en direct un voyage à travers l’Atlantique : voilà l’expérience inédite que propose l’exposition personnelle d’Alex Ayed à la Fondation Louis Vuitton. Invité par l’institution parisienne dans le cadre de son programme Open Space, le jeune artiste français a fait de l'une de ses galeries une extension de son expédition maritime au long cours, débutée au mois d'octobre dans la Méditerranée pour rejoindre les Caraïbes. Jusqu’au 19 février, une antenne radio diffuse quotidiennement des sons enregistrés sur son voilier tandis qu’une boîte aux lettres numérique reçoit ses notes et poèmes rédigés à la manière d’un journal. Avant son départ, le passionné de navigation présentait également à la galerie Balice Hertling une série de toiles inédites réalisées à partir de voiles de bateau ainsi que quelques sculptures de mouettes hyperréalistes, autres manières d'immerger dans son périple.

  • Anne Bourse, “Gens qui s’éloignent” (2022). Photo © Margot Montigny.

  • Eden Tinto Collins, “CoNec” (2017). Co-réalisé avec Giuliano Ponturo.

  • Ana Vaz, “é noite na américa (It’s night in America)” (2022).

1/3

Le 24e prix Fondation Pernod Ricard : six jeunes talents invoquent les fantômes

 

Soutien fidèle à la jeune création artistique française depuis 1999, le prix Fondation Pernod Ricard présentait, comme de coutume, sa nouvelle édition de septembre à octobre. Sous l’œil de la commissaire Fernanda Brenner, les travaux des six finalistes se rencontraient dans l’espace de la fondation dans une exposition saisissante autour de la figure du fantôme. Des peintures cauchemardesques de Pol Taburet au film mélancolique en noir et blanc d’Anna Vaz, en passant par les chaises enfantines dispersées dans l’espace par Ethan Assouline, les compositions en tissus et miroirs d’Anne Bourse et les étagères noires de Sophie Bonnet Pourpet, renfermant une collection d’objets en tous genres, les pièces portaient en elles les traces d’une mémoire qui semblait les hanter telle une présence spectrale. Un corpus auquel s’ajoutait l’installation vidéo d’Eden Tinto Collins : sa “sitcom” légèrement satirique, dont la protagoniste traverse différents mondes qui pastichent le réel pour l'emmener vers l’absurde, lui a valu de remporter le prix de cette 24e édition.